Tribune libre : Qu’en est-il de la reddition des comptes en politique et dans l’administration ? Par Par l’Honorable Dioumy Moubassango

Dans le but de contribuer à l’amélioration de la gouvernance de notre pays, le Gabon, je reviens sur une habitude regrettable qui est, à mon sens, l’une des plus grandes faiblesses de la gouvernance de notre pays ces dernières années : « le refus de rendre des comptes en politique et dans l’administration gabonaise ».

Cette attitude, devenue indécrottable pour nombre de nos compatriotes en responsabilité, a toujours été le fer de lance de toutes les confusions et contorsions dans la gestion des deniers de l’État. Il faut savoir que l’absence de reddition des comptes constitue une entrave intentionnelle au développement et à la transparence dans la gestion de notre pays. Il nous faut donc faire œuvre pédagogique pour éviter de retomber dans les mêmes travers alors que nous sommes toutes et tous mobilisés pour la refondation du Gabon à la faveur de la transition politique actuelle.

Premièrement, il est important de noter que le refus de rendre des comptes est lié à la culture de l’impunité. Dans de nombreux cas, dont les plus graves sont documentés, les responsables politiques ou administratifs au Gabon agissent en toute impunité, sachant qu’ils ne seront ni tenus pour responsables, ni inquiétés pour leurs actions. Cela crée un climat où la corruption et la mauvaise gestion des ressources de l’État prospèrent, car les acteurs ne craignent pas les conséquences de leurs actes.

Deuxièmement, l’absence de reddition de comptes peut également être attribuée à des structures gouvernementales faibles et à une méconnaissance des missions des entités établies pour contraindre les fonctionnaires à se plier à la reddition des comptes. Dans de nombreux cas, les institutions censées superviser les actions des responsables politiques et administratifs ne sont pas suffisamment indépendantes ou efficaces pour assurer une surveillance adéquate. On se demande souvent dans notre pays ce qui est fait des rapports de la Cour des comptes, qu’advient-il des rapports des enquêtes parlementaires, ou même quelle est l’importance d’une commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite ? L’idée répandue est que ceux qui détiennent le pouvoir peuvent facilement échapper à toutes formes de conséquences.

Enfin, le refus de rendre des comptes peut être enraciné dans des intérêts personnels ou partisans défendus par certains. Les responsables politiques et administratifs peuvent craindre que la divulgation de leurs actions passées compromette leur réputation ou leur position actuelle au sein de l’appareil politique ou administratif. Par conséquent, ils peuvent être enclins à occulter leur bilan et à éviter toute forme de reddition de comptes qui pourrait mettre en lumière l’ampleur de leur implication dans des actes de corruption.

Par exemple, le secteur pétrolier est sujet depuis de nombreuses années à toutes les tentations et péchés. La gestion des ressources naturelles du pays et des deniers de l’État a compromis la plupart des acteurs. Le Gabon possède d’importantes ressources, mais la transparence et la responsabilité dans la gestion de ces ressources ont souvent été remises en question. Les initiatives telles que « publiez ce que vous payez » ou même la très célèbre ITIE se heurtent à une opacité incompressible et insurmontable. Ce ne sont pas les injonctions des organismes internationaux ou même les recommandations du FMI ou de la Banque mondiale qui contraindront à la reddition des comptes. Les opérations de lutte contre la corruption et le détournement de fonds continuent d’alimenter la presse. C’est la preuve que les gens ne veulent pas reculer et ils sont déterminés à se servir dans les caisses de l’État.

Aussi, toujours dans l’escarcelle de ce refus de rendre des comptes, le manque de transparence dans le processus démocratique, notamment électoral, peut également être symptomatique de la situation que je décrivais plus haut. Les allégations de fraude électorale et d’abus de pouvoir peuvent souvent être attribuées à un manque de volonté de la part de nos dirigeants politiques de répondre de leurs actes devant le peuple et la justice gabonaise.

Nous avons fort à faire avec les mentalités actuelles. Comme je l’ai déjà affirmé, je ne crois pas trop à la capacité des hommes et des femmes qui ont franchi la quarantaine et plus, à changer de mentalités et à accorder un peu de respect au pays. Je pense que notre action collective doit s’articuler autour de notre jeunesse. C’est d’elle que sortiront les Gabonais exemplaires que nous recherchons désespérément. Au final, chacun de nous dans son périmètre d’influence, dépositaire de l’autorité de l’État, devrait être contraint à la reddition des comptes pour éviter de construire des passerelles qui mèneraient à la corruption absolue.

Paul Essonne

Journaliste

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