Gabon : Le débat de Missélé eba’a: Le procès de la France n’aura pas lieu…

S’il y a une chose que la France de De Gaulle sait faire, c’est  le renseignement. S’il y a une chose qu’elle sait très bien faire, c’est se défendre contre toutes formes d’adversité. Pour s’en convaincre, il n’y a pas meilleures références que son histoire et son hymne national « La Marseillaise ».

En effet, c’est grâce aux paroles « guerrières « , « stimulantes » ou  » galvanisantes » qui s’y trouvent que le peuple français a toujours su puiser la force nécessaire dont il a eu besoin pour vaincre ses adversaires ou ses ennemis. Au nom de ses légitimes intérêts et pour sa grandeur, le pays de Molière a toujours su transformer les conséquences dramatiques de ses luttes armées en verbe convaincant voire séduisant. C’est dire qu’il sait d’où proviennent toutes ces plaisanteries de mauvais goût qui émergent ici et là.

Depuis quelques années, le pays des droits de l’homme, la France, est victime de ses valeurs. Au moment  du sommet France-Afrique de la Baule, l’écrivain devenu académicien, Erik Orsenna, faisait prononcer à François Mitterrand les mots « liberté d’expression « ,  » état de droit « , « démocratie « ,  » alternance politique « , etc. Autant de mots qui ont un sens en France et qui auraient dû, si on les concrétisait, empêcher de nombreux maux qui infestent le quotidien de milliers d’africains.

Aussi, face aux dérives de certains régimes établis violant avec violence les valeurs qui sont les siennes, c’est le silence de la France, au nom de ses intérêts, qui plaide coupable. Pire, sous la cinquième République, ce sont toutes ses connivences toxiques avec les pouvoirs noirs décriés qui ont fait qu’au fil des années, le pays dirigé par Emmanuel Macron ait pris un coup en termes d’image et de crédibilité.

Autrement dit, le décalage constaté entre le discours des valeurs prônées et la réalité sur le terrain a fini par susciter, chez certains africains, une grande déception et finalement un rejet de la France. Ils l’accusent, bien évidemment abusivement, de tous les maux dont ils souffriraient désormais. Or, il y a matière à analyser plus en profondeur cette situation délicate  et gênante.

Une quelconque intervention musclée de la France volant au secours d’un peuple africain meurtri, par les temps qui courent, avec une Union européenne de plus en plus regardante sur les pratiques impérialistes qu’elle rejette, ne ressemblerait à rien d’autre que du néocolonialisme ou du paternalisme. Pris dans cette situation, les marges de manœuvre de Paris sont hyper réduites ou très risquées.

Cependant, pour que l’Élysée et le Quai d’Orsay tombent d’accord sur un quelconque soutien à apporter aux peuples africains qui le souhaitent, il faut que trois conditions soient remplies: (1) que ses divers intérêts soient sérieusement menacés, (2) qu’elle fasse l’objet récurrent d’attaques incessantes et insensées mettant à mal son honneur de grande puissance, (3) qu’elle soit clairement interpellée et sollicitée par les peuples accablés du fait de ses valeurs bafouées.

En observant ce qui se passe au sommet de l’État au Gabon, avec ce sentiment anti français qui est suscité et de plus en plus encouragé, plus que jamais, toutes les conditions sont réunies pour que la France déchaînât les enfers:

  • Le bois, le pétrole et bien d’autres ressources dont elle avait la primeur ne lui sont plus exclusivement réservés. (2) La volonté des tenants du palais présidentiel de faire adhérer le Gabon au Commonwealth demeure un coup difficile pour le rayonnement de la francophonie. Le rapprochement avec la Russie et l’Asie ne sont guère rassurants pour sa grandeur. (3) L’entêtement de l’emprisonnement de ressortissants français de façon arbitraire a fini par froisser tous les codes diplomatiques possibles, rompant aux passages toutes les passerelles de réconciliation. Indiscutablement, on a franchi la zone de non-retour
  • . Le pouvoir illusoire du bord de mer est passé par son arrogance injustifiée en mode défiance à sanctionner.

Dès cet instant, tous les voyants sont passés au rouge. Par conséquent, la France joue désormais la montre sachant qu’avec les échéances électorales à venir au Gabon, sa seule voix fera basculer l’histoire politique de notre pays. Le slogan « La force tranquille  » ne lui aura jamais autant collé que cette fois-ci. Ceux qui dans le pouvoir appellent la France à partir du Gabon, semblent ne pas savoir qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Plus tôt elle partira, plus tôt le pouvoir de Libreville tombera. Il faut en prendre conscience.

