La question de l’ethnie résiste

LA CONSTITUTION DE LA RÉPUBLIQUE GABONAISE est enthnicidaire. En effet , l’article 2, alinéa 2 du Titre Premier dispose que ‹‹ la République Gabonaise assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, d’opinion ou de religion.››

Tel que dit, cela me gêne quelque peu. Un constat est tenace, nos ethnies résistent.
S’agit- il d’un paradoxe ou plutôt de la démonstration des limites du modèle choisi par les premiers législateurs qui ont pensé notre État ?

Nous devons tenir compte d’un fait majeur et important. Le Gabon est pluri ethnique, nous n’avons pas qu’une ethnie, une culture ou qu’une histoire. Nous sommes une diversité culturelle. Nos premiers législateurs n’en ont pas tenu compte dans la rédaction des textes fondamentaux. Il n’y a qu’à parcourir l’article 2, alinéa 8 (‹‹la République Gabonaise adopte le français comme langue officielle de travail››) afin de se rendre bien compte qu’ils ont choisi le modèle du colonisateur qui a démontré ses limites dans le temps, dans la mesure où l’ethnie reste résiste jusqu’à ce jour. On voulait taire nos origines, nos histoires, notre identité. Et nous l’avons mentionné dans nos textes. Le modèle choisi, celui de la France, est inapproprié et caduque aujourd’hui.

Bref rappel.

La France, après la Révolution de 1789 a fait le choix conscient d’oublier et de faire disparaitre les appartenances, les particularités, les ethnies, les origines pour se fondre dans une unicité.

Notre Constitution en vigueur en la calquant ne (re)connait aucun marquage, aucune coloration, voulant être aussi une neutralité, faire prévaloir la nation sans les ethnies et rien d’autre.

Attention !

Neutralité sur quelle base ?

L’assertion ou le slogan ‹‹GABON D’ABORD›› ne doit pas être creux, il doit bien avoir un contenu qui doit mettre en évidence le nationalisme et le patriotisme qui se construit en se fondant sur les ethnies, les identités des populations.

Par conséquent, si aucune culture, aucune ethnie, aucune religion, aucune histoire… n’est à considérer comme une référence sur laquelle se fonder, comment doit-on construire notre Etat qui se veut être une neutralité absolue dans son exécution ? Je suis perdue dans l’observation de ce qui se donne à voir dans l’organisation de notre État !

Par ailleurs, la mondialisation étant un vaste champ d’échanges, une interculturalité étendue, notre pays en devenant ethnicidaire s’y inscrit en courant donc le risque de se perdre malheureusement. On ne se lance pas dans la mondialisation les ‹‹mains vides››. C’est l’aliénation pure, totale et directe, la perte de notre identité culturelle à coup sûr si nous ne reconsidérons pas en reformulant l’article 2 alinéa 2 de notre Constitution !

En prenant en compte in extenso cette préoccupation, l’on peut assurément reconnaitre (avec moi) qu’au Gabon, malgré tout, nos populations qui appartiennent à des cultures, des clans… revendiquent leurs identités. L’organisation de l’Etat devrait en tenir compte, partir de la verticalité pour une démocratie horizontale. Les bases, les populations expriment et revendiquent leurs appartenances. Les Ethnies sont. Quelques exemples. Il appert qu’il est difficile voire impossible de faire oublier à un fang son Mvet, ses feuilles de manioc sucrées, son histoire, ses origines ou de tenter de faire oublier à un punu son Ikoku, un mpongwè son Okoukoué… Je ne fais même pas allusion aux votes à coloration ethnique ou à la géopolitique longtemps appliquée comme principe officieux…

La Transition, le CTRI devrait nous amener à la mise en place des structures, des institutions organisées en restaurant une Constitution calquée sur les paradigmes qui nous sont propres, nos valeurs identitaires…

Pour y parvenir:
1/ il serait judicieux d’abandonner le modèle français qui a démontré ses insuffisances dans le temps;
2/ il serait judicieux de nous inspirer des modèles canadien et américain (par exemple) puisqu’étant plus adaptés au contexte;
3/ il serait judicieux de rédiger des textes qui partiraient de la Base (nos villages, nos quartiers…) lesquels mettraient en confiance nos populations.

Reformulons ensemble cet article 2 alinéa 2.

Le devoir moral de nous le dire.

Sandrine NGUÉMÉBÉ ENDAMANE

Paul Essonne

Journaliste

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