Le débat de Missélé eba’a: La fonction présidentielle désormais à la ramasse…

Lorsque le député français Bruno Fuchs posait la question: qui dirige le Gabon, les équipes du palais présidentiel auraient dû prendre le temps de bien réfléchir sur le sens de cette interrogation prononcée devant la représentation nationale française. Mais hélas…

Si déjà durant le premier septennat, nombreux se plaignaient de l’hégémonie au sommet de l’État de ce qu’on a appelé  » la légion étrangère « , durant le second septennat, c’est tout simplement la catastrophe.

Depuis les premiers événements dramatiques de Ryad où le chef de l’État a été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC), une cacophonie insupportable s’est installée au plus haut niveau de la République. On ne sait plus qui fait quoi ou qui est sensé faire quoi.

La communication ratée de l’ancien porte-parole de la présidence de la République, Ike Ngouoni, a mis le feu au poudre. Son manque de culture générale a définitivement discrédité « la parole présidentielle ». Malheureusement, cette situation n’a nullement connu de changement, bien au contraire. Actuellement, la parole présidentielle est d’une légèreté déconcertante et humiliante pour le peuple gabonais.

Comme si tout cela ne suffisait pas, on entre tête baissée dans une spirale du ridicule où, même la raison d’État n’est plus honorée. Le spectacle honteux du procès de l’ancien directeur de cabinet du président de la République, Brice Laccruche Alihanga, avec toutes les accusations liées à son dossier, est la preuve qu’on ne pouvait ramener la fonction présidentielle à un niveau aussi bas, défiant les techniques de recherche du pétrole.

Après Brice Laccruche Alihanga, qu’est-ce qui a véritablement changé dans la gestion du pays? Les mêmes tares de gestion sont décriées avec son lot d’inculture politique. Très concrètement, quel est le bilan qui peut objectivement être fait pour vendre le septennat finissant? Comment et avec qui le président de la République compte t-il se lancer en campagne après un tel désastre constaté?

Les rois se parlent entre eux et le prince Charles, malheureusement, n’est pas roi. Les récents événements de Ryad rapportés par le magazine Jeune Afrique appellent à un changement radical de cap même si l’objectivité nous impose de dire qu’il semble déjà bien tard. Prétexter d’une affaire de covid-19 pour ne pas recevoir Ali Bongo Ondimba est la preuve qu’il y a un profond malaise avec les autorités de Ryad.

La seule raison valable qui vaille serait de penser à un mécontentement non dit mais pleinement assumé. Multiplier les voyages à Londres tandis que Ryad et Rabat se sont tapés le job dans les moments difficiles ne peut pas plaire. C’est pourquoi, en toute chose, faisons attention à l’état d’esprit qu’on construit. La reconnaissance est fondamentale en politique et en diplomatie.

Dans le même état d’esprit de dénoncer ce rabais de la fonction présidentielle, quelle est la pertinence en terme de communication de marteler, le président de la République parlera entre Emmanuel Macron et Joe Biden dans le cadre de la COP216? N’est-ce pas de la grande  gaminerie au sommet de l’État? Sommes nous face à de la confiture? Moins on en a,  plus on étale?

La légèreté de la communication présidentielle servie en ce moment donne vraiment l’impression que le pouvoir gabonais serait en quête de légitimité. Or c’est une posture qui tend à contraster avec le discours affirmant que le Gabon jouirait d’une place de choix dans la lutte contre le réchauffement climatique. Finalement où serait la vérité?

Enfin, dans l’attelage du dispositif autour du président de la République,  où est la consistance? Quels sont les états de service de ses collaborateurs? Quel est leur passé qui justifierait leur présence à ce niveau de responsabilité? Quelles sont leurs bases politiques? Rappelons qu’en 2016 nous posions déjà la même question pour ce qui était de ses collaborateurs. Quel est le bénéfice politique qu’on pourrait tirer des différents directeurs de cabinet, du secrétaire général qu’on n’a jamais vu organiser une simple causerie pour Ali Bongo Ondimba. On fait la politique avec ses réalités, disait Raymond Barre.

Pour de nombreux analystes sérieux,  si Nicolas Sarkozy et François Hollande ont perdu le pouvoir alors qu’ils avaient tout pour faire deux mandats, c’est essentiellement parce qu’ils ont passé leur temps à rabaisser la fonction présidentielle. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le président de la République gagnerait à ne pas commettre la même erreur qui avait été fatale à Valéry Giscard d’Estaing en 1979: traîner le pas pour tenter de donner un souffle nouveau à son pouvoir. Trop de signaux sont désormais au rouge.

Par Télesphore Obame Ngomo

Paul Essonne

Journaliste

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