« Voyage en histoire 16 : Langues, arts et sciences, Afrique du nord, Ve siècle au XIe siècle » par Jacky Bayili.

A l’époque qui nous intéresse, on parlait plusieurs langues en Occident musulman. Il y avait d’abord les langues berbères, très différentes les unes des autres et très répandues dans tout le Maghreb, particulièrement dans les campagnes et les massifs montagneux difficilement perméables à l’arabe.

Ces parlers ne purent cependant franchir la Méditerranée dans le sillage des armées. On n’en décèle en effet aucune trace en Espagne et en Sicile, où les langues locales s’étaient trouvées exclusivement confrontées à l’arabe. En Espagne avait pu se développer une langue romaine hispanique dérivée du latin et très largement usitée aussi bien dans les campagnes que dans les villes. Nous relevons également les traces d’une langue romaine ifrikiyenne qui avait dû être particulièrement courante dans les milieux chrétiens urbains. Mais tous ces idiomes étaient parlés de façon exclusive. La seule langue culturelle, écrite, était l’arabe. Elle était utilisée non seulement par les musulmans, mais aussi par les dhimmī qui, tel le juif Maimonide, ont su y exprimer quelquefois une pensée particulièrement vigoureuse.

Les foyers culturels étaient nombreux. Toutes les capitales, toutes les villes importantes avaient leurs poètes, leurs adīb (littérateurs) et leurs fuḳahā˒ (théologiens). On allait quelquefois quérir les plus fameux d’entre ces derniers (ce fut le cas de Tiāret menacée par l’i˓tizāl) jusqu’au fond des monts des Nafūsa. Mais nous ne sommes renseignés avec quelque précision que sur les trois foyers qui furent incontestablement les plus brillants : Ḳayrawān, Cordoue et Fès. Là, comme dans tout l’Occident musulman, les lettres étaient largement tributaires de l’Orient. On admirait les mêmes poètes et les mêmes adīb, et on tissait sur les mêmes métiers. La riḥla, le voyage qui combinait les mérites du pèlerinage et de l’étude, maintenait entre les capitales d’Occident et d’Orient un contact étroit et continu. Les Maghrébins en particulier avaient pour leurs maîtres orientaux une admiration qui frisait la superstition. Les hommes et les oeuvres circulaient ainsi avec une rapidité qui nous étonne d’autant plus que les chemins étaient longs, pénibles, voire périlleux. Le meilleur exemple de la présence de la culture orientale au coeur de l’Occident musulman est peut-être le ˓ Iḳd al-Farīd, anthologie composée par l’adīb cordouan Ibn ˓Abd Rabbihi (246/860 -328/939). On n’y trouve que des extraits d’auteurs orientaux, au point que al-Sāḥib b. ˓Abbād, célèbre vizir buyide et homme de lettres de la seconde moitié du IVe/Xe siècle, s’écria en la consultant : « Voilà notre propre marchandise qu’on nous renvoie ! »

Pourtant Ḳayrawān, Cordoue et les autres capitales avaient aussi leurs poètes et hommes de lettres qui, sans avoir atteint la renommée des grands chantres orientaux, n’auraient quand même pas défiguré le ˓ Iḳd.

Docteur Jacky Bayili (attaché scientifique à la province du Sanguié)

Expert en économie solidaire, merci à Bahiome ; Union des Groupements Féminins/Ce Dwane Nyee (UGF/CDN)

Source : Quoniam.info Chercheur Permanent Luc Quoniam Université Aix-Marseille – Région Sud Toulon Var

D’après les collections à l’Unesco et l’université de Ouagadougou, le collectif asso paca et l’association culture et partage…

Paul Essonne

Journaliste

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