Depuis la chute de Brice Laccruche Alihanga, il paraît de plus en plus évident que le palais présidentiel et ses locataires n’ont plus eu un sommeil de juste. Au regard du vide ambiant sur le plan social et de la platitude du climat politique qui règne, le fils d’Eyouga semblait constituer un élément central dans la stratégie de conquête du fauteuil présidentiel au profit du chef de classe des collégiens du bord de mer.
C’est dire que la dureté de ses conditions de détention est le seul moyen pouvant réellement expliquer le niveau de désespoir suscité. La rupture du pacte d’Eyouga a certes fragilisée l’ambition présidentielle nourrie mais n’est pas allée jusqu’à la faire abandonner.
Il a fallu attendre les premières révélations scandaleuses liées à la gestion des fonds COVID-19 pour que le monde des collégiens du bord de mer et leurs alliés soit encore plus bousculé et profondément déstabilisé.
En effet, l’un des éléments de leur stratégie visant à la prise du pouvoir était basé sur leur capacité à tenir l’ensemble des acteurs politiques et publics via de potentiels scandales qu’ils auraient opéré au cours de leur gestion de la chose publique. Malheureusement pour eux, c’était mal connaître les réalités du système en place.
Les démonstrations de leurs détournements de fonds publics réalisées par le Copil citoyen et la pression du Fond Monétaire International (FMI) qui voulait voir clair dans la gestion des fonds alloués au gouvernement gabonais dans le cadre du COVID-19 ont fait fondre l’arme du chantage qu’ils pouvaient brandir à leurs adversaires. Dorénavant, ils ne pourront plus espérer braquer le fauteuil présidentiel dans le calme et la sérénité.
La violence de l’opération Scorpion et la haute tension des différentes task-force ont subitement disparu. Fini le temps où il était question pour certains que Noureddine Bongo Valentin succéda à Ali Bongo Ondimba. Il n’eût pas meilleure preuve de ce projet que les mots du porte-parole de la présidence de la République, Jessy Ella Ekogha.
Ce dernier s’exprimait ainsi lors d’une de ses conférences de presse : « Noureddine Bongo Valentin nommé ministre de la Défense, c’est un mauvais calcul en ce sens que, s’il est nommé dans le collège des trois personnalités assumant la transition, il ne peut pas se présenter à la future élection présidentielle. La loi prévoit en effet qu’aucune de ses trois personnalités ne peut briguer la magistrature suprême ». Tout fut dit.
Le projet était certes ambitieux mais ô combien périlleux. La preuve, le temps a fini par ranger les uns et les autres dans leur vraie case. Pas d’imposture. Pas de forfaiture.
Dès les premiers et violents coups politiques reçus, les promoteurs non préparés dudit projet ont vite fait ressortir Ali Bongo Ondimba pour s’y cacher derrière et manœuvrer au sommet sous son costume de président de la République. Oubliant que, la mise en place de ce projet qu’ils avaient entamé imposait un parricide qui a été réalisé.
De ce pas, de quel Ali Bongo Ondimba nous parle-t-on encore ? Ou dans quel état le présente-t-on à nous après l’avoir enterré pour exister? Telle est la preuve que l’absence de Brice Laccruche Alihanga constitue un grand handicap pour l’ambition du chef de classe des collégiens du bord de mer qui d’ailleurs gagnerait à demander à ses collaborateurs le bilan de leur présence à ses côtés. Rien ne lui souriant.
L’affaire a clairement foiré, l’ambition s’est vraiment noyée et maintenant, dans les officines autorisées, ici et ailleurs surtout, il se pose une question avec acuité : qui pour diriger le Gabon après Ali Bongo Ondimba ? C’est dire que l’équipe actuelle au palais présidentiel n’est dans aucune équation sinon la question ne se poserait pas.
De cette question, la réponse nous vient de Londres. La chute de Borris Johnson est l’un des coups les plus durs de la stratégie nourrie pour braquer le fauteuil présidentiel en 2023. En effet, cet homme était l’un des principaux soutiens du chef de classe des collégiens du bord de mer. A moins d’un an de l’élection présidentielle, ce départ du 10 Downing Street de l’ancien premier ministre britannique vient de doucher les derniers espoirs d’une ambition présidentielle démesurée et mal engagée. Chinua Achebe aurait parlé d’un monde qui s’effondre. Nul doute que l’adhésion du Gabon sera plus que jamais un mort-né.
Dans le film documentaire « Françafrique, 50 ans sous le sceau du secret », les acteurs ayant participé à installer « les gouverneurs noirs », que nous appelons « présidents de la République ou chefs de l’État » expliquent que leur principale préoccupation dans les anciennes colonies était la question de la stabilité de ces États.
