« Mensonge d’État au Gabon » dixit Al.Nguia Banda.

J’ai écouté très attentivement l’intervention de Mr Ali Bongo Ondimba devant un aréopage d’oligarques venus encenser leur bienfaiteur, de groupes de danseuses gratifiées de cinq mille (5 000) francs CFA et d’un pagne à effigie du distingué camarade et surtout de nombreux badauds habillés en tee-shirt et en quête de mille(1 000) francs CFA, formant une foule hystérique.

Emboîtant le pas aux brillantes analyses de mes cadets Jean Gaspard Ntoutoume Ayi et Norbert Epandja, ma contribution portera essentiellement sur trois points :

1 Le retour au scrutin majoritaire à un tour. 

Ce mode de scrutin est véritable recul de la Démocratie qui traduit la frilosité du pouvoir devant sa prochaine défaite électorale  annoncée.Un acteur politique élu sur la base de ce scrutin ne dispose d’aucune légitimité pour gouverner un pays.Généralement aucun candidat ne peut avoir la majorité absolue, c’est-à-dire 50+1.Sauf en 2016 où le vote sanction et de rejet du pouvoir avait abouti à la brillante élection du candidat Jean Ping par un score stratosphérique de 67%.

Politiquement, le scrutin majoritaire à un tour n’est pratiqué que dans les régimes parlementaires monistes à la Représentation proportionnelle approchée ou intégrale. Dans ce système politique, le Roi ou le Président de la République règne mais ne gouverne pas. C’est le chef du parti majoritaire aux élections législatives devenant Premier Ministre qui gouverne au cas où il dispose d’une majorité absolue.Il peut également constituer un Gouvernement de coalition formé à partir des similitudes et des convergences programmatiques ou de la proximité idéologique ou doctrinale.

L’inquiétude d’une nouvelle et redoutable défaite électorale se caractérise par des manoeuvres politiciennes infâmes. En effet, en 2016 après la déculottée électorale et le massacre des jeunes au quartier général du candidat victorieux, son excellence Mr Jean Ping Okoka, le pouvoir, comme  à son habitude, avait initié un dialogue politicien avec l’opposition du pouvoir. A l’issue de ce triste dialogue, le scrutin majoritaire à un tour a été abandonné :ce fut le retour au scrutin majoritaire à deux (2)tours. Comme toujours à son habitude, la Constitution qui est devenue un véritable paillasson a été une fois de plus révisée pour ramener le scrutin majoritaire à deux tours.

Le yoyo politicien continue à rabaisser le prestige de la République.Sans même que les nouvelles  élections soient organisées sur la base de cet ancien / nouveau ancien / nouveau scrutin majoritaire à deux tours, le pouvoir sentant sa prochaine bérézina électorale va organiser encore a une parodie de dialogue avec comme point d’orgue le retour au scrutin majoritaire à un tour et une nouvelle  révision constitutionnelle.

Par ses sempiternelles manoeuvres dignes d’une République cosmétique, le pouvoir démontre qu’il ne peut gagner honnêtement une élection. Le tripatouillage et les baïonnettes au canon constituent lamentablement leur projet de société.

2  Le bilan de 14 ans de pouvoir absolu. 

Après 14 ans de pouvoir absolu couronné d’échecs sans précédent, Mr Ali Bongo Ondimba devait adopter un profil bas en évitant d’étaler  d’autres promesses dont l’incongruité le discréditerait davantage.

En parlant lapidairement de son bilan, il n’a pas hésité à ressortir son Moi supersonique d’autocongratulation abjecte. Ainsi il va déclarer sans gêne : » Depuis 2016 notre pays a énormément progressé dans tous les domaines « .Ah bon Mr Ali, un peu de modestie et d’humilité. Le Gabon a vraiment progressé. Vous vivez dans quelle planète?

La régression du Gabon est abyssale. Le secteur de l’Education est un terrible désastre : aucune école primaire, aucun collège, aucun Lycée n’a été construit; tous les internats qui sont aussi des lieux de sociabilité, de rencontre entre les jeunes venus de différents horizons du pays n’existent plus,les bourses des élèves n’existent plus. Les Universités et les grandes Écoles sont complètement sinistrées. Aviez-vous vu l’état dans lequel se trouve l’USTM? Que dire des résidences universitaires qui dont fermées, les bibliothèques qui ne sont plus achalandées,le corps professoral qui travaille et qui vit dans des conditions misérabilistes.

L’école, c’est l’âme et le coeur battant de la République.

La Santé qui est la soeur  siamoise de l’Ecole est dans un état tragique.Là aussi, aucun dispensaire, aucun hôpital  n’a été construit à l’intérieur du pays ; les très rares structures existantes manquent de tout :pas de plateaux techniques, pas de médicaments, les femmes accouchent à même le sol et dorment par terre avec leurs nouveaux nés, faute de lits, le personnel médical mal rémunéré et n’a aucune considération comme leurs collègues de l’Education nationale.

