Le débat de Missélé eba’a : Gare aux signes annonciateurs.

A la veille de la célébration du 55ème anniversaire du parti démocratique gabonais (PDG), parti au pouvoir depuis 1968, le Gabon vient de connaître un des drames les plus tragiques de son histoire. Un bateau en direction de Port-Gentil a coulé au large de Libreville, endeuillant au passage de nombreuses familles.

Comme disent les francs-maçons, « tout dans la vie est symbole ». Est-ce un signe annonciateur d’un éventuel naufrage du PDG quand on a choisi un imposteur comme commandant de bord ? Le profil du Secrétaire général du parti a tout d’un boulet qui pourrait faire couler le pouvoir d’Ali Bongo Ondimba dans moins de six mois s’il n’est pas mis rapidement hors état de nuire.

Comment espérer mener à bon port un navire si le principal commandant de bord n’a aucune expérience politique et aucune légitimité ?

En confiant le secrétariat général du parti à Steeve Nzegho Diecko, à la veille des élections générales et d’une présidentielle prometteuse, les collégiens du bord de mer ont vraiment fait la démonstration qu’ils ne sont nullement à leur place et qu’ils ne disposent d’aucun enseignement du passé.

En effet, le Gabon étant une maison de verres comme le disait si bien Omar Bongo Ondimba, avant sa nomination, Ali Bongo Ondimba ne connaissait pas du tout Steeve Nzegho Diecko. Connaissant l’ADN politique du fils d’Omar Bongo Ondimba, il n’aurait jamais fait ce choix totalement impertinent. Car, Ali Bongo sait toute l’importance stratégique de cette fonction, surtout en période électorale.

De plus, pour être certain de l’impertinence de cette promotion, il suffit de se poser la première question suivante : la nomination de cet individu répond à quel équilibre ou bénéfice politique? Jacques Chirac aimait rappeler aux siens qu’on fait la politique avec ses réalités.

Aussi, on est en droit de se demander quelle serait la masse élective, par l’ethnie ou le clan, qui pourrait servir de caution à Steeve Nzegho Diecko ? Appartenant à une minorité plus qu’insignifiante dans le pays, ce dernier ne dispose pas du tout du poids nécessaire pouvant faire avancer le bateau PDG ou affronter les vagues impressionnantes en temps de haute mer.

En d’autres mots, quelle est la base électorale de cet homme étranger à l’esprit même du PDG qui, comme tous les grands et vieux partis politiques, est légitimiste ?  Steeve Nzegho Diecko a été élu où et quand ?  A-t-il déjà été confronté à la violence symbolique, et parfois même physique, stimulée par une élection tumultueuse ? Comment compte-t-il faire gagner Ali Bongo Ondimba, fragilisé par la maladie, en 2023 ? Voici les questions sur lesquelles ce boulet du navire PDG aurait dû plancher ou se pencher.

De l’avis de nombreux observateurs, la nomination de Steeve Nzegho Diecko semble avoir été motivée par le même état d’esprit qui a justifié l’arrivée d’Édith Cresson du Gabon à la tête du gouvernement. Inutile de rappeler que ce passage a été une erreur monumentale pour le pouvoir. En plus de la pandémie du COVID-19 et l’accident vasculaire cérébrale d’Ali Bongo Ondimba, Ossouka Raponda a fait encore  perdre à l’exécutif plus de deux ans. Sinon, quelles seraient alors les réalisations concrètes qui auront marqué sa villégiature à la primature?

C’est dire qu’au risque d’accélérer le naufrage du PDG, où plus personne ne se retrouve comme l’atteste la folie inimaginable, sous Omar Bongo Ondimba, du dernier Congrès, le distingué camarade gagnerait à changer de commandant de bord du parti le plus vite possible. Du fait de son immaturité politique et de sa légèreté maladroitement affichée, Steeve Nzegho Diecko est entrain de conduire le parti d’Omar Bongo vers une catastrophe certaine.

À lui seul il concentre illégitimité, inexpérience et imposture. Des défauts politiques graves auxquels on ajoute désormais son caractère « intriguant ». Qu’est-ce qui pourrait justifier la suspension d’Eloi Ndzondo quand Philippe Wassangoye de Moanda n’a toujours pas été exclu du parti suite à la gravité des propos tenus sur le distingué camarade.

Au moment où Emmanuel Macron poursuit son dernier mandat, donc plus libre que jamais, et parle de la fin de la Françafrique, cette liaison politique jugée obscure, il convient au président de la République de bien comprendre la situation dans laquelle il se trouve. De façon limpide la France dit qu’elle ne cautionnera plus les élections présidentielles aux résultats douteux et suspects.

