Une vision conjointe demeure entre Ursula Von Der Leyen, Présidente de la Commission Européenne et Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’union Africaine. Retour sur l’année 2017, qui marque les dix ans de la Stratégie conjointe Afrique-Europe. Elle verra au mois de novembre, à Abidjan, le 5ème Sommet Afrique-UE. L’accession marocaine en fera le premier Sommet Union Européenne-Union Africaine, ce dont nous nous réjouissons.
Il n’est un secret pour personne, en effet, que l’Union européenne encourage les processus d’intégration. La raison en est simple: l’UE elle-même est le fruit de cette intégration, dont les bénéfices peuvent se mesurer au quotidien en termes de paix et de sécurité, de commerce et du sentiment d’un destin commun partagé par un nombre croissant d’Européens, en dépit d’évolutions majeures comme la décision du retrait du Royaume-Uni.
Nous sommes convaincus que l’intégration régionale et continentale est le meilleur moyen de traiter les défis globaux mais aussi d’accroître le bien-être des citoyens, ce qui devrait être le but ultime de tout processus d’intégration.
Parmi les processus d’intégration régionaux existant de par le monde, l’intégration africaine revêt une importance toute particulière pour l’Europe. En raison de sa proximité géographique, de la richesse des liens historiques liant nos deux continents, de la proximité linguistique, culturelle et des défis communs auxquels nous avons à faire face, l’importance d’un partenariat efficace et mutuellement bénéfique est considérable.
Depuis notre premier sommet au Caire en 2000, nos deux continents ont parcouru un chemin considérable. Du côté de l’Union européenne, des avancées décisives comme l’élargissement à l’Est, l’approfondissement de l’intégration avec le Traité de Lisbonne, l’adoption d’une monnaie commune unique, les progrès en matière de sécurité et de défense commune. Du côté de l’UA, le « dernier » élargissement avec l’entrée du Maroc, et l’ambition nette d’un continent en pleine expansion: l’agenda 2063, la perspective d’une zone continentale de libre-échange ou les velléités de réforme de l’UA, pour ne citer que quelques exemples.
Aujourd’hui, dix ans après l’adoption de la Stratégie conjointe Afrique-Europe, une vision conjointe demeure. Dans le même temps, l’évolution des circonstances doit nous pousser à revisiter nos approches, dans le but d’atteindre nos objectifs conjoints.
Dix ans après, nos peuples partagent une même vision, celle d’une Europe et d’une Afrique plus prospères, plus stables et plus ouvertes.
Dix ans après, des centaines de projets majeurs de coopération au développement ont été mise en œuvre, en soutien aux Etats africains et aux populations. Au-delà de l’aide au développement, le commerce de l’Afrique avec l’UE a augmenté de 50% depuis 2007. Les investissements des sociétés européennes et de leurs filiales en Afrique totalisent plus de 200 milliards d’euros par an, devenant ainsi le principal partenaire d’investissement de l’UE en Afrique. L’Union Européenne a déployé, pour sécuriser sur mandat de l’ONU ou pour former les partenaires africains, 16 missions ou opérations, mobilisant hommes et femmes de nos forces de sécurité intérieure ou militaires. Elle a aussi soutenu, et soutient encore, l’UA et les communautés économiques régionales dans leurs opérations de maintien de la paix.
Dix ans après, notre engagement à maintenir entre nos deux continents un partenariat privilégié est inchangé. L’Union européenne demeure le premier partenaire de l’Afrique en matière d’investissement, de commerce et d’aide au développement ou humanitaire. Dans un monde de plus en plus interdépendant et en mutation rapide, les destinées de l’Europe et de l’Afrique sont encore plus étroitement liées. Des menaces pesant sur la paix, la démocratie et la prospérité économique jusqu’à la lutte contre la pauvreté et le changement climatique, ce qui concerne l’Afrique concerne l’Europe et inversement. Nous avons un intérêt mutuel à la réussite de l’autre, sur tous les plans.
Plusieurs éléments dramatiques rappellent brutalement le chemin restant à parcourir. C’est le cas de l’état de famine qui vient d’être déclaré au Sud-Soudan, mais aussi des situations dans le bassin du Lac Tchad, en Somalie, en Centrafrique, ou en Libye. C’est enfin le cas de la migration irrégulière et des morts dans le désert du Ténéré ou en Mer Méditerranée. Ce phénomène, qui est de notre responsabilité commune, n’est qu’un effet collatéral de l’absence de développement, de sécurité et de droits de l’homme.
