Lettre au Président de la République de Youmou Potta

LETTRE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.
OBJET : DU DISCOURS ANTI-ÉTRANGERS.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Je n’ai aucune conviction que cette lettre vous parviendra car les services de renseignement sont beaucoup plus préoccupés à surveiller les opposants et à épier les « live » des activistes sur Facebook plutôt qu’à vous transmettre fidèlement la réalité infernale et les cris de détresse des gabonais.
Qu’à cela ne tienne, si j’ai réussi à regrouper les derniers roseaux de mon courage pour vous écrire – conscient qu’en tout lieu et à tout instant la contre ingérence militaire peut m’embuscader – c’est parce que l’urgence du moment impose une réaction souveraine. L’heure est grave. L’heure est d’autant beaucoup plus gravissime car les gabonais sont excédés par la place prépondérante que vous semblez accorder aux étrangers dans notre pays. Et chaque jour, le discours anti-étrangers devient de plus en plus haineux et violent, en conséquence inquiétant.
Mais de quels étrangers s’agit il ?
Permettez-moi, Excellence Monsieur le Président de la République, de vous préciser que je suis d’Okondja, la terre des braves. De toute mon enfance dans cette magnifique vallée, je n’ai connu que des commerçants étrangers. Je pourrais vous écrire des pages sur notre voisin KONTÉ, un être exceptionnel. Je pourrais vous raconter des belles histoires sur SAMBA, TCHAM, SEMBALA, ABOU, SACKO, MOUSSA, SANOUSSI, TOUNKARA, SISSOKO, KONATÉ…Que dire des célèbres gâteaux de Madame  KABA? Des vrais délices !
Sur le plan scolaire, je pourrais vous entretenir des jours durant sur l’espagnol de Señor NDIAYE, les mathématiques de Monsieur DEMBELÉ DRISSA et de Monsieur EKLOU, les sciences naturelles de Monsieur COULIBALY TIDIANI, les sciences physiques de Monsieur FADAMA, le français de Monsieur JOB AYÉLÉRUN AKPO,  l’anglais de Mister OSHO…AH la belle époque ! L’époque de l’élite ! L’élite de la vraie École! L’École de la République !
Quoiqu’un ex-rebelle tchadien nommé TAHIR ait voulu profiter de sa puissance financière pour prendre la Commune d’Okondja, avec tous ces braves humains sus-cités, la vie sociale, économique et politique était de toute quiétude car chacun connaissait sa place et son rôle.
C’est vous dire, Excellence Monsieur le Président de la République, que les étrangers envers lesquels se dresse la colère des gabonais ne sont pas tous ces anonymes qui ont quitté leurs terres natales pour venir chercher le gîte, la paix et le bonheur au Gabon. Les gabonais ne parlent pas de tous ces milliers d’inconnus vénus d’ailleurs qui se battent pour nourrir leurs familles. Ceux à qui les gabonais s’adressent sont vos protégés qui par des micmacs brumeux acquièrent avec vitesse et facilité la nationalité gabonaise et qui non seulement occupent des hautes fonctions dans l’appareil politique, administratif et financier du Gabon, à qui vous semblez conférer les pleins pouvoirs de décision sur notre avenir, mais aussi osent dicter la loi aux autochtones avec mépris, arrogance, impolitesse et menaces. Les gabonais parlent ici de vos amis dont l’attachement cultuel et culturel avec le Gabon est quasi inexistant et qui préfèrent transférer 99 93% de leurs gains dans leurs pays d’origine.
Nous voulons bien que Maman ABASS ait un endroit pour vendre ses tomates, c’est socialement humain. Mais qu’un gabonais soit obligé de s’agenouiller devant BABA pour avoir une place au Marché Mont Bouët ou qu’un Chef traditionnel Obamba ou Benga pour vous voir se doive de supplier le Dahomey, c’est à la frontière de l’inacceptable.
Oui, Excellence Monsieur le Président de la République, le discours anti-étrangers prend de l’ampleur et vous êtes l’unique solution avant que la cocotte minute n’explose et que la « chasse » ne commence.
Pour ce faire, en définitive, si nous ne cachons pas notre joie de voir certains de vos collaborateurs être relégués dans les ombres des fonctions moins visibles – c’est d’ailleurs un euphémisme – le renforcement des lois anti-immigration rigoureuses est une solution idoine. Mieux, il est impératif de mettre en place un dispositif normatif, législatif, réglementaire et institutionnel relatif au contenu local dans tous les secteurs. Simplement dit, la préférence autochtone c’est-à-dire Gabon d’Abord doit être une loi patriotique non négociable.
Dévouement distingué.
Fait à Libreville, le lundi 12 juin 2023.
 *Youmou Potta.*

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *