Le débat de Missélé eba’a: Le retour de manivelle a commencé.

En Occident, il est rare qu’un sujet qui froisse les codes diplomatiques soit abordé de manière hasardeuse. Aussi, on devrait se demander pourquoi, à peine revenu de Bruxelles, après le sommet Union Européenne – Union Africaine, le site d’information Mediapart a pondu un article au vitriol sur le président gabonais, Ali Bongo Ondimba?

S’il y a une chose qui est certaine, c’est que cette publication de Mediapart vise un objectif bien précis qui dépasse le simple folklore habituel des biens mal acquis. Aussitôt une première question s’impose: (1) Ali Bongo Ondimba n’aurait-il pas effectué le voyage de trop? Rien n’est moins sûr.

En effet, après les images peu dynamiques de la rencontre à l’Élysée, puis celles observées lors du récent déplacement à Bruxelles, dans l’entendement des dirigeants occidentaux, ce n’est pas ce type de spectacle que devrait renvoyer un chef d’état. Autrement dit, au lieu de voir un homme qui fait des efforts pour lutter contre sa nouvelle situation physique, et peut-être sa nouvelle condition mentale, comme le veulent tous ceux qui profitent pour des raisons diverses de cet état de fait, ils y voient un individu qui s’accroche coûte que coûte au pouvoir. Ce qui n’est pas du tout positif.

Voici où les apprentis sorciers et les manœuvriers de la petite semaine entraînent Ali Bongo Ondimba. A force de trop vouloir tirer sur la corde, on finit par la casser. Et à ce jeu, ce n’est pas seulement l’équipe d’Ali Bongo Ondimba qui pourrait trinquer mais bien tout l’équipage du pouvoir en place qui aurait accompagné cette démarche peu commode. Il n’est alors pas exclu que, plus qu’un clin d’œil, une poignée de main très chaleureuse ait été déjà tendue à l’opposition. Quid de la sortie politique de Jacques Adiahenot? Quid de la réapparition étrange de Jean Ping?

(2) La colère, la rancune et la sanction du monde occidental, Jean Ping peut écrire des livres. Avec le temps, les gabonais ont très bien compris pourquoi ce dernier n’a jamais réussi à prendre le pouvoir, lui qui a pourtant tutoyé les grands décideurs de ce monde. La réalité est qu’il paie le prix de l’affront qu’il avait osé faire à l’Occident sur la question de Mouammar Kadhafi. En d’autres mots, il a cru qu’il était autorisé à prêcher la bonne nouvelle en enfer, mais hélas. Et dire qu’il savait pourtant que cet univers a ses codes et sa propre morale.

En s’abstenant lors du vote sur la question ukrainienne, le président du Gabon, fragilisé par la maladie, s’est mis inutilement à dos les grands fauves de l’Occident. Car, dans ce combat des grandes puissances, s’abstenir est tout simplement synonyme de prendre partie pour l’adversaire. Et cet acte n’est non seulement pas toléré mais en plus il est sans conteste un véritable casus belli à assumer.

D’où le retour de manivelle avec cette cabale médiatique bien orchestrée qui a au moins trois objectifs: (1) préparer l’opinion publique sur leur projet politique contre le pouvoir gabonais. A offense publique, sanction publique. (2) Déstabiliser Ali Bongo et les siens. De sources concordantes, certains d’entre eux, ne bénéficiant d’aucune immunité, auraient déjà été convoqués par un juge français pour plusieurs chefs d’accusation. A ce niveau de la frustration occidentale, une mise en examen ou une condamnation ferme de son entourage immédiat n’est pas à exclure. (3) Les occidentaux ne prennent jamais de risque à un certain niveau de pouvoir ou de combat. Aussi, afin de s’éviter de telles farces de mauvais goût lors des prochains votes au conseil de sécurité de l’ONU, ils agiront dans le sens qui arrangera leurs programmations du monde. Comprendra qui pourra.

En plus de cette question des biens mal acquis que le chef de l’État a toujours réfuté, laissant Omar Bongo Ondimba et ses autres enfants en porter la pleine responsabilité, il y a l’épineuse question des désormais otages français au Gabon. Et là, ça fait trop. Tel que le rouleau compresseur a été mis en marche, il sera difficile pour le pouvoir en place de tenir droit dans ses bottes. La sagesse aura-t-elle définitivement foutu le camp dans les rangs du pouvoir? Ne voient-ils pas le danger qui arrive à grands pas?

Toute succession de pouvoir n’est justifiée que par une réelle volonté de rupture. Et sur cette question, seuls les acteurs de l’opposition appartenant au système l’ont clairement exprimé. C’est à ce niveau qu’il est de plus en plus difficile de penser que, pour la conservation du pouvoir par le pouvoir en place, tout se passera comme une lettre à la poste. Plus que jamais, ceux qui, dans les rangs du pouvoir ambitionnent occuper le fauteuil présidentiel, gagneraient à s’inscrire dans un esprit de rupture. Au quel cas, ils devront porter et assumer tous les actes posés et fortement décriés.

Le retour de manivelle a commencé et tout montre qu’il sera pénible à supporter.

Par Télesphore Obame Ngomo

Paul Essonne

Journaliste

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