Le débat de Missélé eba’a : La légitime vengeance ou la légitime défense ?

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Vue de la Présidence de la République

Le type d’attelage définissant le pouvoir laissé par Omar Bongo Ondimba a toujours nécessité, pour son bon fonctionnement, le respect d’un certain nombre de codes. C’est pourquoi, pour exister sans perturber les équilibres du système en place, Omar Bongo a fait en sorte que la légitimité des acteurs, surtout les maillons les plus indispensables pour la pérennité de son enracinement, répondent d’un garant ou d’un maître qui aurait déjà fait ses classes dans les différentes strates de son pouvoir. Et c’est ce qui justifie la stabilité et la longévité du pouvoir qu’il a présidé 42 ans durant sans discontinuité.

Malheureusement, cet attelage, qui a fait ses preuves, n’était pas du goût d’Ali Bongo et de ses nouveaux compagnons qui ont pourtant bénéficié du dispositif institutionnel et constitutionnel laissé par Omar Bongo pour arriver au sommet de l’État.

Depuis 2009, les choix  humains et idéologiques opérés par le président de la République et ses collaborateurs, rangés dans le vocable « Légion étrangère », ont consacré l’hégémonie d’une imposture à la présidence de la République, entrainant de facto une instabilité du pouvoir confronté à des adversaires politiques féroces,  internes et externes qui, à défaut de rebattre les cartes ou d’arriver au pouvoir entretiennent cette instabilité.

De qui répondait le chef de la Légion étrangère quand on a entendu André Mba Obame, passé dans les rangs de l’opposition après la mort d’Omar Bongo, se désolidariser de Maixent Accrombessi qu’il a pourtant amené au Gabon et introduit dans les cercles du pouvoir ? De qui répond aujourd’hui Yann Ghislain Ngoulou qui ne dit même plus bonjour à ce fils d’Obia, colonel de l’armée de l’air, qui l’a introduit dans les arcanes du pouvoir ?

De qui répond la bande des collégiens qui infeste les parois du palais présidentiel ?  Des gens sans niveau académique et sans expérience professionnelle qui décident de façon légère l’avenir et le devenir des milliers de gabonais. Était ce ça la fameuse égalité des chances ?  Sous d’autres cieux, les fils des rois, des princes ou des présidents de la République appartiennent à l’élite pour avoir fait les meilleures écoles. Quid du cas Gabon où, quand bien même, conscients de leurs limites, ils refusent de s’entourer de gens clairvoyants. Même à ce niveau, la carence est de taille. Et dire que c’est ce que le maître Omar Bongo a appliqué et enseigné.

Que devrait t-on penser, quand après l’opération scorpion, le directeur de cabinet de Noureddine Bongo Valentin qui prétend avoir fait l’opération Mamba se retrouve à habiter dans la maison de Brice Laccruche Alihanga ? Ce dernier est accusé de détournement de fonds publics, ne sommes nous pas dans du recel, condamné par la loi? Yann Ghislain Ngoulou a t-il eu un contrat de location qui l’autorise à squatter la villa de celui qu’ils ont jeté en prison ? A plusieurs reprises il a été aperçu avec des vêtements semblables à ceux de Brice Laccruche Alihanga, c’est à croire que même ses vêtements, il les porte sauf si il l’a tellement envier au point de s’offrir les mêmes vêtements que lui. Quelle honte, ce comportement de complexé!

Où sont passés tous les véhicules perquisitionnés des cadres de l’AJEV ? Les différents chefs de corps des forces de défense et de sécurité doivent se justifier. Ali Bongo Ondimba n’a jamais demandé aux enquêteurs de spolier ces gabonais. Seule force restait à la loi. Et qu’en sera-t-il demain lorsque les badauds de Cocotiers, des Akébé ou des PK vont s’accaparer des biens de leurs compatriotes vivant à la Sablière ou à Batterie 4 ? Évitons des jurisprudences qui peuvent faire école.

C’est d’ailleurs ce qui explique le narratif mensonger qui est servi à Ali Bongo et à son épouse Sylvia Bongo Ondimba pour justifier le maintien en prison de ces cadres. Sinon, pourquoi arrêter quelqu’un pour un prétendu détournement de fonds à la GOC de 85 milliards de francs où la femme du président de la République aurait reçu plus d’un milliard de francs cfa pour ensuite le juger pour ses prétendus faux papiers ?