Que dire des Transports qui sont dans un état cataclysmique. Trouvez vous normal qu’un pays comme le Gabon ne dispose pas d’une compagnie aérienne, d’un chemin de fer à une seule voie avec de vieux Corails  constamment en déraillement, de vieux bateaux semant la mort.

La politique du logement est une grande supercherie. Ou en sommes nous avec la construction de cinq mille (5 000) logements par an.Les gabonais meurent comme des chenilles dans de logements de fortune, perdent leurs petits mobiliers en temps de pluie.

Que pensez-vous de la précarité, de la pauvreté galopante qui poussent les populations à se ravitailler dans les décharges publiques et les bords des trottoirs. Et le chômage systémique et quasiment incompressible des jeunes en déshérence  qui évolue de façon exponentielle.

Je m’arrête.

A force de faire des promesses irréalisables, d’escamoter les réalités, on perd en crédibilité et le prestige de la fonction est rabaissée.

3 Le Mensonge d’État. 

Un jour inédit, mémorable. Ce Dimanche 02 Avril 2023  restera gravé dans les annales politiques du Gabon. En effet, ce jour Mr Ali Bongo Ondimba livre une déclaration insolite devant un parterre de partisans. Parlant de sa maladie et surtout de son absence dans l’accomplissement de ses activités politiques, il jette un véritable pavé dans la mare: » J’ai été victime d’un accident.Je ne me souviens plus tellement bien de la manière dont celà s’est passé… Mais je suis bien accueilli, cet acceuil me touche, elle me touche beaucoup…Mais je sais que celà va être pareil dans toutes les Provinces. Jamais je n’ai été aussi bien accueilli malgré cinq (5) ans d’absence « . Tout est vraiment clair, limpide. L’analyse politique et juridique doit être claire et dénuée de tout subjectivisme, d’esprit de critique et de passion.

Par cette déclaration publique suscitant humainement de l’émotion, de la compassion voire de la pitié, l’on peut se poser cette question lancinante. Pourquoi l’article 13 ancien de la Constitution ( loi no 04 7/2010 du 12 .01.2011) relative à la Vacance n’a t il pas été mis en mouvement malgré la saisine de la Cour Constitutionnelle par le Premier Ministre d’alors Emmanuel Issozet Ngondet ?

Le refus d’appliquer cette disposition par les autorités habilitées, notamment le Parlement, la Cour constitutionnelle, la Vice Présidence de la République et le Cabinet du Président de la République constituerait il un déni de Justice pouvant être qualifié de forfaiture, de concussion ou de haute trahison ? Pourquoi avoir modifié subrepticement ou insidieusement le sens de cet article et introduire la notion de  » Indisponibilité temporaire   » sans en fixer la temporalité ?

Y a-t-il eu Mensonge d’État ?

Un mensonge d’État est une forfaiture, une concussion et une haute trahison commises par une personne dépositaire d’une parcelle de l’autorité publique. En Droit, une forfaiture est une infraction dont un fonctionnaire, un agent public, un magistrat ou une personne investie d’une mission de service public se rend coupable dans l’exercice de ses fonctions en commettant des crimes ou des délits qui violent les devoirs essentiels de sa charge.

Eu égard à ces deux définitions, peut on parler de forfaiture, de concussion ou de haute trahison ?

Deux cas se présentent.

Premier cas. En déclarant qu’il était absent pendant cinq ans, peut on dire qu’Ali Bongo Ondimba a commis une forfaiture ?

Non. Dans son état maladif, Ali Bongo Ondimba n’avait même pas un minimum de discernement. C’était un inconscient. Ces capacités physiques, physiologiques, sensorielles, psychiques étant altérées, il devenait  juridiquement un incapable. A ce titre, il bénéficie des excuses atténuantes d’incapacité et d’irresponsabilité.

Deuxième cas.Toutes les autorités, notamment la Vice-présidence de la République, le Gouvernement d’après celui d’Emmanuel Issozet Ngondet, les Parlementaires, la Cour Constitutionnelle, le Cabinet du Président de la République qui ont gérées frauduleusement les Affaires de la République et qui ont posées des actes administratifs illégaux ont commis un crime de forfaiture. Ils ont manifestement violé l’ancien article 13 de la Constitution, ont manifestement abusé de leurs pouvoirs, ont manifestement fait fi de leurs devoirs de neutralité, ont manifestement modifié subrepticement la Constitution et ont manifestement exercé  un trafic d’influence pour préserver les intérêts partisans et égoïstes.

Que faire?

Aux Hommes politiques de tous bords d’en tirer les conséquences car il s’agit du fonctionnement de la République. Cette situation transcende les clivages politiques.

Al.Nguia Banda, exilé politique, Dr en Droit, DEA d’Histoire des Idées politiques, France.

Paul Essonne

Journaliste

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *