« Concertation politique : Le secret est déjà dehors » affirme François ONDO EDOU.

Il fallait s’y attendre ! Souvent, par manque de professionnalisme et par excès de zèle, les communicants du Palais du bord de mer finissent toujours par soulever un pan du voile qui entoure les grands secrets du pouvoir émergent. En parcourant la dernière édition de « La Calotte », une des feuilles de chou que le pouvoir émergent utilise pour tailler en morceaux les vrais opposants, et en lisant bien entre les lignes l’article intitulé « La démocratie n’a-t-elle pas un coût ? », on découvre enfin les  motifs réels de cette concertation politique. 

Selon nos sources, depuis la fin de la convalescence d’Ali Bongo après l’AVC de Riyad, les spécialistes en tous genres sont à pied d’œuvre pour trouver le meilleur procédé par lequel le Président sortant peut avoir une chance de gagner une élection présidentielle en 2023 avec un bilan aussi catastrophique et une santé si fragile. La conclusion est claire:

Ali Bongo Ondimba ne peut, en aucun cas, gagner une élection présidentielle à deux tours, telle que l’impose la loi révisée après les négociations d’Angondje en 2017. Trois propositions sont émises : tenir la présidentielle le même jour que les législatives, ainsi,  la popularité de certains barrons du PDG dans leurs circonscriptions respectives bénéficie au Président sortant, ou alors changer tout simplement le mode de scrutin de la présidentielle. Là aussi, il y a deux options, faire élire le Président de la République par les députés et sénateurs ou, si la pilule ne passe pas, ramener l’élection présidentielle à un tour. Les deux dernières solutions sont retenues.  Reste à trouver le modus operandi. Un véritable stratagème est donc  mis en place pour parvenir à ce résultat, sans éveiller le moindre soupçon.

Tout commence  le jour de la rentrée solennelle de la Cour Constitutionnelle en février 2022. A cette occasion, Mme Marie Madeleine Mborantsuo convie toute la classe politique à cet événement auquel assiste le Président de la République en personne. Devant ce parterre de politiciens de tous bords, elle demande aux partis politiques de faire des propositions de modifications de la loi électorale pour permettre l’organisation d’élections transparentes et apaisées. Le lendemain, Paulette Missambo, présidente de l’Union Nationale demande à des cadres de son parti d’engager une profonde réflexion afin d’identifier les éléments susceptibles d’enrayer la fraude dans le dispositif législatif actuellement en vigueur. Quelques semaines plus tard, les députés et sénateurs de l’opposition invitent les leaders de leurs partis à des journées parlementaires à Lambaréné. Le thème soumis à leur réflexion porte sur l’organisation d’élections libres et transparentes au Gabon.  A leur retour à Libreville, les dirigeants du RPM, de LD du RPG et de l’UN mettent en place la commission « Transparence électorale » qui poursuit la réflexion déjà engagée par des cadres de l’UN.  Les travaux de cette commission se poursuivent jusqu’à la fin du mois de mai 2022. Le groupe de travail est enrichi de la présence de cadres de plusieurs autres formations politiques de l’opposition : RPR, CDJ, PRC. C’est cette équipe qui rédige un mémorandum intitulé « Plaidoyer des partis politiques de l’opposition pour une réforme du système électoral national ».

Le document est remis à Mme le Président de la Cour Constitutionnelle en mai 2022. Le ministre de l’Intérieur, quant à lui ne donne aucune suite à la demande d’audience formulée par les présidents des partis politiques ayant participé à la rédaction du mémorandum. C’est finalement au forceps que le document lui est remis en juillet. Il annonce à ses interlocuteurs la tenue prochaine d’une concertation politique à l’effet de discuter de l’organisation d’élections libres et transparentes. De juillet à décembre, silence de mort. Ce n’est que le 31 décembre que le Président de la République annonce, dans son traditionnel message de vœux à la Nation, sans en dire plus, la tenue de cette concertation politique destinée à garantir la tenue d’élections aux lendemains apaisés.

