Bertrand Zibi Abeghe, qui envisageait de reconquérir les abstentionnistes et les hors partis, et donner la parole à tous ces Gabonais qui ne l’avaient jamais eue, s’est retiré le 16 juillet dernier, au grand dam de ses comités de soutien, de la course à l’élection présidentielle 2023.
Mais pourquoi l’opposant a-t-il décidé si brusquement de renoncer à sa candidature, à près de deux mois de l’échéance (le 1er tour de l’élection est le 26 août), alors que les appuis devenaient encourageants ? Beaucoup de Gabonais ont été positivement surpris par cette décision. Cette surprise est peut-être le signe de la perception dégradée du monde politique actuel gabonais, où les gouvernants du pays ont tendance à penser que la poursuite du pouvoir est irrésistible pour ceux qui l’occupent ou l’ont occupé, et que la lutte des egos l’emporte systématiquement sur les intérêts du pays ou d’un camp politique. On peut bien sûr voir dans le choix de Bertrand Zibi la conclusion imparable d’un échec, mais son discours, digne et sobre, est un geste de responsabilité, et d’avertissement à l’égard de l’opposition désuni. Le geste de Bertrand Zibi met l’opposition, devant sa responsabilité. Il paraît donc logique de lui reconnaître aujourd’hui une lucidité sur ce point. Pour le courage, on peut en débattre : le courage aurait pu consister à livrer bataille malgré tout, au risque de l’humiliation. Mais il y a aussi un courage du renoncement, celui du refus du déshonneur, de la quête du pouvoir à tout prix.
Quand les uns font bloc comme le Parti démocratique gabonais (PDG) et les autres font silence comme l’opposition, ils créent un gros trou entre les électeurs et les candidats, ce qui est le meilleur moyen de faire taire Bertrand Zibi Abeghe. Désireux de continuer à se battre, il exhorte à trouver un candidat consensuel au sein de la plateforme Alternance 2023, qui regroupe notamment Alexandre Barro Chambrier du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), Paulette Missambo de l’Union Nationale (UN), Mike Jocktane du Gabon Nouveau. Aujourd’hui au Gabon, l’idée même de progrès est décrite comme complètement caduque, il n’est question que de déclin national, de menace identitaire, et ce déplacement du social vers l’identitaire ne favorise pas, c’est le moins qu’on puisse dire, un charisme de progrès.
Gageons que le futur Président de la République, décline une feuille de route claire, qu’il joue un rôle de leader apaisant plutôt que de favoriser les passions tristes.