Le débat de Missélé eba’a: Les combinaisons ethniques dans la politique

Le 15 août dernier, dans un article intitulé  » L’Ogooué-Lolo près du but », nous démontrons comment cette province domine désormais la scène politique nationale. En effet, dans l’opposition, la stabilité administrative des partis politiques dirigés par Guy Nzouba Ndama et Paulette Missambo font qu’ils ont une avance sur leurs différents challengers.

Dans la majorité au pouvoir, c’est Éric Dodo Bounguendza, secrétaire général du parti démocratique gabonais (PDG) et Faustin Boukoubi, président de l’assemblée nationale qui sont sensés gérer le volet politique. Tous deux sont originaires de l’Ogooué-Lolo (G7). Dans le même cadre, on peut rappeler que la diplomatie et le trésor public, donc les finances, sont également aux mains de cette province.

Faisant la politique avec ses réalités, une quelconque alliance de ces acteurs du type Mitterrand-Chirac en 1981 ferait qu’ils rafleraient sans équivoque la mise. Ce d’autant plus qu’aujourd’hui, la situation de Paulette Missambo collectionne les meilleurs atouts politiques du moment.

De tout temps, pour des raisons fallacieuses et visiblement politiciennes, il a été dit que l’ethnie à laquelle elle appartient serait la plus nombreuse du Gabon suivie des fang. Aujourd’hui elle représente le trait d’union quasi parfait des deux. Elle est ndzebi et mariée chez les fang. Une alliance que le stratège politique Omar Bongo n’aurait jamais favorisé car, elle effondrait ce que Guy Nzouba Ndama avait le mieux résumé en 2009 en disant, et à juste titre: » le PDG a deux pieds. L’un dans le Haut-Ogooué, l’autre dans l’Ogooué-Lolo « .

Maintenant que l’homogénéité politique de cette province n’existe plus, que des cadres du Haut-Ogooué, de plus en plus nombreux, s’expriment contre le pouvoir et que la famille Bongo Ondimba présente des fractures irréconciliables, on se demande quelles sont désormais les marges de manœuvre du président de la République?

Dans le même état d’esprit et présentement, une alliance avec les omyènè est difficilement envisageable. D’abord la majorité d’entre eux garde encore l’amertume du rêve brûlé de voir Jean Ping accéder au sommet de l’État même s’ils tendent de se consoler avec le profil politique séduisant d’Alexandre Barro Chambrier.

Comme les autres ethnies du Gabon, ils sont partisans de la philosophie de Jean Marie Lepen qui dit: » je préfère mon fils à mon neveu, et mon neveu au fils du voisin ». Avoir un enfant premier ministre, secrétaire général ou directeur de cabinet c’est bien. Mais avoir un enfant président de la République c’est honorable.

En nommant à de prestigieuses fonctions,  premier ministre, secrétaire général de la présidence de la République et directeur de cabinet du président de la République, trois individus au tableau politique vide et aux états de services inconnus, tous originaires de la même ethnie, on continue de se demander quel était le calcul politique des décideurs?

Les caractéristiques identitaires des ethnies du Gabon sont connues. Celle à laquelle appartiennent les hauts responsables cités n’est pas frondeuse et ne prend jamais de risques. Or, les élections au Gabon sont toujours houleuses. Pourquoi le premier ministre n’est pas allé défendre la dernière modification constitutionnelle devant le monde pour ne prendre que cet exemple? Une alliance entre deux ethnies minoritaires ne peut pas faire gagner une élection présidentielle au Gabon. Que cela soit entendu.

Il reste bien évidemment les punu lorsqu’on se limite aux grands groupes ethniques du pays. La question posée aux cadres punu par leur Pierre Mendes France, c’est-à-dire l’une de leur plus grande caution morale, qui vient de quitter le monde des vivants est de savoir, où sont les punu actuellement dans l’échiquier du pouvoir? La réalité est qu’ils sont les mal lotis de l’actuel dispositif de gestion du Gabon.

Prendre le fils d’un opposant circonstanciel et très intéressé pour en faire un haut cadre du parti au pouvoir et un membre du gouvernement là où d’autres cadres punu ont pourtant fait leurs preuves en loyauté et leurs classes dans les différents arcanes du pouvoir constitue presque une trahison à défaut de parler d’un casus belli. Pourquoi les décideurs ont-ils négligé ce réservoir de cadres indispensables dans le jeu politique?

La politique est un domaine où on ne joue qu’en fonction des réalités disponibles, y compris même dans la mise en place d’officines innommables et aux objectifs inavouables. Par conséquent, les prochains changements attendus doivent tenir compte de ces paramètres nouveaux issus de l’impertinence des choix politiques et administratifs opérés par les décideurs.

En définitive, si l’objectif pour les ennemis politiques d’Ali Bongo est d’accéder au pouvoir, ce dernier pourrait encore s’en sortir. Mais si le but premier est de le faire partir, ils pourraient réussir. Le pouvoir en place a lui-même créé les germes de sa destruction. Trop d’ingratitude, trop d’injustice et trop d’humiliation. L’heure de la récolte de ce que certains ont délibérément semé a peut-être sonné. La constitution des combinaisons ethniques en serait une des résultantes.

Par Télesphore Obame Ngomo

Paul Essonne

Journaliste

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