Tous ces défis appelle des réponses globales, mêlant dialogue politique, renforcement de la sécurité et amélioration des conditions de vie des populations locales. Ceci est à la base du partenariat que souhaite offrir l’Union européenne.
Tant l’UE que l’UA doivent devenir plus fortes; et pour cela, croire davantage en leur potentiel, en leur capacité. Votre force est notre force, et inversement. Une force que nous ne pouvons construire qu’ensemble – comme partenaires, et comme amis. Notre relation est déjà, à bien des niveaux, très étroite. Mais aujourd’hui, pour le bien de nos deux processus et de notre avenir commun, nous avons le devoir de changer d’échelle.
Nous devons aujourd’hui soutenir des initiatives qui rapprochent les peuples, non seulement les représentants publics. La jeunesse est non seulement le thème de l’année pour l’UA, elle l’est aussi pour le prochain Sommet Afrique-UE. L’importance de la jeunesse n’est plus à prouver, ni à débattre. La moitié de la population africaine qui a moins de trente ans. C’est une incroyable réserve d’énergie, d’innovation, d’idées. Il importe aujourd’hui de mettre en place des initiatives visibles, tangibles et utiles. Nous souhaitons aussi que jeunesse européenne et africaine se rapprochent par ce biais.
Le travail conjoint sur la Paix et la Sécurité doit se poursuivre; au-delà du soutien aux opérations de soutien à la paix, ce domaine doit être élargi à la fois dans la substance et dans les modalités. Sur le fond, la Paix et la Sécurité doit englober la prévention, la stabilisation et la reconstruction post-conflit, pour enfin mettre en pratique le « nexus sécurité & développement ». Sur les modalités, nous devons trouver les moyens de soutenir des initiatives de coopération régionale quand des Etats souhaitent s’engager dans un travail conjoint sur leurs zones frontalières communes, comme c’est le cas dans le Bassin du Lac Tchad ou plus généralement au Sahel. Europe et Afrique doivent aujourd’hui cibler certaines zones de coopération prioritaire sur lesquelles, ensemble, réinventer notre façon de travailler, de manière à mettre en équation nos objectifs avec un impact réel sur le terrain, au service d’une sécurité durable. Montrer les fruits de notre coopération est le meilleur moyen de gagner l’adhésion des populations et de répondre aux défis qui nous préoccupent.
Nous devons poursuivre le travail de long-terme et dépasser le cadre de l’aide publique au développement: le partenariat Europe-Afrique doit mobiliser davantage le secteur privé de manière à stimuler les investissements: c’est l’objet du Plan d’investissement extérieur européen qui permettra des garanties aux acteurs privés pour attirer l’investissement y compris là où les investisseurs n’iraient pas normalement. Ce travail de mobilisation large est partagé par les Etats membres, comme le montre la présidence allemande du G20 et la volonté d’un Plan Marshall pour l’Afrique. Ces efforts n’auront de sens que si se poursuit en parallèle le travail d’amélioration de la gouvernance et d’assainissement des finances publiques. La dépendance de l’Afrique aux exportations de matières premières rend le continent vulnérable aux baisses de la demande, d’où la nécessité de valoriser l’industrialisation. Nos deux Commissions travaillent ensemble pour promouvoir l’industrialisation, la diversification et l’accroissement de la valeur ajoutée, les investissements dans les infrastructures africaines, les transferts de technologie.
Enfin, nous travaillons ensemble pour stimuler l’agriculture et la transformation agro-alimentaire afin de promouvoir une croissance économique durable et inclusive. C’est pourquoi la création d’une zone continentale de libre-échange qui favorise un commerce libre et équitable est si importante.
Enfin, au-delà de nos deux continents, en ces temps troublés sur la planète qui concentrent des défis majeurs comme la lutte contre le changement climatique ou le terrorisme international, l’Europe et l’Afrique doivent savoir être deux voix qui portent dans le monde, voix qui défendent les forces du droit et du progrès de l’homme, contre l’obscurantisme et le repli sur soi. L’Europe et l’Afrique doivent montrer les bénéfices d’une approche privilégiant coopération à confrontation, le dialogue à la fermeture et les ponts plutôt que les murs. Jules Verne disait « rien ne s’est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée ».
C’est dans cet état d’esprit que nous nous rendrons ces prochains jours à Addis-Abeba, capitale continentale de l’Afrique, pour rencontrer la nouvelle équipe de la Commission de l’Union Africaine, avec laquelle nous nous réjouissons de travailler au service d’un agenda ambitieux.