Deux faits majeurs ont attiré l’attention des Gabonais sur l’ex passionaria de la politique du cru : sa naturalisation en tant qu’ivoirienne et la sortie de son Essai politique intitulé Instants de vie, œuvre qui, en réalité, scelle définitivement son divorce avec le Gabon et le milieu politique.
Femme d’influence et de réseau, Laure Olga Gondjout au summum de sa gloire comme secrétaire général de la présidence de la république, n’avait pas vu venir le couperet. Ce 18 janvier 2014, à la suite d’un conseil des ministres, elle est débarquée pour faire valoir ses droits à la retraite. Elle avait espéré « Une rallonge » pour services rendus auprès de Bongo père 25 ans durant et, surtout du fils dès 2009. Que nenni !
Selon ses proches, elle aurait mal pris cette mise à l’écart qualifiée « D’hypocrisie ». L’entourage du chef de l’Etat, notamment Maixent Accrombessi, appréciait mal la proximité de cette ancienne souffleuse des oreilles d’Omar Bongo avec Ali Bongo.
Or, la connaissant, Ali lui a proposé, un an auparavant, notamment le 16 août 2013, de succéder à Jean-François Ntoutoume Emane à la tête de l’Hôtel de Libreville. Pour cela, elle devait se jeter dans le chaudron du terrain politique. Pari risqué pour l’habituée des ors et des écrins de la République. Même si cela n’avait pas convaincu les collaborateurs du chef de l’Etat présents ce jour, cette proposition lui a semblé être la dernière bouée de sauvetage. Un défi qu’elle devait relever.
Tête de liste du Parti démocratique gabonais(PDG) dans le 3ème arrondissement, à l’issue du vote, la moisson sera maigre. Sa liste a remporté 10 sièges de conseillers sur 29. Un échec qu’elle justifiera plus tard par des pseudos mains invisibles tapies dans le sérail du chef de l’Etat et de son propre parti. Mais en réalité est plus dure que ces élucubrations. Car, pour les populations du 3ème arrondissement de Libreville, parachutée, Laure Olga Gondjout reflétait l’inertie et l’usure d’un système politique vomi depuis longtemps. Trop chic et très distante vis-à-vis des populations de cette circonscription en majorité pauvres, elle a été déboutée. Son Patronyme seul n’a pas suffi.
Au moment de choisir le nouvel édile de Libreville qui devait être Mpongwé selon le système rotatoire en vigueur à l’Estuaire, le PDG jettera son dévolu sur la deuxième de la liste, Rose Christiane Ossoucka Raponda, une novice en politique mais dont les états de service en tant que ministre des finances avaient séduit l’opinion.
Selon un membre du bureau politique du PDG, « A deux ans de la présidentielle de 2016, le parti n’a pas voulu prendre le risque de mettre à la tête de l’Hôtel de ville de Libreville, la capitale qui réunit plus de 70% des habitants du Gabon, un maire impopulaire ».
Exit donc la présidence et la mairie, l’auteure de l’essai politique Instants de vie: Omar Bongo, les miens et le monde, a d’abord pensé se lancer dans les affaires. Mais, le 16 janvie0r 2014, elle est nommée médiateur de la République, une institution inconnue des Gabonais, crépusculaire à l’image de son président d’alors, Jean-Louis Messan. Maigre consolation plutôt considérée comme une voie de garage. Elle va très vite se sentir à l’étroit car ces nouvelles fonctions sont incompatibles avec ses mandats politiques de conseiller municipal et de membre du Comité permanent du bureau politique du Parti démocratique gabonais (PDG).
Elle règle ses comptes avec le Gabon politique et fait les yeux doux au pouvoir Ivoirien
Habituée à être sous les feux de la rampe, rarement ou plus du tout consulté, Laure Olga voit son influence se réduire comme peau de chagrin. Elle s’installe donc à Abidjan dès septembre 2018 en abandonnant son poste de Médiateur de la République cinq mois durant avant que son remplaçant soit trouvé le 19 janvier 2019. Elle prend la nationalité ivoirienne avec son fils Talyane Chalobah Gondjout et son frère Vincent de Paul Gondjout, ancien député du Pdg, dont l’avenir politique était devenu sombre. Ce dernier était empêtré dans un scandale de sextape et l’aventure avec Héritage et Modernité avait tourné court.
