Le sacrifié !

La mise en œuvre des mesures d’accompagnement très attendues par les populations cibles n’a pas eu les effets escomptés, tant  elle a été accompagnée de retards et de nombreux couacs reconnus par le Chef du gouvernement lui-même, Julien Nkoghe Bekale au point de provoquer l’ire du président de la République Ali Bongo Ondimba.

« J’ai ’instruit  le Premier ministre  à rendre publiques, toutes les mesures que j’ai arrêtées dans les meilleurs délais ».  Cette instruction du chef de l’Etat le 3 avril, a eu toutes les peines du monde à  prendre corps. Les ministres concernés au plus haut point pour l’implémentation de ces mesures nagent dans le clair obscur. Pourtant, tout avait bien commencé lorsque,  le 10 avril, le Premier ministre  Julien Nkoghe Bekale a exposé, devant la presse et les membres du gouvernement, le contenu de ce qui devait constituer l’ossature des mesures annoncées par le chef de l’Etat. Ensuite, chaque ministre a décliné en direct, chacun en ce qui le concerne, la mise en œuvre, les délais et le début de leur implémentation.

Sauf que, plus  de deux mois après, les choses marchent à pas de tortue. Quand elles ne sont pas statiques. Et l’impatience des populations est à son paroxysme au point où des scènes de pillages de magasins alimentaires étaient visibles dans la ville de Libreville. Ces étincelles qui essaimaient la ville-capitale ont fait craindre le pire en pleine période de crise sanitaire. Si la gratuité de l’électricité, la distribution des bons alimentaires par la Fondation Sylvia Bongo Ondimba, ont été  effectives, les kits alimentaires issus de la banque alimentaire de l’Etat, la prise en charge des loyers,  l’eau, ainsi que les autres mesures se concrétisent à doses homéopathiques. La grande rhétorique gouvernementale  devant la presse le 10 avril a douché les espoirs de plusieurs.

Au centre de cette stratégie,  le Ministère en charge de la Promotion et de l`Intégration de la Femme dirigé par  Prisca Koho  épse Nlend. Elle a été très vite dépassée au bout de quelques semaines en faisant du surplace. Et les conséquences ont été visibles au point de faire craquer la concernée. Le Ministère et ses missions étaient-ils trop larges pour ses frêles épaules ?  Malgré un discours assuré et assumé, la ministre Prisca Koho Nlend  s’est retrouvée incapable d’implémenter ce qu’elle avait présenté quelques jours avant comme faisable.

Il n’en fallait pas plus pour désigner le bouc-émissaire : le Premier ministre. Or, autant le président a donné sa confiance au chef du gouvernement dans l’implémentation de ce projet évalué à 250 milliards de FCFA, autant celui qui est chargé du suivi et de l’exécution de l’action gouvernementale et coordonateur des affaires présidentielles, Nourredin Valentin et tout le cabinet présidentiel auraient savonné le plancher. A quel dessin ? Nul ne le sait.  .

Dans la mise en œuvre du discours présidentiel, Julien a dû rencontrer des personnes ressources. Notamment des anciens premiers ministres Raymond Ndong Sima, Casimir Oye Mba, tous économistes réputés et l’agrégé en économie Ondo Ossa. D’autres consultations officieuses ont eu lieu pour pourvoir donner forme au projet  qui a été envoyé à la présidence pour avis. Le retour du bord de mer a été un choc. Aucune proposition n’aurait été retenue. Pis, une contre proposition a été brandie au Premier ministre laquelle lui a été sommée d’appliquer.

Selon nos informations, le plan de riposte  contre la Covid-19 aurait été rédigé par le cabinet du coordonateur avec, à la manœuvre Emmanuel Leroueil, économiste d’origine rwandaise et actuel conseiller économique et financier de Nourredin Bongo.  Emmanuel Leroueil est un habitué des programmations budgétaires, des plans de stratégies de développement etc. L’ex-patron du bureau Afrique central de Performances Group, le cabinet qui a participé à la conception du Plan stratégique Gabon émergent était  dans son élément.

Là n’est pas le pire.  Au sortir de cette réflexion, les idées sont allées vers les ministères en charge d’implémenter ledit plan de riposte. Mais le coffre-fort  lui, est resté coincé entre les fourches caudines du Bord de mer. Des incongruités budgétaires sont ainsi apparues : 7 milliards réservés au  secteur des transports pour deux semaines, plus de 6 milliards engloutis dans le secteur de l’eau et électricité et la distribution de kits alimentaires s’est faite au faciès. Sans moyens véritables, les équipes  n’ont pas pu couvrir les 228 quartiers recensés avec, à la clé, 60 000 foyers pour 60 000 bons à distribuer.  Des grincements de dents ont fait le reste.

A un autre niveau, 2 milliards ont été réservés au secteur de la communication.   Cet argent, comme vu ailleurs dans les autres pays africains, devait mobiliser la presse pour la cause. Malheureusement, le budget aurait été porté par le porte-parole de la présidence. Le bellâtre du département du Ntem a multiplié la création de sites et revitalisé ses propres sites en lignes (Media 241, Libreville etc), tombant ainsi dans  le conflit d’intérêt et la forclusion.

Conséquences, l’action gouvernementale  a été inaudible et invisible. Le ministère de la communication, organe technique qui aurait dû gérer la com avec un budget conséquent, a été jeté aux orties.

Devant autant de cafouillis  et des ministres qui jouent au factotum, l’ordre serait venu de la première dame pour que le gouvernement reprenne la main sur ces secteurs régaliens donc, la communication.  Toutes les mesures de gratuité  du chef de l’Etat qui a pourtant pris la parole plus de trois fois en un mois, n’ont pas eu d’échos. Aucun plateau spécial ni débats organisés. En restituant au gouvernement la communication, la première dame reconnaît implicitement l’échec de ses  enfants qui s’étaient assis sur la manne. Peut-on encore rattraper le péril ? C’est peu sûr.

Dans les chaumières, des voix s’élèvent face à un système qui broie  ses propres enfants et leurs efforts. Dans cette dynamique, certains n’hésitent pas à voir derrière ces couacs à répétition, un savant travail de sape du palais visant à savonner le plancher du Premier ministre. L’agenda du clan qui contrôle le bord de mer garde toujours en mémoire 2023. Et cette échéance commence aujourd’hui.  Or, malgré l’activisme de Julien, il est loin d’être une alternative crédible pour 2023.  Lui-même a d’ailleurs compris  le manège dont il fait face en reconnaissant gérer depuis sa nomination, « Uniquement des conflits ».  Comme si on voulait le pousser à la faute.

La politique de l’absurde à laquelle se livrent les deux pans de l’exécutif a atteint son paroxysme  jeudi le 7 mai. Ce jour-là, devant les députés, le Premier ministre Julien Nkoghe Bekale venu faire un bilan d’étape de la riposte contre  le Coronavirus,  a autorisé l’ouverture d’un audit parlementaire sur la gestion des 250 milliards, somme allouée  dans le cadre de cette lutte. Cette proposition qui a suscité  étonnements et  fous rires dans l’hémicycle, est loin d’être un hiatus ou une preuve de la naïveté de ce baroudeur politique.  Julien a plutôt montré, et de  la plus belle des manières, sa non implication dans la gestion de cette manne. Et confirmé ce que tous ou presque savent : la présidence détient par devers elle le coffre-fort.

Au demeurant, cette gestion à la Hussarde du gouvernement  est comme un serpent qui se mord lui-même la queue. Du pain béni pour une opposition jusque-là restée atone, spectatrice ou complice passive de la déchéance du Gabon.

 

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