Nous sommes dans un monde qui nous prive, nous ampute dès l’enfance d’une initiation à notre véritable nature, qui est empathique, bienveillante, compassionnelle. La famille, le quartier, le village, le «nous» de l’appartenance sont malmenés et bien de ces offres sont affaiblies, débordées par des mécanismes, des écrans qui nous apprennent l’avidité, la compétition, une relation prédatrice vis-à-vis de l’autre et de la nature.
A ce propos, le chercheur Albert Jacquard déclare : « Il faut être violent contre la compétition. Il faut être violent contre la violence. Car au fond, être compétitif, ça veut dire quoi ? Ça veut dire vouloir passer devant un autre. Quels sont les grands personnages qui ont fait avancer la science ? Qui ont fait avancer la pensée humaine ? Ils n’étaient pas compétitifs.
Est-ce que Einstein était compétitif ? Absolument pas. Il ne se battait contre personne. Il n’avait pas envie d’arriver le premier. Il avait envie de comprendre les choses qu’il n’arrivait pas à comprendre et que les autres croyaient avoir compris mais ils avaient bien tort. Eh bien lui se battait contre lui-même.
La compétition, mais il faut y réfléchir un peu. Chaque fois que l’on accepte la compétition, on accepte de mépriser quelqu’un, de le détruire, et on est en train de se détruire soi-même. Un beau jour on perdra. Ce n’est pas sérieux, ni pour un Etat, ni pour une collectivité quelconque, ni pour un individu.
Etre compétitif, ça ne peut pas être le bon moteur. Il y a d’autres moteurs dans la vie. Et malheureusement, on nous raconte aussi que la sélection naturelle veut que les meilleurs gagnent. C’est faux, c’est jamais le meilleur qui gagne, on ne gagne pas. Simplement il faut survivre, il faut avancer, il faut être meilleur que soi-même. C’est complètement différent, quand est-ce qu’on l’aura compris ?
Je crois que, actuellement, le drame de la terre entière, c’est que la société qui domine, a pris comme moteur la compétition. C’est forcément un poison. »
Certains proposent même que l’agressivité se décline en sous-types: frustrative, défensive et offensive, chacun avec des influences génétiques et environnementales différentes. Quoi qu’il en soit, nous serions tous susceptibles de produire des comportements violents, une potentialité face à laquelle nous serions inégaux selon nos variations génétiques, sur lesquelles des environnements différents (prénataux, socio-éducatifs, culturels…) agiraient comme facteurs déclenchant. On pourrait par contre comprendre la violence issue de la frustration comme un comportement qui apparaîtrait avec l’émergence du sujet, construit avec lui, voire qui lui serait nécessaire.
Si l’on suit l’hypothèse génétique, celle-ci devrait s’inscrire dans la perspective de l’évolution des humains et des autres espèces, amenant à penser que si l’agressivité a été maintenue comme un caractère à travers l’évolution, c’est qu’elle constitue une nécessité qui devrait donc aussi comporter un bénéfice ou du moins un bénéfice plus important que les coûts, ou les pertes d’individus, par exemple à travers la compétition pour des ressources fondamentales (alimentation, espace, partenaire reproductif).
La violence serait donc plutôt issue de la confrontation de l’individu au monde, à son entrée en relation avec l’autre, du moins pour ce qui concerne la violence issue de la frustration: l’autre est nécessaire pour ma survie, mais dans le même temps il me menace dans la mesure où il peut me priver.