Le débat de Missélé eba’a : Les communicants étrangers du palais se trompent.

« Comprenez mon émotion » disait Mobutu en larmes, quelques temps avant la perte du fauteuil présidentiel, lors d’une des dernières messes politiques de son parti, le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR). En voyant Ali Bongo reproduire la même attitude devant les militants de son parti, on ne peut qu’être tenté de penser à une odeur de fin de règne.

En effet, un chef reste avant tout un être humain, avec ses forces et ses faiblesses. Mais la fonction occupée exige une certaine robustesse, une hauteur d’esprit qui exclut les comportements ordinaires de l’individu lambda. Autrement dit, le chef ne peut laisser transpirer publiquement ses émotions sauf à des occasions exceptionnelles de grande tristesse comme la perte d’un être cher.

Omar Bongo avait publiquement pleuré son ami, frère Georges Rawiri comme François Mitterrand l’avait fait pour son compagnon de route Pierre Bérégovoy. Jacques Chirac l’avait fait pour Georges Pompidou et François Fillon pour Philippe Séguin. Cette attitude, l’opinion publique la comprend bien.

Cependant, un chef ne devrait pas susciter la pitié. Or, c’est le sentiment général partagé qui revient après la dernière sortie publique du Distingué camarade président, Ali Bongo devant les militants du Parti Démocratique Gabonais (PDG). Qui a conseillé cette démarche ou cette stratégie au président de la République, cinq ans après son accident vasculaire cérébral ? A la veille de la bataille électorale ?

Le Gabon se trouve en Afrique et ce continent a ses réalités culturelles avec lesquelles on est obligé de composer pour être en phase avec ceux qui partagent la même destinée que nous. Un chef, ça ne montre pas ses faiblesses au risque de réveiller les ambitions dans son camp et de donner du tonus à ses adversaires.

En conseillant au chef de l’État de raconter sa maladie handicapante à quelques mois de l’élection présidentielle, lui qu’on a vu en 2016,  sautiller tel un boxeur sur un ring, c’est accepter de présenter toute sa vulnérabilité.

Car, rappelons le, la course vers et pour le fauteuil présidentiel exige une grande forme, aussi bien physique que mentale. La fonction présidentielle étant très lourde, il convient d’être en parfaite santé pour prétendre l’exercer. Il va sans dire que la question de ses capacités à gouverner, appréciée par un Comité médical, constituera à n’en point douté un contentieux préélectoral sérieux comme l’aura été, avec douleur, celui de l’acte de naissance en 2016.

Aussi, opter pour le registre de l’émotion dans un environnement aussi particulier est politiquement suicidaire. Et beaucoup diraient, avec raison, laissez-le aller tranquillement se reposer. Car, des hommes et des femmes en meilleure santé dans notre pays sont légions. Des hommes et des femmes ayant été terrassés par un accident vasculaire cérébral, nous en avons tous dans nos familles. Et quiconque, restant encore un peu humain, n’offrirait jamais à son parent, désormais handicapé, une charge lourde qui rendrait pénible son quotidien. Pourquoi alors le cautionner ou le vouloir pour Ali Bongo qui mérite aussi l’humanité des hommes ou la compassion d’autrui?

De la même veine, qui demanderait à chaque fois, à un malade ou à un handicapé d’exhiber des pas de danse en public ? Si non, pourquoi devrait-on le faire pour Ali Bongo ? Surtout que la fonction présidentielle ne l’exige pas. Cette façon de faire, dans son nouvel état physique n’est pas positive, bien au contraire. Par conséquent, il faudrait arrêter ce spectacle ridicule pour un chef d’Etat.

On ne devrait pas se moquer d’un président de la République, on doit le respecter ou le craindre. Or, avec ce spectacle désolant, les pas de danse d’Ali Bongo suscitent plutôt des railleries et des moqueries. La fonction présidentielle s’en trouve rabaissée et c’est la République qui prend un coup. Ça doit s’arrêter.

En d’autres mots, le nouvel état physique du président de la République commande qu’on arrête de le transformer en bête de foire, en le laissant danser comme il peut sous le regard moqueur de ses adversaires. Une tenue rigide ou un comportement plus républicain, dans son nouvel état physique, est de rigueur. Le protocole d’État a des codes et là ils sont allègrement violés.

Que les conseillers ou communicants étrangers à la manœuvre cessent ce travail dévastateur qui ne correspond à aucune réalité d’ici ou d’ailleurs.

