Le salaire de la peur ou le prix de la liberté.

La liberté de la presse n’a jamais été aussi mal en point qu’aujourd’hui. Le pouvoir en place ajuste ses instruments, moins évidents, pour limiter le pluralisme de la presse. Il refuse la publicité d’État à des organes de presse qui les critiquent. Il permet à une oligarchie proche de lui de faire l’acquisition de médias.

En effet, la peur est indissociable de qui nous sommes. Comme émotion primaire, elle a son utilité, car elle nous permet parfois de survivre ou d’échapper au danger. D’ailleurs, la peur a un rôle politique dans les rapports entre gouvernants et gouvernés. Elle est la cause qui pousse à l’action. Malheureusement au Gabon, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. Le pays met en exergue une justice implacable, centrant sa fonction sur la sanction, et non sur la correction ou la manifestation de la vérité.

Le Gabon serait incapable d’apprendre de ses erreurs et de se corriger, il stagnerait, s’il ne s’effondre pas. Même si le pouvoir en place n’est guère invincible, il serait naïf de croire que sa disparition est inévitable parce qu’il fait l’économie de toute information et de tout apprentissage. En réalité, il élabore constamment de nouvelles mesures politiques, des lois d’apparence neutre mais qui servent en réalité à réprimer la société civile.

Ce pouvoir en place construit des contre-discours en ligne, avec des participants accusant les journalistes de partialité, et leur enjoignant de faire preuve de professionnalisme et, de manière moins évidente, de faire des reportages qui donnent la parole à toutes les parties concernées sur l’ensemble des sujets. L’obligation de prouver son objectivité en couvrant toutes les perspectives politiques pertinentes avec neutralité marche relativement bien dans les démocraties qui fonctionnent.

Les journalistes ne sont plus le quatrième pouvoir, mais ils apprennent à faire la différence entre un désaccord politique ordinaire et des menaces sur les libertés fondamentales dont leur travail dépend. En retour, le public apprend que l’évaluation des médias constitue souvent un défi complexe : un organe de presse peut être impartial sans être indépendant ; un propriétaire pourrait changer les choses sur un caprice. C’est précisément cette transparence qui manque aujourd’hui à la plupart des médias gabonais.

Si l’on factorise les inévitables problèmes de chaînes logistiques et d’approvisionnements qui continuent d’alimentés par les décisions généralement contre-productives des autorités, tout indique que les gesticulations politiques actuelles n’augurent absolument rien de bon.

Prendre la décision de s’adresser au grand public d’une manière aussi solennelle est crucial afin de l’alerter au sujet d’une des valeurs les plus fondamentales de notre démocratie : la liberté d’expression. Etre ouvertement désigné comme cible lorsqu’on expose des opinions singulières est rétrograde. La violence des mots s’est peu à peu transformée en violence physique. Les Gabonais redoutent que la crainte légitime de la mort n’étende son emprise et n’étouffe inexorablement les derniers esprits libres.

Citoyens, élus locaux, responsables politiques, journalistes, militants de tous les partis et de toutes les associations, plus que jamais dans cette époque incertaine, les Gabonais doivent réunir leurs forces pour chasser la peur et faire triompher leur amour indestructible de la liberté.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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