Curieusement, cette annonce n’est suivie d’aucune préparation. Aucune initiative n’est prise, ni par le gouvernement, ni par la Cour Constitutionnelle pour permettre aux rédacteurs des mémorandums de participer à des rencontres préparatoires avec les autorités du ministère de l’Intérieur ou de la Cour Constitutionnelle.

De bonne foi, les partis politiques de l’opposition pensent qu’à quelques mois de l’élection présidentielle de 2023, il est urgent que la classe politique se retrouve pour chercher une solution définitive aux violences post électorales. Cela commande évidemment qu’ensemble soient discutés, d’accords parties le format de la concertation, les termes de référence, l’ordre du jour ainsi que les modalités de la facilitation. L’Union Nationale s’y est préparée avec force détails. A contrario, au niveau du pouvoir, aucune concertation préalable n’est envisagée. C’est trois jours avant l’ouverture de la concertation, que les participants à la rencontre  sont conviés au palais présidentiel pour prendre part à la cérémonie d’ouverture de la concertation. Dans son discours et contre toute attente, le Président de la République procède à un glissement notoire en introduisant au débat des sujets comme l’harmonisation des mandats électoraux et la nécessité de trouver les voies et moyens d’organiser des scrutins moins dispendieux.  Et voilà la malice !  On est passé allègrement de l’idée de réviser certaines dispositions du code électoral à une révision de la Constitution. Ainsi, le chef de l’État profiterait de cette concertation,  pour  se donner des chances de se faire réélire, en suivant les recommandations de ses services. Si ce n’est pas un viol politique, ça a des allures d’un acte très malicieux.

Les grandes manoeuvres

Pour remporter une élection à un tour dans un pays qui compte une centaine de partis – l’expérience de 2016 l’a montré-  il faut un grand rassemblement, un front uni des forces politiques de l’opposition au pouvoir en place. Ali Bongo et ses amis ayant pris l’option de faire modifier la loi pour revenir, dans le pire des cas, à  une élection à un seul tour, il est clair que les nombreuses initiatives visant le rassemblement de l’opposition de Mme Paulette Missambo gênent énormément le pouvoir. Il faut à tout prix les saboter. On comprend aisément  pourquoi toutes ces tentatives ont été combattues par le pouvoir. Déjà, le 11 décembre 2022, l’appel à la conclusion d’un Pacte de Confiance lancé par la présidente de l’UN rencontre un écho très favorable. Une cinquantaine de partis politiques sur les 74 partis légalisés, à l’époque, répondent présents et se donnent rendez-vous pour le 19 décembre. Contre toute attente, le Conseil National de la Démocratie est convoqué à la même date pour une session extraordinaire sans aucun ordre du jour. Le pouvoir sait pertinemment que la majorité des partis politiques préféreront aller au CND où ils percevront des indemnités de session. Consciente de cette situation, la présidente de l’Union Nationale reporte la réunion au lendemain où la salle est comble. Mais alors que la question du renouvellement du CGE ne présente aucun caractère urgent, elle est malicieusement introduite dans les débats. Avec le recul du temps, on réalise que c’est  la main noire du pouvoir qui, à l’occasion, est venue  jeter un os dans l’arène de l’opposition pour semer la zizanie. Des tensions naissent entre les regroupements politiques de l’opposition : PG41 qui soutient Christelle Koye, vice-président du bureau sortant qui totalise déjà l’équivalent de deux mandats, la LIPPADES qui tire à boulets rouges sur le regroupement que préside Louis Gaston Mayila.  Alors qu’en toute logique le renouvellement du bureau du CGE devrait attendre la fin de la concertation, le ministre de l’Intérieur organise dans le cafouillage l’élection des membres du bureau du CGE. Il se  permet même de désigner, sans que la loi ne le lui autorise, les membres de l’opposition à la commission adhoc chargée d’examiner les dossiers de candidatures à la présidence du CGE et au collège spécial. Le feu est mis aux poudres et c’est dans ce climat de tensions que le Président de la République annonce l’ouverture de la concertation politique. On invite seulement 30 partis politiques sur les 64 que compte l’opposition à participer aux travaux de la concertation. Et,  cerise sur le gâteau, les techniciens des partis politiques ayant participé à la rédaction des mémorandums ne sont pas invités à la discussion. En revanche, l’ancien parti unique aligne toute sa vieille garde. En face des personnalités comme Faustin Boukoubi, Michel Essonghe ou Paul Biyoghe Mba, des responsables de partis, totalement inconnus et qui, pour la plupart, n’ont qu’une idée vague du code électoral. Rien d’étonnant : le pouvoir les a choisis parce qu’ils n’ont aucune capacité à tenir un débat sur les élections, leur préoccupation majeure : est de… toucher les perdiems. Qui est fou ?

