Les changements de Premiers ministres : une tradition fâcheuse gabonaise.

Le président de la République Ali Bongo Ondimba a nommé un nouveau Premier ministre, qui s’appelle Rose Christiane Ossouka Raponda. Sa mission est de taille : il est chargé de mettre en œuvre le projet du président pour améliorer la vie dans le pays. En tant que chef du gouvernement, il s’entoure d’une équipe de ministres. École, culture, économie, santé…, chacun a sa spécialité. Et chacun a des objectifs, fixés par le Premier ministre, qui doit parfois arbitrer entre les différents membres du gouvernement. Par exemple, pour répartir le budget : la somme d’argent que chaque ministère aura pour travailler. Mais le Premier ministre ne prend pas seul toutes les décisions. Il doit aussi rendre compte de ses actions ! D’abord, devant le président de la République, lors du Conseil des ministres. Mais aussi devant les citoyens gabonais, représentés par les parlementaires.

Qu’à cela ne tienne, le Premier ministre assure d’une part l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire, et d’autre part assure la coordination de l’action gouvernementale. S’il passe beaucoup de temps à la Primature, où se situent son bureau et son cabinet, le Premier ministre doit aussi effectuer de nombreux déplacements non seulement dans le pays mais aussi à l’extérieur. Son rôle est de trouver des solutions aux problèmes que rencontrent les Gabonais aujourd’hui, mais il doit aussi anticiper ceux de demain. Ainsi, la nomination des ministres, en dehors de celle du Premier ministre, n’est pas un pouvoir propre du chef de l’État. Les membres du gouvernement sont nommés par décrets présidentiels contresignés par le Premier ministre. Le Président les désigne sur proposition du Premier ministre, mais le chef du gouvernement n’est pas libre de ses choix.

Aussi, le changement du Premier ministre est accompagné d’un remaniement ministériel décidé par le président alors que le gouvernement est normalement responsable devant l’Assemblée nationale élue démocratiquement par le peuple gabonais et que, justement, il devrait en être l’émanation. Or, il n’en est rien. Sans aucune gêne, le Président se débarrasse du chef du gouvernement et en nomme un autre. Pire, il en nomme un qui pour la première fois est une femme. Rappelons que Rose Christiane Ossouka Raponda, a travaillée et a eu des fonctions de ministres au sein du gouvernement et de Maire dans la municipalité de Libreville.

Alors que personne n’a une idée très précise de ce que sont les secteurs d’avenir. L’histoire montre qu’à chaque fois que l’État a cru le savoir, cela a fini en catastrophe avec Omar BONGO ONDIMBA comme Président de la République durant 42 ans (1967-2009) pour 5 Premier ministres : Léon MEBIAME, Casimir OYE MBA, Paulin OBAME NGUEMA, Jean-François NTOUNTOUME EMANE, Jean EYEGHE NDONG ; Puis l’autre Président de la République et fils du précédent, Ali BONGO depuis 11 ans (2009 à 2020) et déjà 6 Premier ministres : Paul BIYOGHE MBA, Raymond NDONG SIMA, Daniel ONA ONDO, Emmanuel ISSOZET NGONDE, Julien NKOGHE BEKALE, Rose Christiane OSSOUKA RAPONDA. Ce qu’il faut craindre c’est donc une nouvelle période d’interventionnisme étatique par l’intermédiaire du nouveau Premier ministre, aux ordres de la Présidence de la République. L’Assemblée sera, de nouveau, une simple caisse de résonance, le Président préférant suivre les propositions d’une Convention qui veut instaurer une société totalitaire.

Enfin, faut-il rappeler que ces changements de Premier ministre sont des pratiques exclusivement gabonaises ? Avec son double exécutif, le Gabon licencie presque systématiquement le chef du gouvernement. Bien entendu, le Président de la République reste intouchable. Ces remaniements à la gabonaise donnent juste une illusion de changement et de réforme. L’idéal aurait été de supprimer la fonction du Premier ministre et de mettre en place un programme capable d’apporter des bouffées d’air à l’économie. Il est à craindre que rien ne se passera et que le Gabon sombrera encore plus. De toute façon, il est probable que désormais, la priorité d’Ali Bongo Ondimba est de se préparer pour la présidentielle de 2023.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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