La défaite de Jair Bolsonaro avec 49,1 % des voix marque la chute du régime de l’extrême droite et par ricochet la victoire de Luiz Inácio Lula da Silva avec 50,9 % des voix est peut-être à l’origine d’un événement fondateur d’un régime parlementaire.
Cette victoire de Lula a l’élection présidentielle du 30 octobre 2022, exprime aussi le soulagement des classes dirigeantes brésiliennes d’avoir évité que la chute de Jair Bolsonaro ne débouche sur une révolution. Avec la chute de Bolsonaro, une des périodes les plus importantes mais en même temps une des plus sombres de l’histoire du Brésil s’est terminée. Pourtant, sa défaite peut s’achever dans la violence en laissant derrière elle ruines, deuils, haines et misères. Peut-il en être autrement après la polarisation du populisme dans la société brésilienne entre les partisans de son action publique en faveur des pauvres, des paysans sans terre, et ceux qui s’y opposaient radicalement ?
Bolsonaro a voulut réconcilier nation et socialisme, en étant porté par la classe moyenne qui, assuma un rôle contestataire. Mais son projet de refonte de la société brésilienne portait en lui la violence. Trop de compromis, de forces hostiles, de corps autonomes se dressaient sur son chemin pour lui permettre de s’emparer de l’esprit des Brésiliens et de détruire les institutions traditionnelles. L’histoire du Brésil se révèle ainsi être une histoire de fragilité dans l’enracinement du principe de la citoyenneté collective, d’une identité nationale à construire sur le conflit politique indispensable pour cimenter la conscience de la place des droits et des libertés collectives.
Cette incontestable réalité ne dispense cependant pas de se poser une question : jusqu’où serait allé Jair Bolsonaro s’il n’avait pas été battu par Lula ? Ce que l’on peut affirmer sans crainte d’être démenti, c’est que le Brésil connut une inflexible montée en intensité, un crescendo dans la radicalité depuis 2018. Ainsi, la victoire de Lula a mis fin à l’absence séculaire des luttes publiques pour les droits et les libertés. De manière significative, les années qui suivent verront une accélération de la législation sur les droits civils. Ce moment est celui de l’adoption de lois sur des questions décisives pour les droits individuels et sociaux : divorce, objection de conscience au service militaire, droit de la famille, avortement pour ne citer que les normes les plus importantes entrées en vigueur en quelques années.
Cela semble être le début d’une prise de conscience qui n’avait jamais existé auparavant et qui, partant des besoins et des désirs individuels et collectifs, de l’intolérance envers le conformisme culturel et les coutumes, paraît être le présage d’une mutation des mentalités et une manière différente de comprendre la citoyenneté.
Cette élection présidentielle de 2022 n’est pas l’aboutissement d’un conflit, mais le résultat d’un processus toujours ouvert qu’il serait erroné de considérer comme achevé. Désormais l’heure n’est pas à revendiquer, encore moins à exercer le pouvoir dans les usines et dans le pays, mais bien à se retrousser les manches pour reconstruire l’économie.