Rien que par cette information grave, c’est Sylvia Bongo Ondimba qui aurait dû faire cette affaire. Plus que jamais son image publique est touchée. Cette manière de prendre l’argent public n’est rien d’autre que du détournement de fonds publics ou du recel. Pourquoi certains seraient en prison pour ce fait énoncé et pas d’autres ? On comprend mieux l’overdose de communication qui est servie au monde pour se donner une image de mère Thérésa des Tropiques. Peine perdue, libérez les enfants d’autrui ou rendez au peuple gabonais son argent « volé ».

Comment peut-on arrêter quelqu’un pour avoir tué une panthère et le juger pour une poule disparue ? Dans cette affaire, qui sont finalement les vrais et grands bandits ? On comprend mieux la grève des magistrats qui exigent des traitements de princes. Leurs revendications sont fonction de la gravité des détournements de fonds publics traités chaque semaine dans leurs palais.

Le Gabon se veut être un État de droit où la loi guide l’action publique. Mais en observant les dérives de gestion de ceux qui ont décidé qu’Ali Bongo n’est plus le président de la République gabonaise mais les tenants de sa maisonnée, on comprend mieux le coup de fil dissimulé par les services de communication de la présidence gabonaise du conseiller du président américain pour les affaires de sécurité nationale Jake Sullivan au chef de l’État. A l’ordre du jour, la question électorale dans son volet transparence et paix.

Pourquoi Joe Biden tient à rappeler à Ali Bongo ses engagements sur la transparence électorale et la paix au Gabon au moment où il mandate Barack Obama auprès de Macky Sall pour le dissuader d’un éventuel troisième mandat au Sénégal ? C’est que le président des États-Unis doit certainement recevoir des informations peu rassurantes sur la transparence électorale et la stabilité du Gabon. Rappelons à toutes fins utiles qu’en visite de travail à Paris, le premier ministre gabonais avait longuement été interrogé sur les questions liées aux élections générales à venir, notamment le recours à des mercenaires pour faciliter un passage en force en cas d’échec aux élections. C’est dire qu’une jurisprudence Gbagbo ou Kadhafi se dessine sans aucun doute à Libreville.

Si en 2016, le Parti Démocratique Gabonais (PDG) ne se reconnaissait plus dans le modèle du pouvoir en place où la part belle était offerte à la Légion étrangère, il est clair qu’en 2023, le désamour sera plus dramatique car, en plus du mal précédemment cité, ce sont ajoutés, la gestion du pays par des collégiens et l’imposture de la maisonnée du président de la République au Palais présidentiel. Des bancs de ministres, bras armés de l’exécutif, ne peuvent pas répondre soit du fils du président de la République soit de son épouse. C’est quoi ce mélange de genres dégoûtant ? Ce n’est pas ça la République.

Côté peuple, c’est la catastrophe. Plus grand monde ne croit à l’émergence du Gabon à l’horizon 2025, c’est-à-dire dans deux ans. Les engagements pris et les promesses faites n’ont quasiment pas été suivis de faits concrets. Les routes, les écoles, les hôpitaux, les conditions de vie des gabonais se sont dégradées malgré les milliards sortis du Trésor public. La gestion de la ressource humaine est encore plus catastrophique qu’au premier septennat.

Qu’est ce qui peut bien amener les tékés à penser que le pouvoir conduit par la maisonnée d’Ali Bongo est toujours leur affaire ? Bongoville a été déserté au profit des rues de Londres. Ils n’existent quasiment plus dans la haute administration quand bien même ils sont compétents et méritants. Les choix humains sont des plus maladroits. Qui pourra accepter de donner le parapluie à Ali Bongo quand Barro Chambrier se retrouve sous la pluie ?  La stratégie de l’hégémonie des boursiers Ozavino est un échec assuré. Et tout ceci s’accompagne d’un président de la République isolé et fragilisé par la maladie. La République est vraiment enculée comme elle avait osé le dire à Ryad.

