Parler des 100 jours du CTRI revient à faire le bilan de son magistère. J’observe son mode de fonctionnement depuis le 30 août dernier. Mes premières observations m’ont amené à comprendre que nous avons là, des tenants du pouvoir exécutif qui ne sont pas très politiques. Ce sont des militaires qui découvrent la politique en se formant et se réformant.
En effet, j’ai relevé des erreurs et quelques dispersions qui peuvent créer dans certains esprits cartésiens une certaine confusion et incompréhension. Mais il faut regarder les actions CTRIques avec d’autres lunettes, c’est ce que je me suis attelée à faire. La difficulté du détachement d’avec l’ancien système est malheureusement visible. D’aucuns diront qu’on ne peut pas faire le neuf en mettant le vieux de côté, je peux le comprendre. Seulement, nous sommes en Transition ! Nous sommes dans une situation exceptionnelle ! Et les attentes des populations sont énormes.
Il ne faut surtout pas perdre de vue que nous sortons de 56 années d’un système ou d’un pouvoir qui voulait à tout prix se maintenir. Il s’agit de 56 ans de mascarades électorales. Il faut oser le dire et le dénoncer. 56 ans d’un régime davantage préoccupé pour sa propre survie que le bien-être des populations. Un système autocratique de plus en plus avilissant et austère. Avec le CTRI, c’est la fin d’un despotisme.
Nous attendons donc une nouvelle ère et un nouvel air.
À partir de là, on comprend que le CTRI ne peut pas que restaurer les institutions, il doit aller plus loin, établir la confiance auprès des populations, être capable de mener les gabonaises et gabonais vers un avenir apaisant.
En outre, j’ai observé que son projet politique se construit au fur et à mesure, non seulement dans les actions ponctuelles, les situations limites (les inondations, le chômage sévère, le réseau routier macabre, l’inflation…) mais également dans la restauration des valeurs, le tout dans un temps réduit d’une durée de deux années, jusqu’aux prochaines élections. Cela m’a pris un peu de temps pour le comprendre. C’est assurément pour cela que mon regard n’est plus celui de départ. Très rigoureux et exigeant puisque la durée du CTRI est connue, j’attendais ce temps fini pour davantage suivre sa traversée. Deux ans, sa durée. Deux années passent vite. Il y a tellement de choses à faire, à refaire, à restaurer mais le retour de l’ordre constitutionnel est nécessaire pour notre démocratie.
De fait, je reconnais les efforts et l’abnégation dans la résolution des problèmes existentiels, l’amélioration des conditions de vie et de travail de nos populations. J’ai particulièrement apprécié la mobilisation remarquable et admirable du génie militaire et des travaux publics qui ont travaillé pendant 48 heures afin de remettre en place le réseau routier suspendu par les pluies diluviennes sur la nationale. Bravo.
Sans oublier la réduction considérable de la dette extérieure. Re bravo. Le challenge est plus qu’appréciable même si beaucoup reste à faire. Ainsi que les 1000 postes budgétaires, l’actualisation du fichier de la Fonction Publique et la liberté de la presse accentuée.
Tout ce qui vient d’être dit indique que les actions du CTRI ne sont pas seulement orientées vers sa mission abyssale a savoir la restauration des institutions, la révision de la Constitution et l’élaboration d’un code électoral fiable. Le CTRI est à la quête du bien- être de nos populations. Sa politique et ses actions publiques me font dire qu’il y a des ambitions dans l’air. Je ne le dis pas avec ironie mais plutôt avec un raisonnement logique. Le CTRI se prépare et prépare son chemin. Et d’ailleurs, il suffit de lire la configuration ou les couleurs politiques et civiles dans les deux Chambres du Parlement pour comprendre qu’il a déjà choisi ses alliés. La nouvelle majorité se dessine.
Au-delà de ce qui précède, une autre observation m’a amené à m’interroger sur la place de la femme dans le temps CTRIque. La représentativité de la femme est moindre à côté des pays comme le Rwanda, le Sénégal, l’Ouganda…
Et pourtant, le paragraphe 24 du Titre Préliminaire de notre Constitution dispose que ‹‹l’Etat favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ainsi qu’aux responsabilités politiques et professionnels›› et la loi n°009/2016 du 5 Septembre 2016 fixe les quotas d’accès des femmes (30%) et aux jeunes (20%) aux élections et celui des femmes aux emplois supérieurs de l’Etat n’orientent nullement les nominations.
Quelques exemples illustratifs vérifiables:
-à la Haute Autorité de la Communication (HAC), le bureau compte 8 membres dont 1 femme (12,5%);
– le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) compte 60 Conseillers nommés dont 11 femmes (18%) et son bureau qui compte 7 membres n’a qu’1 femme (14%)
-la Cour Constitutionnelle compte 9, dont 2 femmes (28,57%)
-le Gouvernement compte 27 ministres dont 7 femmes (26%)
-l’Assemblée Nationale compte 98 députés nommés dont 25 femmes (25%) et son bureau compte 12 membres dont 2 femmes (16%)
– le Sénat compte 70 sénateurs nommés dont 14 femmes (20%) et son bureau sur 13 membres, 4 femmes (30% enfin !)
Cette énumération me permet d’affirmer hors de tout doute que les nominations CTRIques ne respectent pas la loi sur les quotas et c’est bien pour cela que je pense que la reformulation du Paragraphe 24 en s’appuyant sur la loi sur les quotas est judicieuse et nécessaire pendant de la Concertation Nationale à venir.
Sandrine NGUÉMÉBÉ ENDAMANE