Les raisons d’une monarchisation du Gabon.

Transformer la République en dogme et essayer de l’imposer partout sans considération des réalités et des priorités locales, relève d’un fanatisme qui ne peut être que profondément antidémocratique.

De même qu’il n’y a pas d’enfant sans mère, il n’existe pas de pouvoir élu indépendant de ceux qui l’ont fait élire c’est-à-dire, des féodalités de tous ordres qui lui ont permis d’accéder à sa place, et d’espérer y rester. À l’inverse, c’est parce qu’il n’est l’élu de personne que le roi peut être l’homme de tous. C’est parce qu’au fond il n’est que l’enfant de son père, au même titre que chacun des Gabonais, ce qui le place par rapport aux autres dans une situation à la fois absolument singulière et totalement banale, que le monarque peut assumer cette fonction de père. Sans être dépendant d’une coterie, d’un parti, d’un groupe ou d’un lobby quelconque : et sans que l’on puisse soupçonner ce père de préférer outrageusement tel ou tel de ses enfants, et de défavoriser les autres à leur profit.

Si l’on continue dans ce registre familial, on constate que le président de la République, lorsqu’il joue au père de la nation, se trouve sans cesse confronté à son propre mensonge : ce père-là, en effet, sait parfaitement qu’il abandonnera bientôt ses enfants, ce que ces derniers n’ignorent pas non plus. Il fait semblant d’être tout pour eux, mais regarde déjà sa montre, fébrilement. Car ce père adoptif est aussi, et surtout, un père temporaire, tout le contraire d’un père véritable.

Le roi, en revanche, sait que sauf accident révolutionnaire, il sera sur le trône jusqu’à sa mort, et qu’après lui, viendront ses enfants, ou ses neveux. Dans son cas à lui, la parenthèse n’a jamais été ouverte, et elle ne se refermera pas. Par conséquent, il peut envisager les choses sur le long terme. Même au 21e siècle, le roi n’est pas l’homme pressé. Il a le temps, tout le temps qu’il veut, à un moment où celui-ci est un bien rare, et le plus précieux de tous pour qui veut réaliser des projets vraiment ambitieux, comme ceux de la transition écologique, de la réorganisation globale des territoires ou de la réaffirmation de l’identité face à la mondialisation.

Bref, le roi, lui, peut et doit penser sur le long terme. Ce qui veut dire, entre autres, qu’il n’est pas obligé de donner des gages à de futurs patrons, collègues ou clients, qui sont en outre d’anciens créanciers, comme un certain président qui semble prêt à lâcher sur tout, sauf sur les somptueux cadeaux fiscaux qu’il a faits naguère à ses enfants préférés.

Il semble cependant, qu’au moment où la confiance des Gabonais aux femmes et hommes politiques professionnels ne cesse de descendre, et où la démocratie et les valeurs fondamentales de notre culture moderne sont de plus en plus mises en danger par des politiciens populistes et des moralisateurs radicaux, il est peut-être temps de proposer une approche théorique alternative au système présent.

Il est temps de se débarrasser des dogmatismes et autres ankyloses idéologiques, et de réaliser que c’est ce déficit de confiance qui menace vraiment la survie de la démocratie et qui doit être adressée d’urgence.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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