Dans le cadre de son projet de suivi de l’application de la loi vis-à-vis des activités communautaires, une mission mensuelle de l’ONG Conservation Justice a séjourné dans les départements de la Douya Onoye (Mouila), de Ndolou (Mandji) et de Tsamba-Magotsi (Fougamou), dans la province de la Ngounie (sud du Gabon) du 7 au 15 décembre dernier.
Après la collecte des informations auprès de l’administration et des communautés villageoises, le constat du non-respect des obligations sociales et des conditions d’exploitation par certaines sociétés forestières qui exercent dans ces regroupements de villages a été confirmé. Outre le cas de difficultés dans de nombreuses Forêts Communautaires, cela concerne aussi le non-respect des Cahiers des Charges Contractuelles.
Dans le département de la Douya-Onoye (Mouila), on note des relations tendues entre la communauté du regroupement du village Mokabo, l’administration et la société Gabon Wood Industrie (GWI). Depuis plusieurs mois, cette communauté qui a signé un cahier de charges contractuelle avec GWI en mai 2017 dénonce le manque de transparence de la gestion du Fond de Développement Local (FDL). Ce dernier, d’un montant important de 72.465.068 FCFA, correspondant aux productions des années 2014, 2015 et 2016 soit 90.581,336 m3 exploités.
La pomme de discorde serait liée aux dépenses effectuées par l’entrepreneur sélectionné par GWI. Les justificatifs de dépenses d’un montant de 56.000.000 FCFA pour l’achèvement des travaux du pré-primaire, du logement du directeur et de la construction du bureau de l’école par un tâcheron choisi par GWI seraient manquants. Et la qualité des travaux laisse à désirer selon les représentants de la communauté qui ont décidé de ne plus prendre part aux réunions du CGSP (Comité de Gestion et Suivi des Projets) présidé par le Préfet de la localité. Les représentants sous la pression de la communauté demandent maintenant l’intervention du Gouverneur. Actuellement, la communauté est en attente de la réfection du dispensaire (4.994.250 FCFA), de l’achat d’un disjoncteur pour le groupe électrogène (320.170 FCFA), et de l’achat de médicaments de première nécessité (1.634.170 FCFA), soit un total de 6.948.420 FCFA.
Dans la localité de Ndolou (Mandji), l’exploitation forestière est assurée par les sociétés Forestry Development GABON (FDG), Gabexfort (OBG) et Bois et Menuiserie du GABON (BMG). Les cahiers des charges contractuelles ont été signés entre les opérateurs et les communautés villageoises. Mais la situation paraît opaque et non conforme. Il existe des interrogations sur le respect des points contenus dans un cahier des charges légal, les communautés ne connaissant même pas le montant du Fonds de Développement Local qui doit favoriser leur développement.
Dans l’arrêté 105/MFEPRN/SD/DGF/DDF/SACF du 6 mai 2014 fixant le modèle de cahier des charges contractuelles, le fond de développement local qui doit être perçu par les villageois est obtenu en fonction du cubage exploité annuellement par les sociétés forestières (800 FCFA/mètre cubent exploité). Or, les documents qui ont été signés entre les opérateurs et les villages impactés à savoir Lambaréné-kili, Kanana, Massana et Fanguindaka, ne présentent aucune production et aucun montant mensuel ni annuel pour ces différentes sociétés.
En d’autres termes, les populations villageoises ne connaissent pas avec exactitude le montant global du fond de développement local qui doit leur être attribué tout au long d’une année d’exploitation. Pourtant, ces opérateurs économiques exercent depuis quelques années déjà. Aussi, il est clairement établi que la contribution financière pour le fonctionnement du Comité de gestion et de Suivi des projets (CGSP) varie de 3% à 5% en fonction de la production globale par an. C’est-à-dire que ce montant peut varier d’une année à une autre. Les cahiers des charges qui ont été signés entre les sociétés BMG, GABEXFORT et les communautés villageoises de Lamaréné-Kili, Kanana et Massana, les productions, les montants alloués aux appuis ponctuels, les finages ne figurent pas.
L’opérateur BMG a signé un cahier des charges contractuelles avec ces communautés dans lequel il stipule que les frais de fonctionnement du CGSP sont tirés du fond de développement local, et représente pour la première année de signature 500.000 FCFA. Or, la production annuelle n’est pas connue ce qui constitue un manquement évident par rapport à la législation.
Par ailleurs, lors d’une mission de vérification du site d’exploitation de la société BMG initiée par les agents des Eaux et Forêts de Mandji, plusieurs infractions ont été enregistrées : l’absence de limite, le non-respect de diamètre minimum d’exploitabilité, des coupes en dehors des limites autorisées, l’absence de marquage des culées et des souches, et donc le non-respect des dispositions de l’article 251 du code forestier relatives aux cahiers des charges contractuelles.
Ces quelques exemples ne sont malheureusement pas des exceptions mais plutôt des cas habituels. De manière générale, seules quelques sociétés forestières, en particulier celles qui sont certifiées par des labels de gestion durable et de traçabilité, respectent réellement la législation forestière, notamment en matière d’appui aux communautés.