Mercredi 1er avril sur la chaine française LCI, un chercheur et un médecin français ont provoqués colère et indignation. Les deux hommes évoquaient en des termes maladroits voir insultants l’idée de tester un vaccin contre le coronavirus en Afrique. Ils ont finalement présentés leurs excuses. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a déclaré que le chercheur Camille Locht présentait ses excuses. Ce dernier souligne qu’il n’a tenu aucuns propos racistes, que les conditions de l’interview ne lui ont pas permis de réagir correctement. Son intention était selon lui d’affirmer que tous les pays devront pouvoir bénéficier des fruits de la recherche.
En face, l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP) pour laquelle travaille Jean Paul Mira a également réagi. Le Directoire de l’APHP se dit choqué par les propos du médecin, le médecin qui fait lui aussi son mea culpa : « Je veux présenter toutes mes excuses à celles et à ceux qui ont été choqué, qui se sont senties insultés par les propos que j’ai maladroitement prononcé ». En tout cas, la polémique est telle que le ministère français des Affaires Etrangères s’est exprimé en déclarant que les propos tenus sur LCI ne reflètent pas la position des autorités françaises. Et dans une volonté de marquer le soutien de Paris dans cette crise sanitaire, le Quai d’Orsay précise que le Président Emmanuel Macron s’est entretenu par visio conférence avec une dizaine d’homologues africains pour faire un état des lieux et voir comment appuyer les efforts du continent.
Qu’à cela ne tienne, beaucoup de rumeurs et de polémiques entourent le travail des chercheurs concernant la riposte au Covid-19, que ce soit par des traitements ou des vaccins. Or, pour savoir ce que recouvre vraiment un essai clinique et être sûr qu’il est mené dans le respect de toutes les règles d’éthique, le mieux est encore d’avoir contribué à le concevoir et à le mettre en œuvre. En effet, les chercheurs qui ont mis au point un essai clinique doivent rédiger un protocole soumis à la validation du comité national d’éthique avant le début de l’essai. Il faut donc que les chercheurs et médecins africains eux-mêmes s’emparent du dossier et ne s’exclut pas en externalisant les responsabilités !
Selon Nathalie Strub-Wourgaft, Directrice de l’unité des maladies tropicales négligées au Drugs for Neglected Diseases Initiative (DNDI), une organisation de recherche indépendante basée à Genève et l’une des initiatrices du projet de Coalition pour la recherche clinique sur le Covid-19, « le problème actuellement n’est pas la mise en place d’essais cliniques concernant le Covid-19 en Afrique, mais bien leur absence… »
A part les essais prévus au Burkina Faso et au Sénégal concernant la chloroquine et l’apivérine, l’Afrique est actuellement peu intégrée dans les stratégies de recherche mondiales sur plusieurs domaines y compris le Covid-19. Or, s’agissant de la santé, l’Afrique dispose d’une véritable richesse en termes de plantes médicinales. Plus de 1000 plantes à propriétés antivirales reconnues ont déjà été recensées au CERMA (Centre d’études et de recherches Médecins d’Afrique). Beaucoup ont été testées in vitro, mais trop peu d’essais cliniques qui auraient dû valider leur utilisation en tant que phytomédicaments ont été menés. C’est l’occasion de faire le plaidoyer auprès des pouvoirs publics pour accélérer la recherche, quitte à simplifier les procédures administratives, dès lors que l’innocuité des médicaments testés a été validée (DL50 et toxicité sub-chronique).
D’après le Dr Jean Théophile Banzouzi, Directeur Exécutif de Médecins d’Afrique, cette crise nous apprend qu’il faut de plus en plus des initiatives locales pour faire progresser la santé en Afrique, avec des équipes autonomes, afin de rétablir la relation de confiance entre les patients et l’offre de vaccins et de médicaments. Trop souvent ces initiatives de recherche fondamentale et appliquées ont été bloquées par le manque de ressources, de soutien des institutions nationales et internationales, la mystification des technologies, le manque de promotion des technologies adaptées aux réalités africaines, etc. La crise actuelle montre que nous n’avons pas pu encore réussi à faire émerger des solutions endogènes suffisantes. Or, il ne faut plus se laisser bloquer par le manque de moyens et toutes ces contraintes. L’Afrique doit libérer son potentiel en mettant en œuvre une stratégie des « petits pas » pour consolider, au fur et à mesure, des résultats basés sur les preuves pour faire aboutir des solutions thérapeutiques endogènes et discuter d’égal à égal avec les confrères des laboratoires du Nord et d’Asie. Des nombreuses initiatives locales existent déjà, il faut communiquer autour d’elle et avancer dans la fédération de ces initiatives pour harmoniser les protocoles, mutualiser les moyens et générer l’émulation créatrice entre les chercheurs.
Communiquer sur les initiatives positives qui marchent de cette Afrique qui bouge est une forme de thérapie de choc pour réarmer mentalement et psychologiquement la jeunesse africaine pour libérer son potentiel infini. Tout est possible, tout est devant, l’Afrique peut rompre la chaîne de la fatalité. Le monde a besoin de l’Afrique, car l’humanité est une et indivisible. Cap vers la science, cap vers la connaissance, cap vers la mutualisation des moyens et l’Afrique avancera.