Dans tous les combats, politiques et autres, il y a nécessairement un moment pour l’observation, un moment pour la réflexion, un moment pour l’analyse, un moment pour la prise de la décision et puis vient après celui de l’action. Une telle méthodologie est aussi des plus efficientes dans la vie courante.
En réalité, je ne pouvais abandonner le village et le Gabon, notre village global et ses habitants, au moment où ils sont plongés dans une sévère crise multiforme, comme notre pays n’en a jamais connue : la précarité et la pauvreté pour l’immense majorité de notre population, le délabrement de l’école, de l’université, de la santé publique, des infrastructures routières et des voiries urbaines et surtout, ces scandales financiers à répétition, ces détournements massifs et ininterrompus des fonds publics aux différents niveaux de l’Etat.
Tout cela ne peut que renforcer nos liens de solidarité et susciter, de façon lancinante, chez le citoyen aimant profondément son pays et chez tout responsable politique de l’opposition digne de ce nom, des interrogations telles que :
– Pourquoi a-t-on supprimé les petites bourses des lycéens et des collégiens… ?
– Pourquoi oblige-t-on les patients hospitalisés à acheter, hors de l’hôpital, leurs médicaments, alors qu’auparavant la gratuité de ces derniers leur était assurée à l’hôpital même ?
– Pourquoi tout cela, alors qu’en même temps des milliards de fonds publics sont détournés presque mensuellement par nos dirigeants ?
J’ai l’habitude de dire que “la vérité est fille du temps“, autrement dit, “il n’y a pas de vérité que le temps ne révèle“, selon la formule consacrée.
Il y a quelques jours, à travers les déclarations de l’ancien Responsable de la GOC (Gabon Oil Compagny), nous avons été tous édifiés sur certaines destinations prises par une partie des fonds issus de notre pétrole. “La corruption du jugement“, selon la bonne expression de l’un de nos meilleurs journalistes, ne viciera nullement notre compréhension de ce dossier et des enjeux longtemps occultés. Sans aucun doute, avec le temps, les secrets entretenus sur les destinations des immenses fonds collectés par les très tristement célèbres Agences, seront aussi éventés. Et l’on comprendra peut-être pourquoi, depuis plusieurs années, le Gabon est privé de vrais budgets de développement. De tels actes de pillage et de destruction ne peuvent être posés que par ceux qui ne se sentent pas liés à notre pays, ni charnellement, ni spirituellement.
D’une façon générale, le système politique et de gestion qui a été mis en place dans notre pays depuis des décennies et qu’on a extrêmement aggravé depuis 2016, est incontestablement un système antipatriotique. C’est un système de prédations et de spoliations systématiques des ressources du pays, et de gestion mafieuse des finances publiques au profit de quelques personnes. Un système qui a la pensée en horreur ou qui n’a de pensée que “la pensée unique“, comme toutes les dictatures et tous les totalitarismes. Un système également anti élitiste, qui pousse certains de nos meilleurs cadres, dont des professeurs d’université parmi les plus titrés, à s’exiler ou à s’abimer progressivement dans le désœuvrement et la misère. Les conséquences les plus dangereuses de ce système abominable sont la profonde division des gabonais et, surtout, la haine mortifère de l’autre qui anime aujourd’hui de très nombreux compatriotes. Cela est bien évidemment contraire à la morale et aux principes dont toute société humaine tire son origine et qui favorisent l’harmonie et la paix dans son existence et son fonctionnement.
Dans l’intérêt supérieur de la Nation et pour notre bien à tous, nous avons l’ardente obligation d’en sortir absolument dans les meilleurs délais possibles.
Car, quoi qu’il en soit, par décret de l’histoire ou du hasard, c’est selon, nous sommes tous condamnés à vivre ensemble dans cet espace géographique qu’est le Gabon. L’immense majorité de notre population n’a pas, comme cela se dit, “un pays de rechange“.