Entendons-nous bien, qu’est ce que la concertation ?

Selon Wikipédia, « la concertation est l’action de débattre, dans le cadre d’un dialogue engagé entre tous les acteurs concernés, qui échangent leurs arguments, afin de prendre en compte les divers points de vue exprimés et de faire ainsi émerger l’intérêt général, en amont de la mise en forme d’une proposition, avant de s’accorder en vue d’un projet commun.

La concertation se distingue de la négociation en ce qu’elle n’aboutit pas nécessairement à une décision, mais qu’elle vise à la préparer.

La véritable concertation exige l’ouverture à toutes les personnes intéressées, dès la conception du projet, et suppose la confrontation entre les parties, l’échange d’arguments, l’explicitation des points de vue de chacun. »

Rien de tout ce qui précède n’a été fait. Comme à son habitude, le pouvoir émergent a utilisé la malice pour associer l’opposition à son funeste projet de faire élire le Président de la République au suffrage indirect ou, dans le pire des cas, retour à une élection à un seul tour. Voilà qui explique la  dernière  campagne d’intox lancée dans les cercles de l’opposition pendant tout le mois de janvier. On a fait croire à de nombreux chefs de partis politiques que la concertation débouchera à une transition politique. Naturellement, cela doit susciter des appétits gargantuesques, chacun des partis politiques voyant poindre à l’horizon son entrée dans un gouvernement de transition. Comment, dans cette perspective, faire accepter à ce beau monde l’idée d’un nécessaire regroupement tactique pour arrêter ensemble une stratégie commune de l’opposition avant cette concertation. Maintenant que les travaux ont commencé, personne ne parle plus de cette fameuse transition qui n’est prévue par aucune disposition constitutionnelle. Les rares informations qui nous parviennent confirment ce que nous disons plus haut. Le Premier Ministre Alain Claude Bilie By Nze a sorti du chapeau la proposition de réduire les dépenses liées à l’organisation des élections en faisant élire le Président de la République par les députés et sénateurs actuels qui sont en très grande majorité issus du PDG. Il sait que cette pilule passera difficilement. Si tel est le cas, il preconisera le retour à une élection à un seul tour. Il y a tout de même un patriote de l’opposition dans la salle que le pouvoir n’a pas pu exclure, parce que chef d’un parti politique. Il a rédigé un mémorandum qui insiste sur l’impérieuse nécessité d’appliquer la biométrie aux élections. Courage à lui !

Jusque là,  le pouvoir parle de lendemains d’élections apaisés. Il s’agit là d’une finalité. Il se garde d’évoquer la question des moyens pour y parvenir. Parler des moyens consisterait à poser les problèmes au cœur des crises électorales répétitives et donc recentrer le débat. C’est ce que les rédacteurs du mémorandum ont proposé. Manifestement, Ali Bongo et ses hommes n’en veulent pas !

François ONDO EDOU

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