Ce qui est vulgairement appelé opposition, or ne jouissant d’aucune légitimité, donc étant sans consistance, et qui demande le départ de la France, insulte tout simplement ce qu’ils pouvaient considérer comme étant leur avenir.  En politique, c’est bel et bien le rapport de force qui compte. Aucune alternance politique ne peut se faire sans l’alliance avec les plus forts. Alassane Ouattara l’avait compris quand Laurent Gbagbo l’avait appris à ses dépens.

Dans cette conception des choses, le procès que des juges autoproclamés des réseaux  sociaux veulent engager contre la France ne peut et n’aura pas lieu. En effet, la réalité au fond est dissuasive.

Comment les budgets qui sont votés par les Parlementaires des pays africains respectifs, et qui sont par la suite détournés pour satisfaire des complexes personnels des dirigeants africains peuvent-ils relever de la responsabilité de la France? Avec les « miettes » qu’elle permet à nos états d’avoir, après avoir exploité ses richesses naturelles, n’est-ce pas largement suffisant pour que les dirigeants africains puissent transformer nos pays en des petits paradis sur terre? Est-ce la France qui fait que le bien collectif devienne un bien personnel. A quel moment se fera alors le développement si les africains ne changent pas leur manière de voir?

Si une seule voiture de luxe acquise avec l’argent public par un dirigeant africain peut équiper tout un hôpital en matériel moderne, où est la responsabilité de la France ? Si un hôtel particulier acquis en France ou ailleurs peut faire bitumer le tronçon Libreville-Medouneu, permettant ainsi aux gabonais de rejoindre le Nord en 3 heures de temps, où est la responsabilité de la France? Si on préfère dépenser l’argent public pour des bijoux et des vêtements de luxe qu’on ne portera qu’une seule fois au lieu de construire des salles de classe, où est la responsabilité de la France? Les exemples parlants sont légions. Il faut savoir faire son introspection.

La France défend légitimement ses intérêts qui ne sont nullement incompatibles avec le développement de notre pays et l’épanouissement de ses populations. Il revient aux psychologues et aux sociologues gabonais d’étudier en profondeur le comportement des africains en général et de nos dirigeants en particulier face à leur conception du bien public. Pourquoi ressentent-ils la nécessité d’engranger autant de biens, y compris ceux qui appartiennent à toute la communauté? D’où provient ce besoin d’accumuler autant de fortune, souvent mal acquise, au point de dérégler tout le système politique qui vise l’alternance au sommet de l’État? Comment en sommes-nous arrivés à perdre les valeurs léguées par nos parents qui sont celles de ne jamais prendre ce qui n’est pas à soi? Perdre cet orgueil du pauvre si cher à Philippe Séguin qui consistait à « ne jamais prendre ce qu’on ne peut pas rendre ».

Autant de questions qui démontrent bien que le procès qui veut être fait à la France est farfelu, donc sans lendemain. Par contre, avec le conflit en Ukraine causé par la Russie, la France et tout l’Occident se montreront impitoyable avec ceux qui auront décidé de serrer la main du diable. C’est à ce niveau que le calcul des tenants du palais présidentiel peut être jugé impertinent pour ne pas dire suicidaire. Et dire que la jurisprudence Gbagbo est limpide. Les tenants du palais présidentiel qui sont à différencier de tous les cadres au pouvoir sont entrain de commettre les mêmes erreurs que l’ancien président de Côte d’ivoire qui a dû vivre plusieurs années dans une prison à la Haye.

D’ailleurs, si un pouvoir établi décide de publiquement critiquer la France, c’est que le bail à la présidence de la République a déjà été rompu. Au lieu de négocier une sortie honorable lorsque les carottes sont désormais calcinées, comme l’a fait Joseph Kabila, certains préfèrent finir comme Gbagbo ou Kadhafi. L’histoire étant sévère, il est important de rappeler que dans les deux cas précités, le Gabon a joué un rôle jugé nocif.

Au nom de ses intérêts, la France ne perd jamais sur tous les tableaux. Avec ce qui se passe depuis quelques semaines entre les tenants du palais présidentiel et les stratèges de Paris, on peut aisément affirmer que la France de Macron a déjà enlevé sa caution sur le pouvoir de Libreville qui ressemble de plus en plus à un vaisseau fantôme. Une chose est certaine, pour l’avenir, elle misera sur la stabilité, la responsabilité et l’expérience. Et à ce niveau, n’étant pas légions dans notre pays, la sélection se fera très vite.

Par Télesphore Obame Ngomo

Paul Essonne

Journaliste

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