L’identité du peuple gabonais dépend des individus qui la font vivre. Elle est posée aux Gabonais par le gouvernement, alors qu’elle n’est du ressort légitime que des populations. Ce n’est pas à l’Etat d’interroger les uns et les autres ou de réponde à la place des populations. Il revient à chacun de prendre ses responsabilités.
Dans la culture officielle gabonaise on interdit tout rêve prenant une forme cohérente parce qu’au fond on veut que l’État seul soit une perspective. Mais comme l’État semble avoir perdu son pouvoir d’attraction, les Gabonais sont désemparé et sont pris d’une rage incontrôlable, ils veulent briser les idoles qui ne parlent pas, ne bougent pas, ne respirent pas et en veut à ceux qui leur ont fait croire le contraire. La colère des Gabonais vient de ce que l’Etat s’est posé comme un horizon spirituel dont l’astre qui est le gouvernement a chuté. On ne voit plus rien de spirituel, d’intime, de grandiose, de fabuleux dans ce que proposent concrètement les gouvernements successifs du pays. La révolte rêve sans savoir ce dont elle rêve, et quand elle veut le trouver elle se réfère aux religions traditionnelles, faute de perspectives réellement neuves. Le Gabon peut déployer une mythologie, s’il l’ose. L’histoire et les valeurs du pays peuvent redevenir épiques.
L’unité nationale est sous perfusion, seuls les naïfs ou les hypocrites le nieront. Certes, le droit de vivre au Gabon ne fait pas partie des droits de l’homme. Bref, n’en faisons pas une question politique, qui relèverait du suffrage universel. Mais force est de constater qu’au Gabon, on vote sur les goûts, sur les croyances, sur les traditions, sur les identités. On vote même sur le droit qu’on aurait ou non de penser ce qu’on pense ou d’être ce qu’on est. D’ailleurs, aucun gouvernement, aucune loi, aucune majorité ne saurait juger de l’identité individuelle, ni suffire à la perpétuation de l’identité collective des Gabonais, l’une et l’autre d’ailleurs fluctuantes et contradictoires, comme elles sont toutes. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation. Qui peut croire que le Gabon ait intérêt à se replier sur lui-même ? C’est ce qui rend le débat d’aujourd’hui quelque peu paradoxal et vain. Le meilleur de nos traditions le goût de la liberté, de l’égalité, nous porte à l’universel, et c’est bien ainsi. Qu’il faille pourtant préserver une certaine culture, une certaine façon d’être ensemble, une certaine douceur de vivre. Mais cela passe moins par l’Etat que par les populations, moins par la loi que par le cœur et l’esprit de chacun. Que les populations ne comptent pas sur l’Etat pour aimer le Gabon.
Si le Gabon ne peut oser aller dans ce sens, il n’y a pas vraiment d’autre perspective que les traditions ancestrales. Pourquoi ne pas le dire ?