L’Etat gabonais prône une politique de gestion durable du secteur forestier en vue d’accroître ses contributions au développement économique, social, culturel et scientifique du pays. Pour ce faire, un ensemble de Lois, à l’instar de la Loi N° 16/01 du 31 décembre 2001, portant Code forestier de la République gabonaise, a été mis en place. Ce texte de base pose en son article 3 le principe selon lequel « toute forêt relève du domaine forestier national et constitue la propriété exclusive de l’Etat ». L’article 14 du même code ajoute par la suite que « nul ne peut, dans les domaines des Eaux et Forêts, se livrer à titre gratuit ou commercial à l’exploitation, à la récolte ou à la transformation de tout produit naturel, sans autorisation préalable de l’administration des Eaux et Forêts. Toutefois, en vue d’assurer leur subsistance, les communautés villageoises jouissent de leurs droits d’usages coutumiers, selon les modalités déterminées par voie réglementaire ».
De la double exception, autorisation préalable de l’administration et droits d’usages coutumiers, il existe une réglementation stricte dont le non-respect expose son auteur aussi bien à des sanctions pécuniaires (amendes pénale ou transactionnelle) que des peines d’emprisonnement ferme.
Aussi existe-il un cadre organique devant assurer l’effectivité de ces normes pour une gestion durable et rationnelle aussi bien des forêts que de la faune sauvage qu’elles renferment. Cette mission revient à titre principal à l’Administration en charge des Forêts qui mène des missions de contrôle et de police forestière tant organisée qu’inopinées sur tout le territoire national.
Pour renforcer sa gouvernance forestière, l’Etat Gabonais va s’engager sur le plan national et international par des conventions signées aussi bien avec l’Union Européenne que d’autres acteurs de lutte pour la protection de la forêt, comme les Organisations Non Gouvernementales. Le gouvernement Gabonais a par exemple signé le projet APV-FLEGT (application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux), qui rentre dans le cadre des accords et des objectifs communs avec l’Union Européenne de mieux contrôler la légalité des bois qui y sont importés. Le Gouvernement a aussi développé le Plan d’Actions National contre l’Exploitation Forestière Illégale (PANEFI) ainsi que le projet ALEFI (Appui à la Lutte contre l’Exploitation Forestière Illégale) avec l’ONG Conservation Justice. Un autre projet qui fait beaucoup parlé de lui et a pu mettre en évidence l’ampleur de l’exploitation forestière illégale est le projet Contrôle d’Aménagement Forestier (CAF), souvent appuyé dans ses missions par l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN). Et d’ailleurs, par souci d’efficacité, au cours des trois dernières années, des missions de sensibilisation, de contrôle, et de police forestière ont été organisées sur tout le territoire national, en plus des séminaires de formation des acteurs de lutte contre l’exploitation forestière illégale.
L’ONG Conservation Justice a ainsi effectué des missions de sensibilisation dans les provinces de l’Ogooué-Ivindo, du Woleu-Ntem et de la Ngounie, soit cent soixante-dix (170) villages sensibilisés, selon Max Ondo du département social de l’ONG Conservation Justice. Et avec les Parquets, des formations ont eu lieu sur l’ensemble des provinces en plus de celles effectuées dans les écoles de Police, de Gendarmerie et de la Magistrature. Cela dénote évidemment des bonnes relations entre l’ONG et ses partenaires. « Nous avons de bonnes relations avec nos partenaires et espérons que nous pourrons ensemble minimiser au maximum l’exploitation illégale et le pillage des forêts gabonaises , rassure Luc Mathot, le Directeur Exécutif de l’ONG.
Concernant des missions dites mixtes, le Ministère en charge des Forêts et le projet CAF ainsi que ses partenaires, Conservation Justice, l’ANPN et certains Parquets de la République, comme celui de Makokou pour ne citer que celui-ci, ont mené des missions de contrôle et de police forestière sur les surfaces forestières concédées par l’Etat et notamment dans les Permis Forestiers Associés (PFA), les Convention Provisoires d’Aménagement d’Exploitation et de Transformation (CPAET), les Concessions Forestières Sous Aménagement Durable (CFAD), les Forêts Communautaires (FC) et dans les Zones Hors Aménagement ou susceptibles d’abriter les produits forestiers.
Ces missions ont révélé des cas d’exploitation forestière illégale graves aussi bien sur le plan environnemental, économique que social. Selon Bertrand Abaga, juriste pour Conservation Justice, « Les infractions constatées dans les provinces de l’Ogooué-Ivindo et Woleu-Ntem sont entre autres l’absence de plan d’aménagement ou faux plan d’aménagement, lorsqu’il existe un, le non-respect du plan d’aménagement, le non-respect des normes de classification, les manœuvres frauduleuses, l’exploitation intensive dommageable à l’environnement, sans oublier l’inexistence de cahiers de charges contractuelles pourtant exigé par l’arrêté 105 et devenue presque la norme même pour certaines grandes sociétés forestières ».
La corruption qui mine le secteur forestier semble se propager à tous les niveaux de l’administration. C’est d’ailleurs ce qui a conduit, depuis 2015, à interpeler certains hauts-responsables suspectés d’avoir reçu des pots de vin pour fermer les yeux à l’exploitation forestière illégale, s’ils ne sont pas eux-mêmes impliqués dans l’exploitation forestière illégale comme cela ressort de plusieurs missions dans les provinces de l’Ogooué-Ivindo et Woleu-Nem. Comme plusieurs cas qui ont défrayé la chronique en 2015 et 2016, les missions du Contrôle de l’Aménagement Forestier du mois de mai et septembre dernier dans l’Ogooué-Ivindo ont notamment permis de confirmer les liens complices qui existent parfois entre l’administration des Eaux et Forêts et les entreprises forestières qu’elle doit surveiller.
Si l’on peut reconnaître que l’Etat gabonais met de plus en plus l’accent sur la lutte contre l’exploitation forestière illégale, il convient cependant de regretter que les actions souvent engagées n’arrivent pas souvent à leur terme. C’est le cas des enquêtes ouvertes en 2015 avec l’interpellation et l’arrestation des hauts-responsables de l’administration en charge des Eaux et Forêts. C’est également le cas des missions de contrôle et de police forestière menées dans les provinces de l’Estuaire, de l’Ogooué-Ivindo et du Woleu-Ntem en 2017.
Le travail mené pour la lutte contre l’exploitation forestière illégale montre que certaines sociétés devraient logiquement être fermées, les titres forestiers retirés et les responsables traduits devant les tribunaux. Mais cela ne semble pas se diriger vers cette voie, bien que prévue par le code forestier Gabonais.
Que dire de ces sociétés censées œuvrer pour le développement du Gabon et ses populations lorsque leurs employés se retrouvent avec des membres amputés sans aucune couverture sociale ? Que dire lorsqu’il est constant que ces sociétés paient les gabonais à cinq cent (500) francs l’heure, sans oublier les multiples contrats journaliers ou à durée déterminée n’excédant jamais un an ainsi que des licenciements quotidiens sans respect des procédures ? Autant de question qui devraient attirer l’attention jusqu’au plus haut sommet de l’Etat pour assainir le secteur forestier Gabonais.