Au moment où le président de la République célèbre ses soixante troisième anniversaires de naissance, c’est non seulement l’occasion de lui souhaiter la santé, mais aussi une opportunité de regarder froidement sa situation politique en tant que président de la République. D’aucuns auraient utilisé la formule de Lionel Jospin en avril 1995, le droit d’inventaire.
Dans la question de la santé du président de la République, maintenant que tout le monde sait qu’il n’était nullement question d’une fatigue légère ou sévère, mais bel et bien d’un accident vasculaire cérébral, on ne peut, au nom de la République et ses principes, se contenter de si peu sur les causes de cette situation. Aussi, le peuple a le droit de savoir comment et pourquoi cet accident sanitaire grave est arrivé au chef de l’État.
Pour avoir voulu faire un coup d’état, c’est-à-dire renverser le pouvoir d’Ali Bongo Ondimba, Kelly Ondo Obiang et ses complices se retrouvent aujourd’hui derrière les barreaux. Quid du médecin du président de la République ou de toutes autres personnes à l’origine de cette situation qui handicape le fils d’Omar Bongo Ondimba. La République qui semble avoir jeté le concept de » raison d’état » ne peut plus justifier son silence sur cette question légitime des soutiens, de la famille biologique ou politique d’Ali Bongo Ondimba.
Peut-être que la réponse à cette question permettra à tous de se gouverner quant à la délicate situation que traverse notre pays. Peut-être que les impostures au sommet de l’État comprendraient qu’elles gagneraient à libérer le plancher avant que ne soient déchaînés les enfers. Peut-être que le pays trouvera un peu plus d’accalmie car nul ne naviguera davantage dans le flou et le doute.
Après cet inventaire sanitaire nécessaire, il est important de regarder avec responsabilité et lucidité le bilan politique du président de la République. Oui, ce fameux droit d’inventaire. Le Gabon avec Ali Bongo Ondimba a-t-il connu un bond en avant sur le plan politique, économique, social, culturel, diplomatique ou spirituel? Voici les domaines dans lesquels chacun devra confronter la réalité du quotidien des gabonais et les actes salvateurs originaux qu’auraient posés par le chef de l’État.
En arrivant au sommet de l’État, Ali Bongo avait promis de faire du Gabon un pays émergent à l’horizon 2025, c’est-à-dire dans trois ans. Pensons-nous vraiment que dans trois ans le Gabon sera inscrit sur la liste des pays émergents quand la question du pain, sa taille, son coût, son poids, son goût, son accessibilité, demeure une problématique existentielle dans le pays?
Il est clair qu’à l’objectivité des choses, si en 2022 on en est encore à débattre de la taille du pain, c’est qu’on n’est même pas encore en train d’écrire la première lettre du mot émergent. Donc il faut arrêter le bluff et la mystification. Le temps a fini par démasquer notre rafistolage langagier qui ne séduit plus personne. A cela il faut ajouter l’immaturité politique suicidaire des actes posés par les proches du président de la République depuis son accident vasculaire cérébral.
Au-delà même d’Ali Bongo Ondimba ou de son bilan à la tête du Gabon, la question des troisièmes mandats pour les chefs d’état en Afrique a déjà été posée. Il va sans dire qu’avec sa situation sanitaire fortement fragilisée qui ne profite, exclusivement et de façon malicieuse, qu’à ce qui lui sert d’entourage aujourd’hui, le sujet sera encore plus d’actualité et engagé dans une violence inimaginable pour ceux qui n’ont jamais été au front quand il s’est agi de lui donner l’entrée du palais présidentiel ou de l’y faire demeurer.
Pour des questions de dignité et d’honneur, il serait souhaitable qu’on épargnât cela au président de la République, fragilisé par la maladie. Vouloir faire prendre des coups mortels à Ali Bongo Ondimba, quand on sait qu’en réalité ce sont des tire-au-flanc qui tirent les marrons du feu, est non seulement inhumain mais c’est surtout un très mauvais calcul politique. La situation de la France en Afrique, accusée, à tort ou à raison, de cautionner les impostures au sommet de nombreux états est plus qu’incompatible avec une telle manœuvre politicienne risquée. La République de Charles de Gaulle ne soutiendra jamais les chantres du Commonwealth. Voilà!
Aussi, les états- majors, d’ici et d’ailleurs en alerte, savent que le prochain président de la République sera la personne qui aura le plus démontré sa capacité à rassurer le plus grand nombre, y compris les partenaires du Gabon. Les concepteurs de la République au village ou en famille, qui n’est que la conséquence de ce que nous subissons aujourd’hui à la présidence de la République, n’auront aucune chance d’être sélectionné. Les beaux et grands parleurs de la République, vendeurs de bluff et d’illusions à outrance, doivent déjà reconsidérer leurs ambitions. Les farfelus, corrompus et tous les autres vendus, collabos aux heures sombres de la nuit, sont déjà hors-jeu. Ne resterons que ceux et celles qui auront fait leurs preuves à travers le Gabon d’abord.
Que chacun vienne maintenant dire ce qu’il a déjà fait, non pas pour sa famille, sa province ou son ethnie, mais pour le Gabon. Responsables politiques, leaders associatifs, hommes d’affaires, présidents d’institutions, c’est l’heure du bilan. Il est venu le temps, pour les acteurs du système, qu’ils soient dans le pouvoir en place ou dans l’opposition, de légitimer l’ambition qu’ils ont pour le Gabon et ses habitants, visibles et invisibles. Seuls les actes concrets compteront.
Par Télesphore Obame Ngomo