L’affaire Kelly Obiang renvoyée au lundi 28 juin 2021.

SOS Prisonniers Gabon donne ici les motifs du renvoi de l’audience: Affaire du soulèvement manqué du 7 janvier 2019: Troisième jour d’audience, compte-rendu du 24 juin 2021 (9h33- 17h04).

Comme lors des deux précédentes audiences, le procès de ce jour a repris à 9h33. Les deux écrans plasma qui étaient placés lors de l’audience de lundi ne sont plus là. Comme vous savez, les Gabonais aiment poser des questions, donc quelqu’un murmure: « oh mais qui a volé les deux télés là ? »

Le Président de la Cour Speciale Militaire demande à l’assistance de bien vouloir s’asseoir, car les hostilités commencent !

Les accusés sont appelés à la barre. Les avocats de la défense sont présents, ils vont trouver le Président à son piédestal. Un petit conciliabule démarre entre eux. Une jolie fille demande: « mais qu’est-ce qu’ils disent entre eux ? On veut aussi entendre. L’audience est publique, non ? »

Après quelques minutes, les avocats regagnent leurs places.

La Cour fait un bref rappel de la dernière audience qui a été suspendue suite à un incident – les avocats de la défense avaient quitté la salle.

Me Jean-Paul Moumbembé, avocat de la défense, après avoir obtenu l’autorisation du Président de la Cour, prend la parole dès l’entame du procès et annonce à la Cour qu’il a fait un pourvoi en Cassation de l’arrêt rendu lundi 22 juin 2021. Par conséquent, il sollicite le sursis à statuer en attendant la décision de la Cour de Cassation.

Me Maguisset, avocat de la défense également, demande la parole au Président et l’obtient.

Il va renchérir la demande de son confrère aîné. Pour une bonne administration de la Justice et pour éviter la contrariété des décisions comme ce fut le cas lundi dernier, il demande donc à la Cour de surseoir à statuer.

Il ajoute que la Cour Spéciale Militaire a un précédent, notamment dans l’affaire de l’ex-Ministre Étienne Ngoubou, car selon l’avocat, la Cour Criminelle avait ordonné le sursis à statuer après le pourvoi en Cassation de la défense.

Il est déjà 9h46. L’avocat de l’État, donc de l’accusation, Me Homa Moussavou, arrive légèrement en retard. Les débats ont débuté. Un agent murmure: « il habite sûrement à Akanda. Suivez mon regard. »

L’atmosphère est détendue. Le Président distribue la parole à l’avocat qui veut s’exprimer. Quelqu’un va même dire: « aujourd’hui le président est un distributeur automatique de la parole ! »

La parole est alors donnée au Ministère Public pour faire ses observations.

Selon le Procureur, les points sur lesquels les avocats demandent le sursis avaient déjà fait l’objet d’une décision, et il n’a rien à y ajouter.

Le Président demande à Me Moumbembé s’il a déjà communiqué son sursis à son confrère Me Homa, comme ce dernier est arrivé en retard. Me Moumbembé remet le document à la partie civile.

La sérénité règne, à 99,86%.

Le Président dirige très bien les débats. Aucun avocat n’est interrompu.

Le Président n’a plus brandi son « j’ai des pouvoirs… »: car un tigre ne proclame pas sa tigritude, disent les sages.

L’avocat de l’État, qui est rappelons-le arrivé en retard, prend la parole comme un pompier.

Car le pompier, quand il trouve le feu, cherche seulement à l’éteindre sans pourtant demander où le feu a commencé.

Me Homa va donc qualifier les demandes de la défense de fantaisistes et demande à la Cour de ne pas tenir compte de toutes ces sollicitations, et d’aller à l’essentiel.

Me Pie Makanga, l’avocat des quatre (4) gendarmes va quant à lui dire à la Cour qu’il n’a jamais faite des exceptions, et que, par conséquent, il ne s’oppose nullement à ce que ses clients soient jugés au fond.

Le Président de la Cour, demande « qui veut encore s’exprimer ? »

Le tour revient donc à Me Anges Kévin Nzigou. Au regard des déclarations de son client Kelly Ondo Obiang, il sollicite: « la comparution de Frédéric Bongo, ancien Directeur des Services de Renseignement, et d’Étienne Massard, Ministre de la Défense au moment des faits. » Me Anges estime que ces deux personnalités citées doivent comparaître conformément à l’article 242 du Code Pénal, pour éclairer la religion de la Cour.