De ce fait, il est suicidaire de penser qu’après avoir suscité autant de frustration au sein des différentes strates du pouvoir et du peuple, Ali Bongo ou sa maisonnée pourrait aisément se maintenir au sommet de l’État. Les États-Unis mesurent bien la poudrière que constitue aujourd’hui notre pays. La maisonnée du président de la République semble plus que jamais être son plus grand handicap. Son impopularité est incontestable.

En oubliant qu’il y a un rendez-vous inévitable entre le peuple et son dirigeant, pour faire le bilan, le pouvoir d’Ali Bongo s’est mis en danger pour ne pas dire en grande difficulté. L’ingratitude en politique se paie cash. Et nous y sommes. En mettant Brice Laccruche Alihanga et ses amis en prison, le système qui est fait de grands prédateurs sait désormais qu’il est en danger. En faisant la promotion d’étrangers au détriment de la compétence gabonaise, le pouvoir d’Ali Bongo s’est mis en difficulté. En laissant sa maisonnée enculer la République, Ali Bongo s’est éloigné des fondamentaux.

Quel électoral le béninois Mohamed Ali Saliou peut-il apporter au président de la République maintenant qu’on approche le renouvellement du bail au sommet de l’État ? Ce n’est pas tout de jouer avec les milliards du Gabon ou de jouer au cerbère du palais jusqu’à empêcher la mère du président de la République de le voir. Il faut maintenant justifier sa place dans les arcanes de ce pouvoir qui est légitimiste.

Que dire des gens incompétents comme Jessy « Ella Ekogha » qui se cherche à Bitam quand on sait que le général Ella Ekogha était  fier d’appartenir à la ville d’Oyem. L’histoire de nos parents nous colle tellement à la peau qu’il sera difficile pour lui d’émerger politiquement à Bitam malgré le soutien de l’épouse d’Ali Bongo. Le combat des droits des femmes nécessite et mérite de la cohérence pour être crédible. Dès l’instant où il n’y a pas de sous clitoris dans notre pays, l’avenir politique de Jessy « Ella Ekogha » est déjà compromis. Il ne peut rien apporter comme voix à Ali Bongo. Que cela soit entendu.

Selon les fichiers d’État civil britannique, Yann Ghislain Ngoulou a obtenu sa nationalité British sur la base de ses origines congolaises. Autrement dit, c’est en tant que réfugié du pays de Sassou-Nguesso en guerre qu’il est arrivé à Londres et a obtenu ses papiers anglais. Aujourd’hui peut-il jouer le rôle d’Alfred Nguia Banda qui rassemblait des centaines de cadres altogoveens autour d’Ali Bongo en période électorale ? La réponse est non.

Noureddine Bongo Valentin avalera dès cet instant le niveau d’impopularité et de méchanceté de son bras armé. Une fois le pouvoir perdu en septembre 2023, il le détestera plus qu’il ne l’a fait pour Brice Laccruche Alihanga qui reste très populaire dans l’opinion publique malgré son incarcération injustifiée.

Théophile Ogandaga, Jean Yves Teale comme Rose Christiane Ossouka Raponda savent que leur communauté ne peut pas offrir de parapluie à Ali Bongo quand le fils de Rahandi Chambrier qui est présidentiable est sous la pluie. C’est impossible. Aussi, que pourront-ils alors apporter à Ali Bongo comme voix en 2023 ? Cette question est valable pour des ministres comme Lee White, Erlyne Antonella Ndembet, Patrick Daouda Mouguiama, Olivier Nang Ekomiye,  Max Samuel Oboumadjogo et Rodrigue Mboumba Bissawou qui n’ont aucune assise politique dans notre pays.

Leur présence dans les arcanes du pouvoir, à ce niveau, est une imposture indigeste que le système en place fera payer au président de la République. Ce dernier a donné toute la légitimité aux différents maillons du système pour lui servir leur légitime défense ou leur vengeance compréhensible. D’ailleurs beaucoup s’inscrivent dans le slogan « vaincre ou mourir » pour se débarrasser de toutes les impostures qui ne répondent pas des enseignements du maître, c’est dire. Et si Paulette Missambo était la candidate de la synthèse ?

Par Télesphore Obame Ngomo

Président de l’OPAM

 

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