« Ô vérité aux lumineux éclats, qui d’autre est comme toi ? » par François ESSONO OBIANG.

Dans la lugubre nuit noire, un étrange cortège funèbre se faufile dans les tréfonds de la forêt. Il y a là : hommes du Roi, inquisiteurs, mousquetaires, ministres divins, tartuffes, bouffons, bourreaux, pioupious et troubadours. Unis par une même raison : ensevelir à tout  jamais Dame Vérité.

Convaincus et heureux d’avoir fait rendre gorge à cette pie, aimant à narrer à tout va les affaires royales secrètes, ils se frottent les mains. A la queue leu leu derrière un corbillard doré, ils promettent réserver de somptueuses funérailles à cette mégère, oublieuse du sacro-saint principe selon lequel toute histoire n’est pas bonne à conter, surtout s’agissant de la couronne.

Esprits, faune et flore, s’étonnent de cette nocturne procession macabre. Ils observent tout placides, des fossoyeurs sommés de creuser très profonde la dernière demeure de la victime. Ils ne veulent rien rater de cette scène avec des acteurs aux mines plutôt patibulaires. Ils remarquent dans cette longue file, des hommes masqués portant cravaches et francisques ; mais aussi des bourses bien pleines. Ils se racontent, l’air hilare, la mise à mort de la pauvre Dame. Ils se gargarisent de l’avoir ligotée à une potence ; mains dans le dos et bouche cousue au fil de fer, afin de ne crier, ni gigoter sous la douleur des coups assénés. Une fois passée de vie à trépas, ils l’ont haché menu comme chair à pâté, afin de s’assurer de sa définitive disparation. ‘’C’est donc Dame Vérité qu’ils viennent inhumer en ces lieux sacrés. Qu’ils fassent selon leur désir, ils seront bien surpris quand le phoebus se pointera à l’orient’’, se disent les silencieux témoins amusés.

Des morceaux de chair sanguinolents sont sortis du riche fiacre, puis jetés avec mépris dans la fosse par des pioupious à cette tâche assignés. Ils y déversent de la gangue au dessus de laquelle ils étalent une forte couche de granit. Comme si cela ne suffisait point, ils y ajoutent une belle chape de plomb. Et encore une dose de gangue recouverte de feuilles mortes, pour que nul curieux ne remarque la sépulture. ‘’On peut dire que cette diablesse a eu un bel enterrement. Bon débarras!’’, clament-ils à l’unisson. Ils promettent d’organiser un gai carnaval dans la journée, pour célébrer en grande pompe la victoire de la tromperie sur l’évidence.

Dès les premières lueurs du jour, la faune et la flore sont secouées par de forts bruits venant de l’invisible sépulture. On dirait un grondement précédant une irruption volcanique. Les initiés y reconnaissent la manifestation d’Héphaïstos. Des colonnes de lave giclent de toutes parts, projetant au dessus de la cité des morceaux de chair nuitamment ensevelis. Ils volent l’un vers l’autre, pour recomposer à la perfection le corps déchiqueté. Soudain Dame Vérité reprend ses formes, illuminée par l’astre solaire, plus radieuse que jamais. Ses adeptes se réjouissent de cette miraculeuse résurrection qui sème la confusion et la peur parmi les criminels à la langue fourchue. Ils chantent en chœur :

‘’ O verum est ut lux erit cornua, et aliud similis tibi?’’

(Ô Vérité aux lumineux éclats, qui d’autre est comme toi ?)

François ESSONO OBIANG

Paul Essonne

Journaliste

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