Le Ministère Public ne s’oppose pas à la demande de Me Anges. Le Procureur va donc s’en remettre « à l’âme et à la conscience de la Cour. »

Il est 10h15. La Cour se retire pour statuer sur les demandes de la défense.

Kelly Ondo Obiang est conduit aussitôt « au petit coin » pour vider la vessie. Les familles et connaissances profitent de la pause pour saluer à distance les accusés, car les agents de la sécurité pénitentiaire veillent strictement à empêcher tout contact physique. Ceux qui ont un peu d’argent partent siroter un jus. Il faut profiter de la récréation. Mon voisin me dit: « les affaires au tribunal sont comme à l’hôpital général, tu sais à quelle heure tu pars à l’hôpital, mais tu ne sais jamais à quelle heure tu vas finir ! »

La maman d’un accusé – qui est devenue la maman des 9 accusés – va encore distribuer les sandwichs, jus et gâteaux aux 9 prisonniers. L’amour d’une mère peut déplacer les montagnes. Patience Dabany n’a pas tort de dire que “l’amour d’une mère ne s’éteint jamais!  »

Reprise du procès à 13h18.

La Cour rend sa décision sur le sursis à statuer. Selon la Cour, la demande doit être faite devant la juridiction à laquelle le pourvoi est formé. Par conséquent, elle se déclare incompétente.

Sur la comparution de Frédéric Bongo et Étienne Massard, la Cour estime que la demande est prématurée et que Kelly Ondo Obiang a juste fait de simples déclarations, et qu’il n’a pas encore été interrogé. Dès lors, la demande de Me Anges est également rejetée.

Me Jean-Paul Moumbembé – un va-t-en guerre que d’aucun pourrait qualifier de prophète – savait que la Cour allait rejeter toutes les demandes. Il va alors sortir une autre cartouche – son sac est plein de munitions… pour ne pas dire de stratégie.

Il soulève une question préjudicielle d’inconstitutionnalité de l’article 451 du Code de Procédure Pénale, car ladite disposition prévoit que « le pourvoi n’est pas suspensif. » Selon Me Jean-Paul Moumbembé, cet article porte atteinte au droit de la défense et viole allègrement le préambule de la Constitution gabonaise.

Un téléphone sonne brusquement dans la salle d’audience. Mais c’est le téléphone d’un officier supérieur… Il a les étoiles, l’avion en forme d’aigle sur sa tenue. Les galons dépassent même l’épaule! Qui va oser confisquer son téléphone ? Bon, peut-être que le Président n’a pas entendu le téléphone sonner, hein…

Me Moumbembé va ensuite toutefois rappeler à la Cour que Kelly Ondo est prêt à être jugé au fond, mais l’avocat souhaite que cela se fasse dans le respect des droits de la défense. Me Moumbembé ajoute que la justice gabonaise va grandir si et seulement si la Cour transmet le dossier à la Cour Constitutionnelle, conformément à l’article 90 du Règlement de la Cour Constitutionnelle. Les juges ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi, conclut-il.

Le Procureur de la République va reconnaître qu’il s’agit d’une demande nouvelle. Cependant, il s’interroge pour savoir si nous sommes à un nouveau procès ou à la continuité de l’audience qui a débuté la semaine dernière ?

À cela, Me Moumbembé, qui déborde d’énergie, va répondre au Procureur de la République que: « la Cour a rendu une nouvelle décision et c’est cette nouvelle décision que j’attaque. »

Le Procureur va répliquer en disant à la Cour que: « mes observations sont destinées à la Cour et non à Me Moumbembé. »

Me Homa Moussavou, l’avocat de l’accusation, visiblement n’en peut plus de toutes ces exceptions. Il demande à la Cour si nous sommes encore en droit pénal ou dans des incantations ? Il ajoute que l’exception d’inconstitutionnalité de la défense n’est pas claire, et ne précise pas lequel des droits fondamentaux a été violé.

Le débat est houleux.

Mais il y a toujours une personne qui n’est pas concentrée… elle me demande: « SOS Prisonniers Gabon, le Président de la République va parler demain, il va gracier les prisonniers ? »

Il est 17h04. Finalement, la Cour déboute la défense. L’affaire est renvoyée au lundi 28 juin, à 9h.

Aucun accusé ne s’est exprimé aujourd’hui.

Paul Essonne

Journaliste

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