Claude Chirac et les conseillers de l’Elysée avaient nuancé par les mots l’accident vasculaire cérébral du président Chirac en disant tout simplement l’accident vasculaire. Cette attitude s’est prolongée tout au long de la maladie du vieux et ancien président. Bien malin celui qui osera affirmer avoir vu Jacques Chirac traîner les conséquences de son AVC. Idem pour Georges Pompidou. C’est dire qu’on ne présente jamais un chef malade ou dans un état de fragilité.

L’univers politique est sans état d’âme, sans pitié. Ali Bongo pourrait faire les frais de cette communication boueuse au moment où la météo sociale et les catastrophes naturelles ne lui sont pas favorables. A la veille du 12 mars de cette année, fête du PDG, le Gabon a vécu un naufrage qui a entraîné plusieurs morts. En voulant organiser cette fête en différée, un train a déraillé. Les francs-maçons disent «  Tout dans la vie n’est que symbole ».

Sachons lire les signes du temps. Qu’en sera-t-il au moment de l’élection présidentielle quand l’opinion publique et les piliers du pouvoir en place semblent agacer par l’hyper-délégation du pouvoir présidentielle par Ali Bongo à des gens sans expérience et sans compétence.

Au premier septennat, les gabonais ont subi la Légion étrangère. Au second, après les déboires de l’AJEV, on vit depuis lots au rythme des délires des collégiens du bord de mer sans tenue réglementaire et les complexes multipliés de la maisonnée du président de la République qui malheureusement tendent à maladroitement tout décider.

Bien évidemment, face à un pouvoir absolu, il faut s’attendre à des erreurs absolues, donc quasiment irréparables. Et nous y sommes. Faut il encore accorder un mandat de plus à Ali Bongo quand on sait que cela nous amènera à accepter que la République soit une fois de plus enculer comme cela avait été vulgairement dit à Ryad ? La réponse est toute indiquée.

Plus fort qu’en 2016, les gabonais et les forces décisives d’ici et d’ailleurs pourraient aisément dire non. D’où le sens non négligeable des signes naturels annonciateurs de la catastrophe politiquequi pourrait advenir si la sagesse ne règne pas dans les rangs du pouvoir d’Ali Bongo. Il faut savoir quitter la fête et profiter d’une paix durable avant qu’elle ne vous quitte à jamais.

Les saintes Écritures disent que Dieu parle par les signes. Plus qu’en 2016, les signes sont précis. Comment convaincre sur un éventuel message ou une quelconque mission divine reçu du Ciel si le pardon et le changement ne sont pas au rendez-vous ?  Que font encore Brice Laccruche Alihanga et ses amis en prison quand tout montre aujourd’hui qu’ils sont détenus de façon arbitraire ? Les messages de Dieu sont cohérents, Pacifiques et l’attitude servie montre que nous sommes loin d’un quelconque message divin.

Que les conseillers et communicants étrangers revoient leur copie comme l’avait si bien dit Casimir Oyé Mba à la Cour Constitutionnelle après la Conférence nationale. Ali Bongo ne peut nullement gagner avec cette stratégie de l’émotion ou de la pitié, comme avec cette culture du tout répressif. La pauvreté, les difficultés multiples et les souffrances diverses des gabonais font qu’ils sont devenus insensibles. Rappelons à toutes fins utiles que des gabonais ont lynché un autre pour des raisons fallacieuses.

Seuls les actes pourraient parler en faveur d’Ali Bongo après quatorze ans à la présidence de la République. C’est à ce niveau que le premier ministre jouera un rôle central dans cette situation grave car, de son bilan à la primature, Ali Bongo pourra prétendre renouveler son bail au sommet de l’État. Toutes autres démarches seraient tout simplement suicidaires.

Aujourd’hui les militants du PDG comme bien de gabonais laissent faire les collégiens du bord de mer et la maisonnée du chef de l’État. Mais cela ne voudrait pas dire qu’ils n’en pensent pas moins sur leur gestion catastrophique de l’État ou qu’ils ne sont pas agacés par leurs agissements arrogants et agressifs.

Aussi, ce qui reste du camp présidentiel devrait chercher à mesurer la sincérité de l’adhésion des uns et des autres, mais surtout démasquer les courtisans sans état d’âme.Après tous les délires et toutes les dérives du deuxième septennat, il faut reconnaître que les frustrations de la majorité des gabonais et dans la majorité sont profondes. L’ingratitude et la méchanceté des tenants du palais présidentiel ne peuvent que susciter rejet, vengeance et indifférence.

Au lieu de passer leur temps à vendre du vent pour des milliards de notre Trésor public, les conseillers et communicants étrangers du président de la République gagneraient à dire la vérité à leurs clients : votre affaire de vouloir s’accrocher au pouvoir pue. C’est ça la vérité.

Par Télesphore Obame Ngomo

Président de l’OPAM

Paul Essonne

Journaliste

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