Depuis quelque temps, je plaide sur la nécessité de rouvrir les lieux de culte fermés depuis l’instauration des premières mesures barrières de lutte contre la Covid-19. Des mesures, incontestablement, importantes qui ont permis de maîtriser la propagation au fil des mois de la Covid-19. Mesures que j’encourage à respecter depuis le début de cette crise dans notre pays.
Mon plaidoyer pour la réouverture des lieux de culte s’appuie cependant sur deux points : l’inconstitutionnalité du maintien de l’interdiction après la fin de l’état d’urgence et le caractère illogique ou disproportionné de la mesure aujourd’hui.
-Sur l’inconstitutionnalité du maintien des mesures décriées.
La libre pratique de la religion est garantie à tous dans les principes fondamentaux de notre constitution. Il s’agit donc d’une liberté fondamentale qui ne peut être restreinte que dans les strictes situations définies par la loi fondamentale elle-même, notamment, dans le cadre des régimes d’exception comme l’état d’urgence et l’état de siège prévus dans l’article 25.
En dehors de ces deux régimes d’exception et d’un trouble à l’ordre public avéré, toute restriction de la liberté du culte est de nature à porter atteinte à la Constitution gabonaise.
En effet, depuis la levée de l’état d’urgence le 11 mai 2020, certaines libertés auraient dues être retrouvées, c’est le cas de la liberté de culte. A cet effet, il me plait de rappeler que la loi sur l’urgence sanitaire en vigueur depuis le 12 mai 2020 est une loi ordinaire et à ce titre elle n’a pas le pouvoir de restreindre une liberté fondamentale établie et garantie par la Loi fondamentale elle-même, c’est un principe général de droit connu de tous. Partant de là, sans être dans le cadre de l’état d’urgence, cette interdiction d’exercice de culte est anticonstitutionnelle et mérite donc d’être levée.
-Sur le caractère illogique de la mesure aujourd’hui.
Le Gouvernement estime que les lieux de culte constituent des niches de contamination à grande échelle et que les ouvrir présentent un risque trop élevé pour l’heure.
Si, jusqu’en Juin, cet argument était recevable, il est peu acceptable en Septembre 2020 au moment où les mécanismes et mesures barrières contre la Covid-19 sont déjà connus.
En effet, la connaissance et la pratique générale des mesures barrières contre la Covid-19 permet de remettre en cause le caractère général et absolu de l’interdiction d’ouverture des lieux de culte au Gabon. Les lieux de culte peuvent très bien s’adapter aux contraintes imposées par la lutte contre la pandémie. Par exemple : organiser plusieurs messes par jour pour garantir la présence d’un nombre réduit de fidèles au même moment, l’obligation du port des masques, l’installation des lavages de mains aux entrées, interdire pour la circonstance les accolades entre fidèles, respect de 1m de distanciation sociale etc. Toutes ces mesures sont facilement réalisables dans ces lieux.
D’ailleurs, les responsables desdits lieux se sont exprimés plusieurs fois sur leur engagement et bonne foi à faire respecter toutes les mesures nécessaires exigées par le comité scientifique lors de la mise en place d’une commission tripartite à savoir : le gouvernement, le COPIL et les responsables religieux.
De plus, il y a quelque temps, le Ministre d’Etat en charge de l’intérieur et le Ministre en charge de la Santé ont fait une tournée pour s’enquérir de l’effectivité des dispositifs de distanciation sociale.
Doit-on rappeler que les lieux de culte ne sont pas plus dangereux que les marchés, les magasins, les transports en commun qui sont ouverts et libres d’accès depuis des mois.
La question que l’on se pose aujourd’hui au regard de l’évolution de la situation de la pandémie dans notre pays est :
Quelles raisons sanitaires justifieraient le maintien de la fermeture des lieux de culte quand le reste des autres instances a repris les activités ? Le Gabon est-il exceptionnellement touché ? Comparé aux autres pays, non !
Et pourtant, des Etats bien plus touchés que nous ont vite restauré la liberté de culte. « Aux États-Unis, le président Trump a demandé aux autorités locales d’autoriser à nouveau les rassemblements religieux, au motif que les institutions religieuses étaient ‘essentielles’ ». Et même en France, le week-end du 23 et 24 Mai, alors que la pandémie était encore dans sa phase croissante, « les fidèles ont commencé à se retrouver pour prier ensemble, tout en observant les mesures barrières ».
J’estime que le Gouvernement peut prévoir des mesures moins strictes pour les lieux de culte tout en s’assurant du respect rigoureux des mesures barrière en leur sein.
Est-ce que plaider ainsi est une insulte à nos institutions comme on voudrait nous prêter des intentions ? Est-ce que décrier des infractions flagrantes face à la Constitution, notre Loi fondamentale à tous, serait un trouble à l’ordre public ? Est-ce que décrier l’injustice des pratiques anti- constitutionnelles est une défiance à l’endroit des dites autorités ? Est-ce que les communautés religieuses seraient devenues des « citoyens de seconde zone comme lors de l’apartheid » en Afrique du Sud ?
C’est face à toutes ces injustices, que Les communautés religieuses et davantage les églises pentecôtistes et charismatiques de réveil, ont arrêté une date de réouverture celle du 27 septembre à 8 heures car il y a là, en mon sens, une non-assistance de personnes en danger de la part de notre gouvernement.
Rév. Prophète Max Alexandre Ngoua, Sociologue, Psychologue et Conseiller d’Orientation, Chevalier dans l’Ordre National du Mérite Gabonais.