Littérature : Interview exclusive de l’écrivain Armel Oyama.

La rédaction de 7joursinfo.com vous livre en exclusivité l’interview du célèbre écrivain gabonais Armel Oyama, lauréat du Prix du Livre Francophone au Meeting international du livre et des arts associés (MILA) d’Abidjan en Côte-d’Ivoire le 29 octobre 2022 avec son livre « Les veuves de Bifoula ». Personnalité incontournable de chaque rentrée littéraire, auteur prolifique, il est plus que jamais fidèle à son univers romanesque et tout aussi exigeant avec son écriture qui manie avec autant d’aisance la vivacité, la singularité et la précision.

1) Comment vous sentez-vous à l’aune de votre carrière littéraire florissante ? D’ailleurs, peut-on utilisez ce mot de carrière dans votre cas ?
Je ne saurai entamer mon propos, sans remercier très sincèrement la rédaction de 7joursinfo.com, pour l’honneur qu’elle me fait à travers cette interview. S’agissant de votre question, je ne pourrais effectivement pas parler de carrière littéraire dans mon cas, mais plutôt d’une véritable passion littéraire. Car comme vous le savez, je fais carrière actuellement à la CNSS depuis le 08 août 2006, en qualité de Cadre Supérieur de Sécurité Sociale, spécialisé en gestion des organismes sociaux. De ce qui est de mon état d’esprit actuel, je suis très heureux et parfaitement satisfait de la qualité des ouvrages que j’ai publié jusqu’à ce jour et de leur impact sur le public, aussi bien au Gabon que hors de nos frontières.

2) Pourrait-on dire que vous êtes heureux du succès qui récompense
une carrière comme la vôtre ?

En effet, je suis très heureux du succès que rencontre mes différents ouvrages auprès des lecteurs et lectrices de notre continent. Ma mission en tant qu’écrivain est entre autres de véhiculer des messages d’espoir, de sensibiliser, de consoler et au besoin d’apporter une critique positive aux différents faits de société, l’écrivain étant le témoin de son temps. Je suis satisfait lorsqu’un de mes romans rencontre l’assentiment du public, comme ce fut le cas avec le roman « les veuves de Bifoula » qui a remporté à Abidjan en côte d’ivoire le
prix MILA du livre francophone en 2022.Cette distinction me conforte dans l’idée que les réalités décrites dans cette fiction reflètent les réalités de la vie dans bon nombres de pays dans le monde en général et en Afrique en particulier. Mais prouve également que la littérature n’a pas de frontière.

3) Reste-t-il de la place dans ce que vous dites et surtout dans votre
travail d’écrivain pour la notion de liberté ?

La liberté aura toujours sa place dans la littérature. Il suffit seulement pour un écrivain de respecter l’intégrité morale et la réputation de ses contemporains. Le rôle primordial de l’écrivain comme je le mentionnait plushaut est de donner son avis et ses orientations sur des sujets d’actualité, en recherchant toujours les solutions les plus adaptés à son contexte. Il s’agit pour tout écrivain de se rappeler avant toute publication, que sa liberté
s’arrête là où commence celle des autres. Si ces préalables sont observés, l’écrivain que je suis, peut librement s’exprimer et dépeindre selon sa sensibilité la société dans laquelle il vit, à travers les différents genres littéraires que sont la poésie, la nouvelle, le roman, l’essai etc…

4) Comment écrivez-vous ? J’entends par là cette évolution à partir de
l’éclosion du sujet et jusqu’à sa mise en écriture.

Dans mon cas, la rédaction d’une œuvre découle de l’intérêt que j’accorde à une cause ou à un phénomène de société. Je pars d’un sujet que je trouve pertinent, pour créer une fiction. Celle-ci doit tenir compte de l’environnement socio-économique que je veux mettre en exergue. Pour être au plus près de la réalité, je m’inspire de nombreuses histoires réelles, que j’extrapole, en y adjoignant des personnages imaginaires. Le tout dans l’objectif de dénoncer, sensibiliser et même consoler des personnes qui dans la vie réelle peuvent être confrontées aux mêmes situations. Je prends également en compte les
croyances répandues dans la société, en couronnant l’œuvre d’une touche humoristique qui vient atténuer le caractère souvent douloureux des situations sociétales que je dépeins dans mes romans.

5) Expliquez-nous vos débuts en littérature.
J’ai toujours été un écrivain dans l’âme. Depuis le cour primaire je m’essayait avec plus ou moins de succès à l’écriture de textes poétiques. Je suscitais de ce fait une relative admiration chez mes camarades de classe, qui n’hésitaient pas à solliciter mes services pour la rédaction de leurs courriers ou leurs rédactions. Ce qui me conforta dans l’idée que l’on ne devient pas écrivain, mais que l’on naît écrivain. Par la suite, j’ai écrit de nombreux romans et essais que j’ai gardés dans mes placards sous forme de manuscrits. Ce n’est
qu’en 2020, après avoir pris part à la rentrée littéraire de l’Union des Ecrivains Gabonais, que j’ai décidé en de me rapprocher de la maison d’édition gabonaise Odette Maganga (ODEM) pour la publication de mon premier roman « les veuves de Bifoula ». Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître, puisque celui-ci, fut deux années plus tard primé à Abidjan dans le cadre du Meeting International du Livre et des Arts. Depuis, je suis tombé avec plaisir dans les mailles de la littérature.

6) Si l’on regarde de plus près votre bibliographie, on ne peut pas s’empêcher de parler de votre principal cheval de bataille la lutte pour la protection des droits des femmes, des veuves et des orphelins liés à votre identité.