Or, depuis l’accident vasculaire cérébral du président de la République à Ryad, en octobre 2018, il règne une certaine chienlit au sommet de l’État. Les arrestations enregistrées des hauts cadres de la République et leurs lots de révélations montrent bien qu’il y a un véritable problème à la présidence de la République. Autant de milliards dans la nature.
L’ampleur des dégâts nous confirme que dans un État normal, il est impossible d’enregistrer autant de dérives. Hier, les responsables de ce désordre financier étaient « la bande à BLA ». Mais avant eux, on accusait, à tort ou à raison, la légion étrangère qui, à travers l’affaire Santullo et la détention de Magloire Ngambia, ne s’était pas comportée comme des enfants de chœurs avec les finances publiques.
Aujourd’hui on a sous le coude le scandale des fonds COVID-19 entièrement gérés par le palais présidentiel. Et c’est bien le Coordonnateur général des affaires présidentielles qui décidait de tout. Brice Laccruche Alihanga et ses amis étant en prison, Maixent Accrombessi et les siens désormais hors des arcanes financières du pays, comment autant de milliards peuvent encore disparaître?
Les révélations graves de Patrichi Tanassa, ancien directeur général de la Gabon Oil Company (GOC) nous prouvent bien qu’il y a une mafia centrale ou de base au sommet de l’État. Est-ce normal ? La réponse est non.
L’audit de ladite structure sous le prédécesseur de Patrichi Tanassa présente un trou de près de 42 milliards de francs CFA. Est-ce normal ? La réponse est non. À qui aurait profité tout cet argent quand Jessy Ella Ekogha nous rabâche sans cesse les oreilles avec l’antienne selon laquelle « le président de la République serait la personne la mieux renseignée du pays ». De ce scandale, quid de la réaction du palais présidentiel depuis lors, lui qui a sollicité cet audit ? Quid du président du Conseil d’administration de la GOC ?
Ce silence qui règne est la preuve que personne au sommet de l’État n’est qualifié pour faire la morale à quiconque. Il faut donc sortir les enfants d’autrui de prison. Vos actes vous discréditent et vous accablent. Les révélations qui sont déjà tombées et qui vont continuer de pleuvoir discréditeront à jamais ceux qui n’ont pas compris que la force d’un pouvoir réside dans deux choses : (1) la loi du silence et (2) le culte du secret.
Aujourd’hui la République vit au rythme des scandales au sommet de l’État. La Fondation Sylvia Bongo, appartenant à l’épouse du chef de l’État, aurait reçu un milliard trois cent millions de francs CFA de la GOC selon les affirmations de Patrichi Tanassa qui a écopé de plus de dix ans d’emprisonnement. Jessy Ella Ekogha était celui qui transportait lesdits fonds à la Fondation précitée. Celle-ci dit n’avoir reçu que dix millions de francs CFA.
Qui a pris l’argent ? Que faire et quoi dire quand il est toujours maintenu à son poste de porte-parole de la présidence de la République ? L’épouse du président de la République accepte-t-elle d’assumer ce personnage devenu sulfureux ? À chacun de tirer ses conclusions.
Aujourd’hui Noureddine Bongo Valentin est inquiété par une procédure judiciaire ouverte en France par les frères Laccruche Alihanga où il n’est pas exclu que ceux qui ont déjà répondu à des convocations du juge français auraient été un peu trop bzvard. Attention au mandat d’arrêt international. Il est encore possible de ne pas se retrouver dans la situation d’Isabelle Dos Santos, Karim Wade et pourquoi pas Salif al-Islam Kadhafi.
Le scandale des fonds COVID-19 converge vers lui. L’affaire des bus brésiliens converge toujours vers lui. L’affaire du pétrole avec Augusta, encore vers lui. Patrichi Tanassa affirme lui avoir remis un peu plus d’un milliard de francs CFA pour quel service ou quelle mission ? Avec autant de dossiers sulfureux sur le dos, il sera difficile de faire une campagne électorale pour soi ou pour Ali Bongo Ondimba. Surtout qu’on n’est pas arrivé au bout du film.
C’est bien les scandales divers qui ont fait sauter Borris Johnson. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets et tout est symbole. Que le pouvoir en place prépare déjà son challenger s’il ne veut pas que ce soit un produit du système qui rafle la mise. Le fauteuil présidentiel porte en tout et pour tous les stigmates d’un abandon évident. Ne tiens pas à la pression d’une campagne électorale libre qui veut.
Par Télesphore Obame Ngomo
Président de l’OPAM