Il y a longtemps qu’au Gabon, le locataire du palais rénovation n’est plus la personnalité la plus puissante de ce pays. D’abord parce que sa légitimité a été sérieusement endommagée par les événements d’août 2016, qui n’ont à ce jour ni révélé toutes ses facettes, ni amorcé les réparations qui aboutiraient à une réconciliation nationale. Depuis ces malheureux événements, les gabonais assument de camper sur leurs positions et les multiples tentatives d’apaiser la situation ont accouché d’une souris, le pouvoir ne voulant pas reconnaître que le seul interlocuteur qu’il devrait avoir dans ce dossier, est celui qui est arrivé « officiellement » deuxième à cette élection présidentielle. Ni le débauchage autour de ce dernier, ni même le programme de soumission et d’humiliation dénommé « fusion-absorption », n’aura permis d’apaiser les tensions aussi bien que les accusations.
Autre chose, ce n’est pas le simple fait d’être assis sur le fauteuil présidentiel qui confère une certaine forme d’autorité. Aujourd’hui, si l’on veut être réaliste, l’autorité au sommet de l’Etat est par terre. C’est bien pour cela que les accusations de manipulation et d’usurpation du pouvoir se font entendre, et de la bouche des détracteurs du régime et des murmures des courtisans du même pouvoir. Le pouvoir doit être incarné par un homme d’actions, qui livre quotidiennement des chantiers constituant des réponses aux difficultés des gabonais. Or, malgré la propagande zélée des applaudisseurs du pouvoir, il semble que nous soyons bien loin de cette hypothèse. Enfin toujours sur le pouvoir, l’homme qui l’incarne doit être une source d’inspiration pour ces milliers de jeunes gabonais à la recherche de modèles. Encore-là, il est clair qu’il y a longtemps que ce n’est plus le cas. Par conséquent, il ne peut à la lumière de ce que je viens de dire, être l’homme le plus puissant du Gabon, susceptible de peser dans la prochaine élection.
Qui serait donc cet homme, qui selon moi serait presqu’un acteur majeur de l’élection présidentielle prochaine, parce que détenant dans ses mains une grande partie des éléments qui confèrent à notre pays sa souveraineté ? Il y a quelques compatriotes qui sont des hommes d’affaires à succès mais de mon point de vue ne peuvent être considérés comme des « hommes puissants » dans ce pays. Ils sont riches mais pas puissants. Lorsqu’on a réussi à être le manager d’une grande banque devenue africaine et qu’on enfile les récompenses à l’international, on est certes un homme d’affaires qui compte mais pas suffisamment puissant pour peser, encore faut-il en avoir l’envie. L’homme le plus puissant de notre pays qui pourrait peser dans la prochaine élection présidentielle ne sera certainement pas tiré du top management d’un groupe qui nous vend des produits de première nécessité. Il peut susciter de l’admiration mais je ne crois pas que cette activité puisse conférer à ce compatriote le poids nécessaire pour peser dans la prochaine élection.
Mon intime conviction est la suivante : L’homme le plus puissant du Gabon, à même d’orienter l’issue d’une élection parce qu’il ne peut pas se permettre d’autoriser un revirement de situation inattendu, est un homme qui pèse en milliards d’investissements et ce dans les secteurs vitaux de l’économie gabonaise autant que dans les secteurs de souveraineté de notre pays. Quand un homme détient à lui tout seul le port d’un pays et l’aéroport (les frontières), c’est-à-dire qu’il s’arroge un droit de regard sur les airs, les océans et mers de notre pays, cet homme a entre ses mains un sacré pouvoir. Quand le même homme a entre ses mains la quasi-totalité de la forêt gabonaise en exploitation avec un réseau de transport exclusif pour évacuer les grumes, cet homme a entre ses mains un sacré pouvoir. Quand le même homme a entre ses mains le titre foncier de plus d’un millier d’hectares et la seule vraie zone économique du pays avec à la clé un régime fiscal privilégié, c’est-à-dire 0% de taxes sur 15 ans, cet homme-là a entre ses mains un sacré pouvoir. Quand un homme a la possibilité de nous faire manquer d’huile au point d’avoir créer une crise nationale et des difficultés pour l’ensemble des ménages gabonais de faire cuire quoi que ce soit, cet homme a entre ses mains un sacré pouvoir.
L’homme que je viens de décrire, est à mon sens l’homme le plus puissant du Gabon, celui qui emploie le plus de gabonais aux dires des propagandistes, qui pèse sérieusement dans l’économie et la vie des gabonais, et qui a investi des centaines de milliards à lui tout seul. L’investissement est si important qu’il ne peut pas se permettre de ne pas anticiper sur un événement aussi important qu’une élection présidentielle. Imaginons un seul instant qu’il y ait un changement de régime dans quelques mois, il se retrouverait dans une sacrée situation parce que le nouveau tenant du pouvoir pourrait ne pas cautionner qu’un seul homme ait une telle puissance dans l’économie d’un pays. C’est pour cela que des voix se sont souvent élevées pour dénoncer la concentration d’un tel pouvoir entre les mains d’un seul individu, le monopole ou la propension à la boulimie dans les investissements directs étrangers (IDE). Voilà selon moi l’homme le plus puissant du Gabon, qui a de si grands intérêts en jeu dans ce pays. Au moindre soubresaut, il ne trouvera plus le sommeil. Son avis pourrait compter et peser dans la vie politique de notre pays même si certains naïfs pourraient venir nous expliquer le contraire. Enfin, il se pourrait qu’un tel personnage ne soit pas un grand défenseur de la démocratie et qu’il n’envisage même pas l’alternance. Voilà mon avis mais je souhaite vivement me tromper sur cette question.
Jo Dioumy Moubassango, homme politique.