Sahel est un mot d’origine arabe remontant à la période médiévale signifiant rivage d’une mer de sable sillonnée par les bateaux-caravanes des arabes qui ont transporté les marchandises, les hommes et les idées pendant de nombreux siècles entre les pays méditerranéens et l’Afrique noire. Le duo Sahara-Sahel a donc une origine et une histoire commune. Le Sahara n’a pas toujours été le plus grand désert chaud de la planète.
Il y a 15 000 ans, il a connu une période verdoyante puis un changement climatique (CC) important s’est produit vers 8000 consécutif à une baisse de la pluviométrie qui a occasionné un asséchement des lacs et des mers intérieures. Le Sahel est donc apparu à ce moment-là dans une zone très faiblement peuplée. Les ruminants domestiqués remplacent les animaux sauvages. Activités agricoles et pastorales émergent dans un écosystème qui régresse. La domestication du zébu puis du dromadaire et l’agriculture au néolithique ont été des mesures d’adaptation majeures des hommes à l’évolution climatique de la zone.
Les rapports du GIEC (2007, 2011 et 2012) ont montré que l’Afrique est le continent le plus vulnérable au CC qui entraînera des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes tels que sécheresse, inondations, montée du niveau des mers et érosion des côtes et tempêtes. Les pressions anthropiques sur les ressources naturelles (forêts, savanes, plaines inondées, eau des fleuves et des mares) entrainent une baisse des services rendus par les écosystèmes qui se manifestent par moins de capture de CO2, une baisse des quantités et de la qualité de l’eau et des rendements des sols. Le CC, la croissance de la population et l’évolution des tendances de consommation exercent une pression supplémentaire sur les ressources naturelles de l’Afrique (BAD 2012).
L’analyse des données satellitaires recueillies de 1982 à 2016 montre une hausse constante du nombre d’épisodes extrêmes, 3 à 4 fois plus fréquents qu’il y a 35 ans. Les capacités de charge des écosystèmes ont atteint leurs limites ou les ont dépassés dans certaines régions densément peuplées (bassins fluviaux et autour des capitales) occasionnant des crises et des mutations dans les organisations sociales et les pratiques agraires et pastorales pour s’adapter et/ou atténuer les impacts du CC.
La pression sur les ressources est source de conflits qui ont augmenté et partout, se sont aggravés. Autre conséquence du CC, les migrations temporaires ou définitives dans les pays de la sous-région et, dans une moindre mesure vers le Maghreb et l’Europe. Les migrations se font vers les zones créatrices d’emplois comme les villes provinciales africaines, les capitales, les zones minières et côtières. Les principaux pays d’accueil sont les pays côtiers humides africains, Nigeria en tête qui totalise 30% de la population de la sous-région. Il est suivi par l’Ethiopie 20% qui constitue pour l’est un autre pôle d’attraction humaine, et dans une moindre mesure Côte d’Ivoire et Cameroun. Les migrations interafricaines demeurent la principale stratégie d’atténuation des effets du CC des populations jeunes et pauvres à la recherche d’opportunités économiques pour faire face aux difficultés d’accès aux ressources dans leurs zones d’origine. Les migrations vers le Maghreb et l’Europe sont minoritaires (20% des migrations) mais elles attirent une forte attention des pays Européens en raison de la crise sur les migrants.
Le futur du Sahel en termes de précipitation est incertain. Des climatologues allemands prévoient une augmentation des précipitations consécutive à la hausse des températures sur la planète, qui, loin d’assécher la bande du Sahel, risque comme par le passé, de provoquer des arrivées d’eau massives qui risque de présenter également un risque d’adaptation majeur, car la pluie, en tombant, relâche à son tour de la chaleur, transformant le processus en cercle vicieux. Les pluies en devenant plus violentes sur des sols davantage mis à nus, inondent, ravinent les sols et ravagent les cultures.
Le Sahel a suffisamment de recul en matière de climat pour tirer les leçons du passé et introduire des innovations permettant de rendre résilients les écosystèmes et les populations face aux CC. Le CILSS a mené une étude d’impact sur les mesures d’atténuation et d’adaptation aux CC (2005) qui ont démontré que les investissements dans les projets rendant les écosystèmes plus résilients aux CC sont rentables économiquement et socialement en améliorant le couvert arboré et forestier et les ressources en eaux souterraines et en fixant les populations rurales. Il est donc essentiel d’aider les pays sahéliens à accéder aux diverses ressources sur le Climat car ils sont à la traine par rapport à l’Asie et l’Amérique du Sud.
La priorité pour le Sahel est d’enrayer le mouvement de dégradation des ressources naturelles en augmentant le niveau de biomasse et en impliquant et responsabilisant davantage les communautés locales dans les actions forestières : programme de régénération naturelle améliorée, agroforesterie, irrigation et technologies économes en eau (GàG sur les arbres notamment), etc. L’accès à l’eau et à l’énergie pour tous est aussi une priorité pour faire face aux CC. Le développement des énergies vertes et des filières agro-énergétiques pour valoriser les plantations forestières permettrait de créer des pôles de croissance. L’agriculture intelligente face au climat est également une mesure d’atténuation des risques climatiques.
En matière d’irrigation, une nouvelle génération de périmètres maraicher mérite de voir le jour au Sahel en agrandissant les surfaces aménagées pour les faire passer de 1-2 ha à des domaines agro-forestiers de 10 – 15 ha sécurisés et clôturés s’apparentant à des oasis créatrices d’emplois pour les jeunes. Ceci permettrait de concentrer la production, diminuer les coûts de collecte, faciliter l’accès au foncier irrigué et aux services (stockage, commercialisation, information et énergie) en particulier pour des jeunes. Les territoires rendus davantage productifs crée des bassins d’emploi qui permettent de fixer les jeunes sahéliens.
Le défi est enfin d’améliorer la gouvernance environnementale en parvenant à articuler les niveaux local, national, régional et continental pour coordonner et créer des synergies gagnantes afin de mieux impacter sur la vie des populations sahéliennes, d’améliorer la performance des services publics en matière de gestion de l’environnement (surveillance, production d’information stratégique, normes et réglementation), d’assurer le suivi des indicateurs climatiques et de faire le plaidoyer des plans d’action au niveau international.
Par Bangui Cécile