Etant un expert dans le domaine de la sécurité sociale, je suis au fait des souffrances que traversent cette franche vulnérable de notre société. En sus des actions que je mène au quotidien dans l’exercice de mes fonctions à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, j’ai décidé de mettre ma plume et mon engagement au service de celle-ci, à travers mes œuvres. J’espère par mes écrits, sensibiliser et faire prendre conscience à l’opinion publique de la nécessité de jeter un regard compatissant sur la situation des veuves et des
orphelins en Afrique. Comme on le dit très souvent, la moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux. Donc, chacun à son niveau de compétence et selon ses capacités doit jouer sa partition dans cette lutte qui nous engage tous.

7) Votre dernier livre, « L’Emergence économique de l’Afrique : Une affaire de tous » parle de la nécessaire implication de toutes les composantes d’une nation dans le processus d’émergence économique d’un pays. Pourquoi avoir choisi ce thème ?

J’ai choisi ce thème parce qu’il est d’actualité en cette période de grands bouleversements de notre continent. De nombreux dirigeants africains ont fait à juste titre d’ailleurs, de l’émergence économique de leurs états, un objectif fondamental d’ici 2025.Cependant, le constat amer fait sur le terrain révèle que les populations africaines dans leur grande majorité ne se sont ni imprégner ni approprier ce concept qui pourtant les concerne au premier chef. A s’y méprendre, l’émergence serait pour bon nombre de nos concitoyens, un
produit de laboratoire, savamment conçu par des intellectuels érudits, sous la supervision des pouvoirs publics, et qui leur sera livré tel un produit de grande consommation, tout prêt à l’emploi. Cette conception erronée certes, mais légitime dans une moindre mesure, met à mal les efforts et la vision futuriste de bon nombre de dirigeants africains biens intentionnés, mais cependant mal compris qui tablent pour une émergence de leurs économies respectives à l’horizon 2025.

À la vue de ce qui précède, on serait tenté de se demander, si le concept d’émergence est suffisamment assimilé par les populations qui en sont les bénéficiaires finaux, si l’émergence est comme beaucoup le pense, une affaire des gouvernants, se résumant à un fade slogan politique ou au contraire, l’émergence naitra de la coordination des efforts fournis par chacun, partant du simple citoyen lambda, à la plus haute autorité du pays qui y aspire. Je soutien cette dernière affirmation et partage pleinement l’assertion de Albert Zilevou selon laquelle : « Il n’y a pas de développement sans changement des mentalités et l’émergence ne sera possible sans engagement des peuples ».

8) Croyez-vous que la littérature puisse y apporter une réponse ?

J’en suis convaincu. La littérature en plus d’être un facteur d’intégration sociale, est aussi un vecteur de transmission des connaissances très puissant. La littérature permet de toucher un public très large et des couches sociales diverses et variées. L’une de ses fonctions est la sensibilisation et l’éducation des masses. Dans ce sens, je pense comme Jules Ferry que celui qui maitrise le livre, maitrise l’éducation. C’est dire qu’il existe une corrélation évidente entre la littérature saine et orientée et l’éducation des masses. Les écrivains doivent profiter du pouvoir que leur confèrent les mots, pour aider un tant soit peu les autorités à faire passer des messages salutaires comme celui de l’émergence
auprès des populations cibles, que leurs discours même sincères ne peuvent atteindre à cause des barrières idéologiques, culturelles, sociales ou ethniques. La littérature à le pouvoir de traverser toutes ces barrières.

9) Quel message auriez-vous pour les lecteurs et les jeunes écrivains ?

Aux jeunes écrivains, j’adresse un message de prise de conscience du rôle divin qu’ils ont dans la société. Un écrivain est tel une sentinelle qui se tient à la brèche pour informer, sensibiliser, alerter et au besoin, apporter une critique positive aux faits qui minent la vie en communauté. Il est à l’image d’un envoyé du ciel qui vient conseiller et consoler ses lecteurs par la justesse et le sérieux de sa plume. D’où la nécessité pour tout écrivain de faire preuve de sérieux, d’honnêteté et de professionnalisme dans ses publications. Car un
livre peut avoir des répercussions inimaginables dans une société. Mais à contrario, peut être un puissant palliatif aux maux qui minent nos sociétés.

S’agissant des lecteurs, j’encourage chacun à continuer à aimer la littérature. Car de nombreux trésors se cachent dans les livres. En plus d’être des instruments d’évasions, les livres permettent à ceux qui s’y intéresse de se cultiver et de monter en compétence dans bien des domaines de la vie. Ils permettent de voyager tout en étant sur place et ainsi s’imprégner des cultures différentes.

10) Quelle est votre actualité littéraire récente.
Deux grands évènements ont marqué mon actualité littéraire récente. A savoir la deuxième édition du Festival International du Livre Gabonais et des Arts (FILIGA) qui s’est au Gabon du 25 au 27 mai 2023 et le Festival des cultures Tékés et apparentées (FESCUTE) qui s’est tenu à Franceville du 23 au 26 juin 2023.Ces deux rencontres culturelles m’ont permis en tant que conférencier de donner mon point de vue sur bon nombre de sujets qui régentent la vie en société. Elles m’ont également permis de faire la rencontre de nombreux écrivains et artistes du monde. Ce fut des moments d’échanges et de partage très enrichissants, qui méritent d’être pérennisés pour la valorisation et la promotion de la littérature africaine en général et gabonaise en particulier. Je garde de très bons souvenirs de ces deux festivals.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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