La question mérite d’être posée, au regard de la guerre que se livrent depuis quelques jours, les responsables du ministère de l’éducation nationale et les syndicalistes de la CONASYSED. Pour les syndicalistes, l’exercice du droit de grève ne constitue pas une faute professionnelle.
Dans le domaine des relations du travail, la notion de services essentiels se définit par la recherche d’un équilibre entre le droit de grève et la protection de la santé et de la sécurité du public. Cette notion est caractérisée par la jurisprudence et s’applique différemment selon le secteur, explique la CONASYSED.
Pour ce qui est du secteur de l’éducation, il n’y a aucune obligation quant au maintien de services essentiels en cas de grève. Il en est de même pour les entreprises de transport scolaire. Le service minimum peut néanmoins être assuré par l’administration et non par les chargés de cours. Le secteur éducation est considéré par l’O.I.T comme un service non essentiel, estime les syndicalistes.
Sur les menaces de suspension de salaire
« L’exercice du droit de grève ne constituant pas une faute professionnelle, le rappel des règles en matière disciplinaire telle une épée de Damoclès, ne se justifie pas. Certes l’article 25 de la loi 18/92 susmentionnée dispose : « Les journées de grève ne sont pas rémunérées. Seuls sont versés aux agents en grève les prestations familiales, les suppléments pour charge de famille et l’aide au logement.
Le service minimum est rémunéré dans les conditions normales », mais cette disposition est complétée par :
– l’article 71 de la loi 1/2005 susmentionnée qui dispose : « Sans préjudice des prestations familiales ou suppléments pour charges de famille, les journées de grève ne sont pas rémunérées sauf lorsque la grève résulte du non-paiement de la rémunération due » ;
– l’article 350 du code du travail dispose : « Les heures ou les journées de travail perdues pour cause de grève ne donnent pas lieu à rémunération, sauf si la grève résulte du non-paiement à terme du salaire ».
Or, parmi les revendications professionnelles justifiant le mouvement de grève de la CONASYSED figurent bel et bien le paiement des rappels solde, le paiement des arriérés des salaires suspendus arbitrairement, le paiement des vacations, etc.
Le ministre de l’éducation nationale ne saurait donc brandir la menace de suspension de salaire.
En outre, la convention n° 95 sur la protection du salaire dispose :
– article 6 : « Il est interdit de restreindre de quelque manière que ce soit la liberté du travailleur de disposer de son salaire à son gré » ;
– article 10 : « Le salaire ne pourra faire l’objet de saisie ou de cession que selon les modalités et dans les limites prescrites sur la législation nationale ».
Sur le préavis de grève
« Pour ce qui est de la CONASYSED, les préavis de grève ont toujours été déposés sur la table du gouvernement conformément aux textes en vigueur, les accusés de réception faisant foi.
Malheureusement, l’autorité de tutelle a toujours enfreint la loi en n’ouvrant pas les négociations avec la CONASYSED dans les quarante-huit heures qui suivent le dépôt en vue de trouver une solution au conflit, comme l’édicte l’article 20 de la loi 18/92.
La CONASYSED n’a jamais signé de protocole d’accord avec le gouvernement par rapport au cahier de charges déposé depuis le 03 février 2020.
Lorsqu’une grève est suspendue, sa réactivation ou sa reconduite n’est pas tributaire du dépôt d’un nouveau préavis de grève. Ceci constitue un principe en matière syndicale.
Aussi faut-il le rappeler, la liberté syndicale est protégée par les normes internationales du Travail qui sont des textes supra nationaux à savoir les conventions n° 87, 98, 105, 151, 135, etc.
S’agissant de la convention n° 98, elle dispose :
– article 1 : « 1. Les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi.
- Une telle protection doit notamment s’appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de :
- a) subordonner l’emploi d’un travailleur à la condition qu’il ne s’affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d’un syndicat.
- b) congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou avec le consentement de l’employeur durant les heures de travail.
Quelle est la nature juridique des conventions et recommandations de l’O.I.T ?
Les conventions de l’O.I.T sont des traités internationaux, une fois adoptés par la Conférence, et sont ouverts à la ratification des Etats membres. Les États ayant ratifié une convention de l’O.I.T sont donc juridiquement liés par son contenu et, selon les termes de l’article 19, paragraphe 5 d, de la Constitution de l’O.I.T, ils doivent alors prendre « telles mesures qui seront nécessaires pour rendre effectives les dispositions de ladite convention ». Pour bien saisir le contenu de cette disposition, il peut être utile de la lire à la lumière des articles pertinents de la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 :
Extraits de la Convention de Vienne sur le droit des traités :
– article 26.pacta sunt servanda.
« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».
– article 27. Droit interne et respect des traités :
« Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité. Cette règle est sans préjudice de l’article 46.8 ».
A la lumière de ce qui précède, la note circulaire du ministre de l’éducation nationale assortie des menaces et intimidations, constitue une entrave à la liberté syndicale, une violation des droits des travailleurs et des normes internationales du Travail.
Pour éviter la résurgence des grèves, le gouvernement gagnerait à pratiquer le dialogue social véritable au sens de l’O.I.T et à apporter des solutions idoines au cahier de charges de la CONASYSED.
En cas de sanctions arbitraires contre les enseignants qui revendiquent légitimement leurs droits, la CONASYSED se réserve le droit de saisir les juridictions compétentes sur le plan national et international », dit le communiqué de la CONASYSED.
Des dispositions qui annoncent de chaudes empoignades en perspectives, entre le ministre de l’éducation nationale et les syndicalistes membres de la CONASYSED.