Ma tribune sur les Stéréotypes liés au genre dans les milieux politiques Gabonais

Mesdames et Messieurs,
Chers compatriotes,

La Journée Nationale de la Femme est célébrée au Gabon depuis 1998 en souvenir de la première femme qui était entrée dans un gouvernement de la République. Deux femmes gabonaises étaient devenues ministres pour la première fois en 1974, sous Omar Bongo.

D’abord Agnès Ngnare Nkoghe (la fille aînée du Président Léon Mba-Minko-Mi-Edang) nommée Haut-Commissaire aux Affaires Sociales, aux Anciens Combattants et aux Victimes de Guerre. Ensuite Jeanne Nzaou Mabika née Manomba Kombila qui commença sa très longue et très riche carrière politique comme Secrétaire d’État à la Promotion Féminine. En somme la date du 17 avril commémore avant tout l’implication de nos concitoyennes dans la sphère politique et dans la gestion des affaires publiques.
Sauf que les milieux politiques confrontent les femmes gabonaises à plusieurs défis propres au sexisme systémique. Pour aujourd’hui nous nous limiterons aux stéréotypes liés au genre.

*1. Une femme politique est souvent critiquée, calomniée et attaquée pour son apparence physique, pour ses choix vestimentaires et pour sa vie privée.* Madame Sylvia Bongo Ondimba, la première dame déchue du système Bongo-PDG, est probablement la femme politique gabonaise qui n’a quasiment jamais été épargnée par ses propres concitoyens. Là où la joliesse de Madame Édith Lucie Bongo Ondimba avait toujours fait l’unanimité parmi les classes populaires, la continuatrice de celle-ci n’aura subi que des quolibets pour son apparence. Aujourd’hui encore, même après sa mise en détention, ça continue. Personne ne s’intéresse à ses compétences  académiques ou à ses lacunes professionnelles, très peu de gens savent si elle est bête ou intelligente. Les gabonais sont essentiellement écœurés par sa soif immodérée pour les pillages économiques et financiers, ils sont ahuris de l’avoir entendue renier son grabataire de mari devant la magistrature et donc ils se moque quotidiennement de son apparence physique.
La même chose se produit en France pour l’âge de Brigitte Macron, au Zimbabwe pour les escapades de Grace Mugabe et en Grande Bretagne pour Theresa May.

*2. Plusieurs femmes politiques sont qualifiées d’émotionnelles, d’irrationnelles et d’incompétentes.* On sous-estime leurs capacités intellectuelles, on les exclue souvent de la prise des décisions et on les marginalise au moment des pactes politiques, parce que jugées moins aptes à faire des choix très difficiles. Certains leaders politiques vont jusqu’à hausser publiquement le ton pour ordonner à leurs épouses ou à leurs collaboratrices politiques de s’exécuter sur-le-champ. Les exemples contemporains sont tellement nombreux qu’il n’est pas besoin de retourner le couteau dans les plaies toujours béantes.

*3. Plusieurs concitoyens pensent que le rôle d’épouse et de mère rend les femmes moins compétentes en politique, à cause des difficultés à concilier la vie familiale avec la carrière politique.* Il y a près de dix ans j’avais rencontré un homme très énervé qui ne supportait plus que son épouse légitime, carde politique de très haut plan, participe à des réunions politiques jusqu’au petit matin. Il ne mangeait plus la cuisine de sa femme, il soupçonnait des histoires de coucherie au sein de ce parti. Il parlait de divorcer.

*4. Justement les femmes politiques sont généralement regardées comme des « poupées sexuelles », au lieu d’être reconnues pour leurs compétences managériales.* C’est vrai que certaines filles se comportent dans ce milieu-là comme de « belles marchandises », mais d’autres savent préserver leur dignité jusqu’au bout. Un autre jour nous parlerons du chantage, du harcèlement et autres formes de violences, mais je voudrais ajouter ici les actes de sorcellerie. Il y a vingt ans une vieille femme politique aujourd’hui décédée m’avait confié avoir trompé autrefois son cher époux, avec le président du parti auquel ils avaient adhéré ensemble. Jusqu’à sa vieillesse, cette pauvre maman ne comprenait pas comment elle avait fini dans le lit de ce monsieur. Depuis ce jour sa vie professionnelle avait commencé à dégringoler, sa santé n’était plus la même et son foyer battait de l’aile. La maman mourut d’un cancer en phase terminale.

*5. Les classes populaires ont toujours quelque chose à dire sur le poids, le style de coiffure, le maquillage, les bijoux et les chaussures d’une femme politique, avec l’intention de déterminer si elle doit rester au-devant de la scène ou pas.* Quand les tenues sont décontractées, sexy ou extravagantes, on la trouve indigne d’assumer des charges officielles. Par contre si une musicienne, une hôtesse d’accueil et une vendeuse portent les mêmes vêtements, l’opinion publique les applaudit, peu importe qu’elles soient mariées ou célibataires.

Paradoxalement l’autre femme politique qui accorde peu d’importance à l’élégance est vue comme une attardée sociale et une ratée professionnelle. Il y a quelques années, une jeune femme avait été nommée ministre de la République. Dès la lecture du décret présidentiel, ses coiffures bon marché furent quotidiennement moquées sur les réseaux sociaux. Le jour qu’elle se présenta devant la porte du Conseil des Ministres avec des mèches et des vêtements beaucoup plus jolies, les moqueries s’arrêtèrent sur-le-champ. Quelques temps plus tard elle fut élue députée à l’assemblée nationale, lors d’un scrutin partiel. Personne n’avait vérifié si elle était qualifiée ou non, l’opinion publique était focalisée sur la qualité de ses mèches.

En définitive la plupart des critiques sont basées sur des jugements superficiels et non sur les compétences, les réalisations et les idées politiques des femmes indexées. Nous devons alors reconnaître ces différentes formes de préjugés afin de mieux promouvoir l’égalité politique et la complémentarité sociale. Nous devons insister sur une représentation plus équilibrée des femmes dans toutes les sphères politiques du Gabon.
Bonne Journée Nationale de la Femme,
Que Dieu bénisse le Gabon.

Libreville, le 18 avril 2024
*Philippe César Boutimba Dietha*

Paul Essonne

Journaliste

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