C’est pourquoi, à ce niveau des enjeux, le moindre risque pris par le pouvoir en place sera tout simplement suicidaire. Autrement dit, l’état d’esprit qui avait motivé la chute de Laurent Gbagbo ou le refus de l’Occident de soutenir Jean Ping, désireux d’accéder au fauteuil présidentiel, sera le même lorsqu’il s’agira de faire respecter le verdict des urnes conforme à la vérité. Pour s’en convaincre, les conseillers d’Ali Bongo gagneraient à séjourner dans les profondeurs diplomatiques de la Conférence de presse animée conjointement entre Emmanuel Macron et Félix Tshisekedi à Kinshasa.

Bien avant ces précisions de Paris, deux annonces capitales auraient déjà dû attirer l’attention du pouvoir. Le refus de l’Union européenne de venir observer les élections au Gabon et celui de la Cour Pénale internationale (CPI) de clore le dossier des violences post-électorales d’août 2016 ne sont pas anodins. Ces éléments à l’allure banale annoncent pourtant une catastrophe pour le pouvoir s’il ne comprend pas qu’il court un grand danger en refusant de tenir compte des signes du temps.

Le maillet a été mis entre les mains de gens incultes qui en plus en ont fait un mauvais usage. Les colonnes se sont vidées et le maître se retrouve désormais isolé. Ceux qui en 2009 avaient convaincu Ali Bongo de se séparer d’André Mba Obame sont pour la plupart entrés en disgrâce à ses yeux. Ce qui a fragilisé un tandem ô combien craint. Ali Bongo ne savait qu’il était en train de scier la branche sur laquelle il était assis.

En d’autres mots, la majorité de ceux qui avaient œuvré, en une nuit, pour modifier le choix du PDG en 2009, qui était celui de Casimir Oyé Mba, après la mort d’Omar Bongo, tutoie amèrement les rangs de l’opposition, de l’exil ou une forme de prison.

Les compagnons politiques d’Ali Bongo dénommés les rénovateurs ont été écartés des sphères décisionnelles du pays. Or, ils pensaient que leur heure avait sonné. Les grognards d’Ali Bongo vivent la même déception. Aussi, ils préfèrent observer le navire coulé car, jamais  ils n’ont reçu la part qui leur revient de droit après les parties de chasse de 2009 et de 2016.

Ceux qui ont fait l’élection présidentielle compliquée de 2016 sont quasiment tous écartés du pouvoir au profit de gens qui ne peuvent présenter ou vendre le moindre état de service. Que de déceptions qui ne pourront que coûter cher au chef de l’État à qui il est reproché une certaine ingratitude et une hyper délégation du pouvoir présidentiel.

Avec tous ces indicateurs objectifs au rouge, garder Steeve Nzegho Diecko comme commandant de bord du navire PDG serait une faute imparable. Cet individu est un boulet pour le pouvoir d’Ali Bongo comme l’a été Rose Ossouka Raponda qui est désormais vomie par la maisonnée du président de la République.

Il s’agit ici d’une question de survie. Bien heureusement que les signes annonciateurs d’une catastrophe perceptible sont sans ambiguïté.

Il n’y a pas de fatalité en politique mais en même temps on ne peut la faire sans ses réalités. En faisant l’autopsie du PDG, bien malin qui oserait dire se retrouver ou se reconnaître dans ce méli-mélo organisé par des gens qui infestent le sommet du parti, sans aucune légitimité et aucune expérience. Or, la situation sanitaire du chef de l’État commande unité et efficacité s’il veut espérer rester au pouvoir.

En définitive il faut reconnaître que trop de digues sur le plan familial, du clan, de la province, ésotérique ou diplomatique ont sauté. Les équations pour soutenir une candidature d’Ali Bongo se compliquent de jour en jour tant qu’il tardera à se débarrasser des boulets comme Steeve Nzegho Diecko. Hélas, ce sera de l’intérieur qu’on lui fera payer son incapacité à protéger le système qui se considère plus que jamais en danger. Le pouvoir ne peut que basculer vers une autre force du régime. Voilà, c’est dit.

Une éventuelle alliance Fang -Dzebi ou un profil s’y apparentant pourrait être dangereux pour le pouvoir d’Ali Bongo. Les teke, une minorité, associés aux kota, une autre minorité, ne peuvent aller très loin surtout que les ombamba semblent payer le prix fort avec des fils en prison, des pères en exil et des enfants mal traités dans les arcanes du pouvoir. Les myènès n’offriront jamais le parapluie à l’enfant de l’autre quand Barro Chambrier est encore exposé aux grandes pluies tropicales de chez nous.

Par conséquent, ce n’est pas avec Steeve Nzegho Diecko qu’Ali Bongo pourra neutraliser les principaux leaders de l’opposition : Nzouba Ndama, Missambo Paulette et Barro Chambrier.

Le boulet Steeve Nzegho Diecko doit alors dégager. C’est vitale.

Par Télesphore Obame Ngomo

Président de l’OPAM

Paul Essonne

Journaliste

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