« Monsieur le Secrétaire général Mays Mouissi , vous avez cru bon d’organiser ce point de presse pour claironner une « victoire » qui n’est en réalité qu’une parodie de démocratie. Permettez-moi, en toute rigueur, d’apporter un contre-discours, point par point, afin que les Gabonais ne soient pas dupes de vos sophismes.
1. Sur la création récente de l’UDB et sa « jeunesse politique »
Vous répétez à l’envi que l’UDB est le plus jeune parti du pays, comme si cela suffisait à lui conférer une virginité morale. Mais de qui se moque-t-on ? L’UDB est né non pas d’une idée novatrice, mais d’un recyclage du PDG et de ses satellites, avec les mêmes figures, les mêmes pratiques et les mêmes réflexes de parti-État. À ce titre, la jeunesse de votre parti est un mensonge par omission : un nouveau sigle ne gomme pas cinquante ans d’habitudes prédatrices.
2. Sur les 54 « députés potentiels »
Vous parlez de « recomposition majeure du paysage politique ». Mais quel aveuglement volontaire ! Quelle recomposition quand les candidats de l’UDB et du PDG se sont arrangés entre eux pour se partager les sièges, tantôt en se retirant, tantôt en envoyant du menu fretin face à leurs barons respectifs ? Ce n’est pas une recomposition, c’est une mise en scène. Vos chiffres provisoires n’annoncent pas une dynamique démocratique, mais une continuité maquillée.
3. Sur l’organisation des élections et les « 95 % réussis »
Permettez-moi de rire : vos comparaisons statistiques sont insultantes pour l’intelligence des Gabonais. Quand un scrutin est entaché de bourrages d’urnes, de transhumance électorale organisée en bus et en pick-up comme ce fut le cas à Ndéndé pour votre propre candidature quand des noms de candidats se retrouvent dans des localités où ils ne se présentent pas, quand des bulletins disparaissent, il ne suffit pas d’afficher un « 95 % » de réussite pour sauver la face. En politique sérieuse, on ne compare pas la démocratie à des tocards, mais aux meilleurs standards mondiaux. Vos comparaisons sont donc non seulement biaisées, mais révélatrices d’une trajectoire nationale dangereusement banalisée vers la médiocrité.
4. Le naufrage électoral de septembre 2025
Car, disons-le sans détour, le Gabon n’avait jamais connu un tel déluge, un tel naufrage, une telle cacophonie électorale depuis son indépendance. Jadis, nous étions dans le registre du soupçon et des témoignages indirects. Aujourd’hui, nous avons les preuves matérielles, visuelles et irréfutables : urnes bourrées à la chaîne, procès-verbaux trafiqués, documents électoraux égarés, électeurs déplacés comme du bétail électoral. Vous nous avez offert le « corrigé » officiel de ce que faisait jadis le pouvoir déchu. Sauf que cette fois-ci, la mascarade est d’une brutalité et d’une visibilité rarement atteintes. L’histoire retiendra que c’est sous la bannière de l’UDB que le Gabon a touché le fond de la farce électorale.
5. Sur la majorité à rechercher
Vous prétendez que votre majorité est la suite logique des événements du 30 août 2023. Faut-il vous rappeler que ce jour-là, les Gabonais avaient cru à la fin du système PDG, à l’arrêt des mascarades électorales, à une véritable rupture ? Deux ans plus tard, que voit-on ? Les mêmes hommes, les mêmes pratiques, les mêmes manipulations électorales, les mêmes logiques clientélistes. Votre majorité n’est pas une « suite logique », mais une trahison logique.
6. Sur la comparaison avec 2018
Vous osez mettre en avant que le PDG en 2018 avait déjà acquis la majorité absolue au premier tour. Là encore, comparaison honteuse. Un pouvoir qui prétend être celui de la « libération » ne se compare pas à un régime honni et déchu. C’est le b.a.-ba de la géopolitique et de la stratégie politique : on se compare toujours aux meilleurs, jamais aux pires. En vous satisfaisant d’être « moins mauvais » que le PDG de 2018, vous condamnez le pays à la médiocrité institutionnalisée.
7. Sur la « nouvelle ère » et la « vitalité démocratique »
Vous parlez d’une « ère nouvelle » alors que vos candidats, à commencer par vous-même à Ndéndé, ont pratiqué exactement ce que vous dénonciez hier depuis Paris : distribution de t-shirts, de sandwichs, de billets de 5000 francs, transhumance électorale par bus entiers. Où est donc la probité ? Où est donc l’orthodoxie financière ? Où est donc la rigueur morale que vous chantiez dans vos tribunes d’expatrié ? Vous voilà devenu le praticien de ce que vous dénonciez avec fracas.
Monsieur le Secrétaire général, votre discours se veut rassembleur, mais il sonne creux. Vous étiez hier le moralisateur qui dénonçait les vices du PDG ; vous êtes devenu aujourd’hui son clone en pratique. Vous étiez hier l’idéologue qui parlait de transparence et de rigueur ; vous êtes devenu le logisticien des « bœufs votants ». Vous étiez hier le théoricien de la rupture ; vous êtes devenu le gestionnaire de la continuité.
Alors je pose une question simple : tout ça pour ça ?
Jean Kevin Ngadi.