Par ailleurs, nous ne sommes pas des bêtes sauvages, encore moins des fauves, pour continuer à nous satisfaire des agressivités et, parfois, des férocités verbales réciproques et non-fondés dans l’espace public. Ce n’est point-là, en effet, une pratique de la Politique, ni une assurance de la défense de la Cité, telles que PLATON et ARISTOTE les ont théorisées et dont, très mensongèrement, nous prétendons parfois nous en prévaloir. Personne de raisonnable ne veut la mort de l’autre. Si nous sommes condamnés à vivre ensemble, cherchons tous à rendre cette coexistence la plus agréable possible. Certains ont parlé de “Convivialité“ il y a quelques années et ils avaient raison. Le temps de la Réconciliation Nationale est peut-être venu, mais une Réconciliation Nationale sur des bases crédibles.
Pour ma part, la voie qui pourrait nous y conduire est celle qui nous emmènerait d’abord à la source de la Grande Sagesse des P ères de l’Indépendance du Gabon, notre cher pays.
Ces Pères de l’Indépendance du Gabon, qu’il serait hautement souhaitable de rappeler souvent à nos jeunes, sont : Léon MBA, le Premier Président de la République Gabonaise, Jean Hilaire AUBAME, Paul GONDJOUT, DAMAS ALEKA, l’auteur de l’hymne nationale, Eugène AMOGHO, Louis BIGMAN, le talentueux poète méconnu, Jean Jacques BOUCAVEL, René-Paul SOUSATTE, Paul-Marie YEMBIT, Fulbert BONGO AYOUMA, Vincent de Paul NYONDA, le dramaturge, Jean François ONDO, Jean Félix MBA, Gustave ANGUILLET, Jean-Rémy AYOUNE.
J’en oublie sans doute certains, qu’on m’en excuse.
Ce qui caractérisait tous ces Pères de l’Indépendance du Gabon dans la vie courante, c’était la pudeur, la sobriété, comme en témoigne la grande modestie de leurs domiciles à Libreville et dans leurs provinces d’origine et qu’ils ont légués à leurs familles. Ne dit-on pas que la modestie et la simplicité sont généralement des signes distinctifs d’une grandeur d’âme. Ils avaient horreur de la vulgarité, des scandales sous toutes les formes et, en particulier, des scandales financiers dans la gestion de l’Etat. Ils ne se laissaient pas éblouir par des ors des palais publics. Ils n’étaient pas hallucinés par l’argent et les richesses. Ils ne pouvaient, en aucun cas, envisager de léguer à leurs progénitures des successions qui s’avèreraient, à terme, sulfureuses, parce qu’elles auraient été nourries par l’argent issu des détournements massifs des fonds publics ou par “l’argent magique“ dont parlent les économistes. Car, ils avaient un sens très élevé de l’honneur. Les gabonais diraient d’eux “qu’ils sont nés bien après la honte“. Les espagnoles, quant à eux, les auraient appelés “Los hidalgos“. A leur sujet, les français du 18ème siècle auraient parlé “d’une génération des Seigneurs ou de la Distinction“.
Concernant précisément leurs enfants, au lieu de chercher à les gaver de milliards de francs CFA maudits, parce que provenant des détournements des fonds publics, ils ont préféré leur assurer une très bonne éducation et une solide formation universitaire, pouvant leur garantir d’avoir de sérieuses chances de réussite dans la vie. D’une façon générale, ils ont été gratifiés dans ce sens.
Parmi eux, il y avait de brillants autodidactes sérieusement cultivés, férus d’histoire et de littérature.
L’histoire de France, l’histoire de la Révolution Française de 1789, l’histoire de la Révolution Bolchévique (Russe) de 1917, l’Histoire de la Révolution Chinoise de MAO TSE TUNG et l’Histoire de la Colonisation et des Empires Coloniaux, leur étaient familières.
Léon MBA, le futur Premier Président de la République Gabonaise, a été un membre éminent du RDA (le Rassemblement Démocratique Africain), fondé par l’ivoirien HOUPHOUET BOIGNY le 21 Octobre 1946). Jean Hilaire AUBAME, Paul GONDJOUT, Jean-Jacques BOUCAVEL et René Paul SOUSATTE ont siégé de longues années durant, au sein des Institutions Politiques Françaises et de l’Union Française.
