Ngoyo Moussavou : Le syndrome du « suicide collectif »

L’on se souvient du climat délétère qui émailla le congrès dit de Rennes du Parti socialiste (PS) français, tenu du 15 au 18 mars 1990 dans cette capitale régionale du Nord-Ouest de la France. Héritiers putatifs du Président François Mitterrand, réélu deux ans auparavant pour un deuxième mandat qui fut, aussi, le dernier, Jospinistes (partisans de Lionel Jospin) et Fabiusiens (alliés de Laurent Fabius) avaient sorti les dagues pour se livrer une guerre féroce pour le contrôle de l’appareil du PS, qui laissa du sang sur les murs. Plusieurs observateurs et les socialistes eux-mêmes s’accordèrent à dire que le Congrès de Rennes fut « un désastre pour l’unité du Parti », voire un « suicide collectif » pour ceux qui n’avaient pas hésité à s’enivrer avec des mots.  

Au Parti démocratique gabonais (PDG) on n’en est pas encore là, mais si la crise de leadership et de positionnement actuelle, qui mine de l’intérieur son fonctionnement normal, persiste, il y a lieu de craindre à terme une implosion de cette première formation politique du pays, fondée le 12 mars 1968 par feu le Président Omar Bongo Ondimba. Dire qu’un bicéphalisme de fait s’est installé au sommet de la hiérarchie du PDG est un secret de polichinelle. Le report sine die à chaque fois du Congrès extraordinaire, a mis au jour ses difficultés de fonctionnement. En effet le secrétaire général exécutif actuel, Eric Dodo Bounguendza, voit son autorité neutralisée par des forces occultes, qui parasitent sans cesse ses prérogatives, tant et si bien que les cadres et les petites mains du Parti Démocratique Gabonais s’en trouvent désorientés.

On ne va pas se mentir, deux camps antagonistes se livrent actuellement une lutte sans merci pour le contrôle à tout prix de la direction du Parti, donnant l’impression d’une guerre de succession qui ne manque pas de questionner ni de susciter une certaine gêne. Le Distingué Camarade Président (DCP) du PDG, Ali Bongo Ondimba est, jusqu’à preuve du contraire, aux commandes et le candidat naturel, si tel est son souhait, à toute élection présidentielle, selon une tradition immuable de ce Parti quinquagénaire. Certains « camarades » auraient-ils des agendas cachés ? Dans tous les cas, ceux qui travaillent en sous-main contre le secrétariat exécutif actuel, ne lésinent pas sur les moyens pour le pousser vers la porte de sortie au moment où le PDG a besoin d’unité et de rassemblement. Leur capacité de nuisance et leur force sont telles qu’on est amené à se demander s’il n’y a pas en réalité une « main noire » derrière qui tire les ficelles dans l’ombre ?

Malheureusement ces fractures internes paralysent dangereusement la dynamique du Parti, alors qu’il y a urgence à sortir de ces tiraillements toxiques à un an seulement des élections générales, dont la plus importante sera l’élection présidentielle à deux tours. La bataille électorale devrait s’engager rapidement et donnera lieu à une lutte politique acérée entre la Majorité présidentielle constituée autour du PDG et l’opposition dite radicale qui est loin d’être en miettes et qui n’entend pas, cette fois-ci, boycotter aucune des élections futures. Dans un tel contexte le PDG doit impérativement retrouver son dynamisme et une certaine alacrité.

La parole du Distingué Camarade Président est fortement attendue pour, non seulement sonner la fin de la récréation, mais aussi pour rassurer ses troupes et, au-delà, annoncer les grandes transformations qui devraient constituer les clés du futur, dans un pays que l’on souhaiterait réconcilié et stable.

Par Ngoyo Moussavou

Paul Essonne

Journaliste

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