Et pour rentrer dans les bonnes grâces du pouvoir ivoirien, elle a sorti un livre intitulé Omar Bongo, les miens et le monde, inspirée « Suite à une visite, en 1981, à la basilique Notre dame de la paix de Yamoussoukro, où elle a rencontré de nouveau Omar Bongo et décidé de ». Elle aurait donc eu une inspiration matérialisée 39 ans après, à 66 ans ! Ce livre dévoile les arcanes du pouvoir politique gabonais et de la Françafrique. Si la première raison est de faire le témoignage de sa vie et maintenir l’histoire mémorielle d’Omar Bongo qu’elle a servie pendant 25 ans, pour le polémiste Anatole Ngoua, « Le choix du lieu, la côte d’Ivoire et la période qui coïncide avec la campagne présidentielle qui bat son plein, ne sont pas fortuits. En effet, aller déclarer devant le peuple ivoirien dans un livre que le président Houphouet Boigny dont l’héritage politique continue d’être disputé entre ses fils, Houhouétistes, avait confessé à Omar Bongo qu’Alassane Ouattara était son favori pour le remplacer à la tête de la Côte d’Ivoire, a été maladroit et très risqué pour notre compatriote. Je ne sais pas si elle est consciente de sa bévue et du danger qu’elle court désormais ».
« M. Bongo avait fait le serment au président (ivoirien) Félix Houphouët-Boigny de protéger Alassane Ouattara quoi qu’il advienne car il avait une grande ambition pour lui et pour la Côte d’Ivoire », affirme à l’AFP Laure Olga Gondjout. Elle continua ; « Bongo a accordé un soutien indéfectible à Alassane Ouattara. Mon regret, c’est que le président Bongo (décédé en 2009) n’ait pas vu Alassane installé au pouvoir en 2011 (après une décennie de crise). Quand je vois tout ce parterre de chefs d’État et que le président Bongo est absent, j’ai un pincement au cœur ».
Une telle déclaration venant de la collaboratrice d’Omar Bongo, a de l’effet. D’ailleurs, ce passage dans le livre, au-delà de son amour inconditionnel pour la Côte d’Ivoire, a été abondamment repris par les médias d’Etats et ceux proches du candidat ADO. Même les medias internationaux notamment France 24 et Rfi, ont repris ces affirmations dont on ne saurait vérifier le fondement, Bongo et Houphouet n’étant plus vivants.
Mais, pour Sylvain N’Guessan, analyste politique de l’Institut stratégique d’Abidjan, ces révélations n’en sont pas vraiment puisque les « Observateurs savaient que Bongo faisait partie des parrains de Ouattara », assure le politologue à France 24.
Selon un membre du bureau politique du PDG qui a requis l’anonymat, « Laure aurait dû fermer sa gueule ! Utiliser le nom d’Omar Bongo pour avoir les marchés pour son cabinet de lobbying est irresponsable. Tout ça, avec son histoire de nationalité, a scandalisé tout le monde ici. On a tous compris que ce livre qui a pour prétexte le témoignage de sa vie était destiné en réalité au public ivoirien et à son président. C’est d’ailleurs tout ce qu’on a retenu de cette publication. Omar lui a dit que c’est Ouattara qui devait le succéder où et quand ? Moi, je sais qu’Houphouet était préoccupé par son héritage politique. Et il disait qu’Alassane Ouattara était impulsif, trop ambitieux. Grand expert économique certes, mais piètre politicien. Que l’on dise aujourd’hui qu’il devait Le remplacer ? Non !»
A Libreville, son installation en côte d’Ivoire a surpris plus d’un. Surtout quand on connait la responsabilité du pouvoir ivoirien actuel dans la crise post-électorale de 2016. L’immixtion du conseiller spécial d’ADO Mamadi Diané et du Hacker Yéo Sihifowa lors de cette élection, a jeté un froid entre les deux présidents Ivoiriens et Gabonais.
Mieux, quand on a occupé de hautes responsabilités républicaines, on est astreint à un droit de réserve. Le livre se vend sous le manteau à Libreville et accessible uniquement par une certaine élite.
Le séjour abidjanais risque d’être court et dépendra des résultats de la présidentielle. Mais, prudente, Laure Olga Gondjout a déjà anticipé en demandant par courrier à l’Ambassadeur du Gabon en côte d’Ivoire Faustin Mounguengui Nzigou« Un visa long séjour au Gabon pour des raisons de sécurité. (Suite) à la situation difficile qui s’annonce en Côte d’Ivoire consécutive aux soubresauts politiques liés à l’élection présidentielle 2020 ».