[L’ŒIL DE LA PYRAMIDE] Transition: Pourquoi diable vouloir devenir Ministre ?[ 

Il se susurre à Libreville, un nouveau gouvernement avec comme feuille de route l’application des décisions prises à l’issue du Dialogue national inclusif. Et déjà, Comme d’habitude, le folklore qui prévaut l’annonce d’une nouvelle équipe gouvernementale bat son plein.

Il est risible et pitoyable de contempler l’habituelle poussée de fièvre qui précède l’annonce d’un nouveau Gouvernement. Entre ceux qui tentent de se manifester tout à coup au bon souvenir du Premier ministre (PM), en lui envoyant par mail ou SMS un CV (avec un peu de lèche et de brosse à reluire ) ; en tentant de faire jouer des personnes influentes au sein des états-majors politiques, ou en intervenant auprès d’épouses qui portent plus la culotte dans le couple qu’elles ne veulent le laisser croire ; sans oublier sur Facebook, ceux qui se lancent dans des campagnes de communication pour se rendre visible, supputations médiatiques sur qui mérite de rester et qui devrait partir etc. Une habitude locale qui demeure toujours aussi ridicule : si l’on n’a pas été en mesure d’acquérir l’envergure pour être repéré par les chasseurs de tête, on devrait réfléchir à deux fois avant d’avoir la prétention de vouloir occuper un fauteuil ministériel.

J’ai la conviction que, si on est quelque peu performant dans son domaine, alors on devrait être visible et connu, et pouvoir être identifié par les chasseurs de tête sans avoir besoin de s’agiter. Par contre, si on est performant mais qu’on n’est pas visible, c’est qu’on manque d’une chose essentielle : la capacité à assurer le marketing de sa personne ou de son action. Aucun souci si on veut vivre heureux en vivant caché, mais cela devient un défaut majeur quand on aspire à devenir un personnage public. Enfin, il y a ceux qui ne sont ni performants, ni visibles, mais qui espèrent chatouiller une fibre spécifique chez le Premier ministre. Région d’origine, amitiés ou fraternités, liens familiaux. On voit une percée des natifs d’Oyem durant la Transition autour de Brice Clotaire Oligui Nguema.

II est vrai aussi que depuis 2009, la compétence, l’intégrité et le patriotisme ne sont plus des conditions sine qua non, tandis que la capacité à créer des éclats médiatiques l’est devenue. Il suffit de regarder le profil de certains farfelus qui sont parvenus à siéger au Gouvernement durant ces dernières années.

Concernant le folklore qui prévaut avant l’annonce d’un nouveau gouvernement, je trouve cette pratique ridicule. Je suppose que le Président de la République et le Premier ministre ont déjà plus ou moins partagé le gâteau en fonction de divers paramètres : les copains, les coquins, et surtout les noms imposés par les partis politiques, et qu’il leur faut respecter pour maintenir les fragiles alliances. Une fois qu’on aura placé tout ce beau monde dans le Gouvernement, il ne restera plus de place pour les candidatures spontanées, celles que personne ne recommande, que personne ne soutient, et donc en définitive, celles dont tout le monde se fout.

Au delà de ces  considérations, il serait intéressant de se demander pourquoi certaines personnes se bousculent au portillon pour se faire appeler Monsieur le ou Madame la ministre. Bien entendu,  tous diront que c’est par patriotisme, afin d’apporter sa contribution pour redresser le Gabon.
Argument qui ne pèse que quand on croit aux foutaises, bonbons sucettes, écrans plats, paniers garnis du moins pour la plupart.

Les ambitions politiques,  de manière générale, sont d’abord et avant tout motivées par l’ego. L’envie d’être «  quelqu’un  », d’avoir du pouvoir, de se faire cirer les pompes, d’avoir des gardes de corps, de bénéficier des avantages de la fonction, et de pouvoir montrer au peuple, à la famille, aux « nanas » qu’on a réussi. À ceci s’ajoute la possibilité d’accès à des sources d’enrichissement sans cause sur ou sous la table. Les exemples concrets de personnes ayant fait fructifier de manière curieuse et flagrante leur patrimoine immobilier et automobile après un passage au gouvernement doit en inspirer beaucoup. On ne parlera même pas du droit de cuissage que s’octroient certains.

Conditions peu propices à la performance.
Un regard lucide nous amène également à poser les conditions paradoxales dans lesquelles les fonctions ministérielles s’exercent au Gabon. D’un côté, comme dans tous les pays du monde, il est demandé aux ministres d’avoir des résultats. De l’autre côté, les ressources sont faibles, car l’essentiel du budget est destiné au paiement des salaires. Il suffit de voir tous les impayés de l’État qui causent des revendications et des grèves récurrentes. Ceux qui veulent des résultats doivent donc chercher à «  bricoler  », avec les méthodes et les risques que cela suppose.

De plus, l’espace disponible pour opérer des réformes et laisser une marque dans l’Histoire à travers ses propres initiatives s’est considérablement rétréci. L’exercice du pouvoir est devenu complètement vertical ; toutes les décisions importantes, et même celles qui ne semblent pas l’être, sont prises au Palais présidentiel. Dans un tel contexte, il est bien difficile pour les ministres, et même pour le premier d’entre eux, de promouvoir des idées ambitieuses.

Néanmoins, les places semblent bonnes : cela fait bien des années qu’aucun ministre n’a émis la moindre divergence d’opinion sur la conduite des affaires ou démissionné par conviction personnelle. Les ministres sont soit limogés, soit démissionnés, tout en n’étant pas remerciés au sens le plus courant du terme, forcés d’assumer jusqu’au bout leur rôle de fusible.

En outre, l’ambiance politique délétère à la suite de l’élection pseudo-démocratique de 2016 va exacerber les clivages et fortes inimitiés, ce qui va décupler les sales coups dont les Gabonais raffolent, inspirés par la jalousie et l’envie. On n’aimerait pas être à la place des ministres qui devront tout le temps être sur le qui-vive, à l’affût d’enregistrement de conversations ou d’appels téléphoniques commandités par les adversaires, mais aussi par les «  amis  » désireux de créer des dossiers. Au cas où. On n’aimerait pas être à la place des ministres qui feraient mieux de vérifier chaque feuille à signer dans les parapheurs, au cas où des malintentionnés glisseraient des pièges. Sinon, c’est le risque de découvrir un jour sur Facebook avoir signé un acte de vente de biens de l’État, avec preuve à l’appui. Tant qu’on reste «  du bon côté  » de la barrière politique, on sera protégé. Mais une fois qu’on oublie d’être loyal, les dossiers surgiront à la vitesse grand V.

Les mandats du président Omar Bongo,  nous avaient habitué à la présence de technocrates de haut vol parmi les hauts commis de l’État (ministres ou ambassadeurs). Force est de reconnaître que depuis 2009, la qualité est devenue une denrée rare à l’importance secondaire  : exemple de ce fameux ministre ayant eu une affaire de tentative de corruption du premier ministre, et qui malgré cette révélation a été inamovible pendant longtemps.

Sinon, en matière de changement gouvernemental, cela invite donc à rechercher les vraies raisons de l’engagement politique en général au Gabon, et surtout de la précipitation actuelle à vouloir entrer dans le Gouvernement.

Pierre Parfait Mbadikumbe
Journaliste/Rédacteur/Consultant communication

Paul Essonne

Journaliste

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