Certains parmi eux ont lu le grand historien français MICHELET, le MONTAIGNE des Essais, VICTOR HUGO, “le Défenseur des Peuples“, MARC AURELE, CONFICIUS et bien d’autres. Les Pères de l’Indépendance du Gabon n’étaient pas, comme on le voit, issus d’une quelconque “génération spontanée“. Ils étaient loin d’être d’illustres béotiens.
Sur le plan strictement politique :
Leur “esprit républicain“ était fondamentalement marqué du sceau d’un patriotisme sans concession et non-susceptible de soupçons, d’une admirable rigueur intellectuelle et d’une intégrité morale d’une invariable droiture. Pour eux, l’intérêt général, la primauté de la Nation partout, sur tous les plans et en toutes circonstances, étaient, j’allais dire, plus qu’un dogme biblique. C’est tout le sens du slogan “Gabon d’Abord“ lancé et prôné par le Président Léon MBA. A leur entendement, on ne vient pas à la politique pour se servir et s’enrichir, mais pour servir l’Etat, la Nation, le Peuple. La politique est presque un sacerdoce et elle est mue ou elle devrait être mue par l’Idéal et par des idéaux.
Ce n’est pas du tout du bisness. Le diabolique instinct de l’accumulation, qui fait si rage parmi nos dirigeants depuis 10 ans, ne les a jamais habités.
Sur le plan strictement institutionnel :
Pour les Pères de l’Indépendance du Gabon, le seul crédo qui vaille dans le bréviaire politique, c’est la République, rien que la République, la RES PUBLICA des romains, “la Chose Publique“, “le Bien Commun“. Par conséquent, la Démocratie, le Pouvoir du Peuple (Démos), avec son multipartisme inhérent et ses libertés publiques au profit des citoyens, est l’alpha et l’oméga dans la vie politique, autrement dit, le seul et unique régime concevable et acceptable. En revanche, tout régime aux relents familiaux, claniques, provinciaux, monarchiques ou dictatoriaux, est inconcevable et catégoriquement condamnable.
On pourrait aussi relever que pendant “leur règne“ et leur exercice effectif du pouvoir durant le mandat du Président Léon MBA, il n’y a eu aucune exécution extrajudiciaire, aucun assassinat ni meurtre politique, même après la tentative du coup d’Etat de 1964. Les Pères de l’Indépendance du Gabon étaient véritablement humains, ils avaient une très haute idée de la dignité et du caractère sacré de la vie humaine. Ils étaient tous chrétiens et certains avaient peut-être lu en plus le “De Hominis Dignitate“ du grand philosophe italien du Moyen-Age, PIC DE LA MIRANDOLE.
Pendant des décennies d’un pouvoir excessivement égocentrique, on a eu l’impression qu’on voulait occulter leurs idées et même tenter de les faire oublier. Il a fallu des sollicitations pressantes et répétitives de quelques courageux Pédégistes, pour que quelques modestes établissements scolaires (à l’exception du Lycée Léon MBA), portent enfin les noms de quelques-uns. Mais, on peut prédire qu’en raison de l’exemplarité de leurs vies, du grand service rendu à la Nation à travers leurs idées et leur engagement pour la Démocratie, ils s’installeront, tôt ou tard, dans notre Mémoire Collective et dans l’Histoire de notre pays. Comme ils le méritent tous, leurs statues seront érigées ici et là dans nos villes et localités et des avenues, des boulevards et des places publiques porteront leurs noms. Ce ne serait que justice.
Avec la bénédiction de Dieu, ils nous aideront tous à retrouver la voie de la Raison, la voie de la Paix, la voie de l’Honneur, la voie de la Réconciliation Nationale sur des bases crédibles, la voie d’un vrai Développement au bénéfice de tous les gabonais.
A la mémoire de ces illustres personnages, j’adresse ici, avec émotion et respect, l’expression de la reconnaissance éternelle de tous les Patriotes et Démocrates du Gabon.
Jean-François Ntoutoume Emane, président du Rassemblement des Patriotes Républicains (RPR)