L’Etat a confié de nombreux pouvoirs aux élus, sans prévoir les garde-fous nécessaires. Sans réels contre-pouvoirs. Cette résignation, fruit de l’exercice solitaire du pouvoir au sein de la plupart des collectivités, n’est pas une fatalité. De très nombreux Gabonais manifestent régulièrement leur désir d’approfondissement démocratique. Il est temps d’entendre leurs préoccupations et d’inventer d’autres manières de pratiquer la politique, par le bas, plus collégiales et participatives. Il est tout aussi urgent, lors des scrutins électoraux, que les hommes politiques cessent de confondre un bulletin de vote avec un blanc-seing valable cinq ou sept ans. Les Gabonais ont tout autant besoin d’éthique, de transparence et de contre-pouvoirs que la Présidence de la République, les parlements ou la haute-administration gabonaise.
La participation électorale est un droit politique fondamental. En effet, il a pour objet l’association des citoyens à la gestion des affaires de la cité et bénéficie d’une protection constitutionnelle. Plus qu’un droit, il s’agit d’un pouvoir reconnu aux citoyens pour leur permettre de désigner souverainement ceux qui doivent les représenter et agir en leurs lieux et places. Aussi, les nouvelles législations réhabilitent-elles les principes de la démocratie électorale, autrement dit les règles indispensables à des élections concurrentielles libres dans un système multi partisan. Mais, à elles seules, les règles consacrées ne suffisent pas. L’enracinement de la démocratie postule des institutions capables de porter l’idéal démocratique. Nous sommes entrés dans l’ère de la démocratie d’opinion : toutes les opinions doivent pouvoir s’exprimer et se diffuser librement, par les supports habituels, presse écrite, radio, télévision, mais aussi et de plus en plus via Internet. Rien ne peut désormais brider ce foisonnement d’analyses et d’opinions qui est devenu mondial.
La vie politique a été d’emblée au cœur de ce mouvement. Désormais, c’est la vie économique qui est de plus en plus touchée. Elle dépend en effet, de plus en plus largement, d’une information rapide et fiable et de la correcte interprétation de cette information, ce qui suppose analyses et critiques. C’est vrai naturellement en ce qui concerne les grandes données macroéconomiques des différents pays et leur évolution : pas une entreprise ne peut envisager de faire un nouvel investissement sans faire, au préalable, une analyse précise du contexte économico-financier du pays où elle souhaite s’implanter ou se développer. Mais c’est aussi vrai pour suivre l’activité économique des entreprises, l’évolution de leur chiffre d’affaires comme de leur résultat, leurs projets et leurs espoirs. Avec le développement des marchés financiers, il est nécessaire de disposer de données rigoureuses et suivies. Dans ce domaine aussi, la presse économique et financière a un rôle irremplaçable à jouer. Elle ne peut le jouer que si elle dispose de véritables marges de liberté dans ses analyses comme dans leur discussion. Bref, elle doit être à la fois indépendante et plurielle.
L’Etat est-il transparent ? En principe, oui. Et le règlement et les traités l’y contraignent. Mais, la réalité de terrain est différente. L’Etat a produit quantité de règlements et directives relatives à la transparence: de la transparence des archives financières à la transparence du remboursement des médicaments, en passant par la transparence des institutions, toutes les thématiques sont concernées. Pourtant, les Gabonais s’inquiètent du manque de transparence de l’Etat. Un manque de transparence jette le discrédit sur le travail du gouvernement et entache sa légitimité. La situation actuelle est donc complètement ambivalente: l’Etat prétend incarner des valeurs d’ouverture et de transparence, mais se révèle incapable de les mettre en pratique.
L’insuffisance des garanties administratives et juridictionnelles, l’influence négative de l’analphabétisme et de la pauvreté ont fait que la pratique électorale est loin d’être rassurante pour l’avenir de la démocratie au Gabon. Elle est contraire aux exigences du droit de suffrage. L’universalité, l’égalité et la sincérité du vote sont massivement violées tant par les organes chargés de la mise en œuvre des processus électoraux que par les titulaires du droit. Ceci entraîne un désintérêt croissant des populations pour le vote.
Sans le travail de la société civile, les problèmes de conflits d’intérêts et de mauvaise gouvernance resteraient dans l’ombre. Seule la société civile a l’indépendance politique nécessaire pour éviter que certaines affaires ne soient étouffées par les arrangements entre partis. Plus que jamais, la transparence des institutions gabonaises envers la société civile est nécessaire pour que le Gabon puisse trouver une légitimité démocratique.