Le débat de Missélé eba’a : Le cas Paillat ne résout rien.

Alors que les gabonais sont encore sous le choc et le doute au sujet du naufrage de l’Ester Miracle, un pan de l’exécutif, de moins en moins contrôlé par la pondération et la maîtrise d’Ali Bongo Ondimba, vient de commettre deux erreurs stratégiques qui fragilisent très sérieusement la crédibilité du pouvoir en place.

En effet, vivre avec les réseaux sociaux est une bonne chose. C’est vivre avec son temps et bénéficier en un laps de temps de multiples avis sur une question donnée. Cependant, vouloir gérer la République en étant sous l’influence de cette nouvelle forme de pression est un grand danger voire une véritable catastrophe. C’est gouverner en ayant comme ligne directrice un fourre-tout. Ce qui est contraire à la sagesse et au beau indispensables pour bien gouverner.

Sur le deuil national, l’opinion publique avertie continue de se demander qui a bien pu conseiller au président de la République de décréter trois jours de deuil alors que les recherches des corps sans vie des victimes sont encore en cours ?  Est-ce à dire qu’à la fin du temps de deuil décidé, les familles qui ont spontanément fait du Port-Mole le lieu de recueillement peuvent rentrer chez elles et considérer que c’est terminé ?

Il aurait été plus sage d’attendre que toutes les opérations techniques pour récupérer les corps sans vie soient effectuées et que les espoirs de retrouver de nouveaux corps refroidis soient totalement épuisés. Ce n’est qu’à ce moment qu’on pouvait décréter un deuil national pour soutenir nos compatriotes attristés.

Dans ce contexte où l’imposture et l’impertinence règnent une erreur appelle très souvent une autre. C’est ainsi que, comme un cheveu dans une soupe, nous apprenons la démission du ministre des transports, Brice Paillat. Que s’est-il passé entre l’ouverture d’une enquête administrative, pénale et l’interpellation de certains responsables du ministère des transports pour des besoins d’enquête ?

En quoi Brice Paillat serait-il responsable de ce drame au point de valider sa démission ? (1) Est-ce à lui la compagnie de navigation Royal Coast ?  (2) Les conclusions de l’enquête administrative sont t-elles désormais connues ? (3) Était-ce dernier qui aurait demandé au bateau de Delta synergie de ne pas sauver les victimes de l’Ester Miracle ?

Pourquoi Brice Paillat démissionne du gouvernement alors qu’on ne sait encore rien sur les enquêtes en cours? C’est encore une erreur qui prouve que ceux qui décident au bord de mer ne sont pas à leur place. On ne gère pas la République avec les émotions mais avec la sagesse et la réflexion partagée.

Aujourd’hui, tous les gabonais savent que c’est grâce au navire Céleste de l’entreprise pétrolière Peschaud que de nombreuses vies ont été sauvées. Le monde entier a entendu qu’un navire appartenant au groupe Delta synergie et quelques associés cités aurait refusé de voler au secours des victimes de l’Ester Miracle. On sait également que l’entreprise française Perenco a grandement contribué à savoir avec précision certaines informations contenues dans l’épave du navire Esther Miracle. Mais personne ne veut dire aux gabonais et au monde entier à qui appartient la compagnie Royal Coast. Et là, c’est vraiment pas normal. Il pourrait avoir anguille sous roche.

Autrement dit, qui veut-on protéger dans cette affaire en pensant que la démission de Brice Paillat, le ministre des transports, répondra aux questions de fond sur ce drame regrettable?

A ce niveau de la situation, afin de bien permettre aux familles de faire leur deuil, il faut que les véritables responsables de cette société de navigation soient nommément cités et répondent de cette catastrophe. On ne peut interpeller les responsables de l’administration sans que les propriétaires « identifiables » de la compagnie Royal Coast ne soient inquiétés. Le Gabon étant un pays de verres, la méthode Cahuzac s’imposera. Il s’agit de vies humaines et non celles d’animaux en manque d’affection.

Et comme avec des amateurs au sommet de l’État une bêtise en appelle toujours une autre, on se demande qui est président de la République au Gabon ?

À ce niveau, il faudrait certainement rappeler aux médias le rôle important qu’ils ont à jouer dans la vie de la nation. De ce pas, ils n’ont pas à se substituer aux courtisans de la petite semaine, allant dans tous les sens dans la Cour du roi, pour chercher à plaire à des gens inconnus de la Constitution. Nous sommes en République où il y a des règles et des codes à respecter. Aussi, on ne peut que se demander, qui est venu soutenir les familles attristées au Port-Mole ?  Est-ce le président de la République ou sa maisonnée ?

Si c’est le chef de l’Etat, alors que le quotidien l’Union revoit sa communication grand public. Quel est le symbole que renvoie la photo illustrative de la présence du chef de l’État sur le lieu du  recueillement en page 2 de sa parution du 16 mars 2023? De ce qu’on peut voir, Ali Bongo est relégué au second plan, celui de porte chandelier. C’est anormal.

Or, seul lui, et lui seul, compte lorsqu’il s’agit de la République. Que cela soit dit et entendu. Cet aplatissement ridicule ou cette collaboration malsaine, le quotidien l’Union devrait l’éviter afin de ne pas finir comme l’hebdomadaire « L’Union française » dirigée par le collabo Philippe Dreux.

La France a connu des drames odieux qui ont suscité désarroi et émoi. Charlie Hebdo en est un des derniers exemples que l’on peut citer. Aucun média français n’a mis Valérie Trierweiler sa compagne en vedette. A la mort de Malik Oussekine en décembre 1986, c’est l’hommage de François Mitterrand qui comptait et non l’absence de Danielle son épouse. Il faut permettre à la République de tenir debout en respectant ses codes et ses règles. C’est tout.

Qu’à cela ne tienne, bien que les jours de deuil soient terminés, il faut que les décideurs sachent que le véritable deuil sera fait lorsque la dignité humaine des familles endeuillées sera restaurées et les responsabilités établies. A la veille d’une élection présidentielle particulière, il serait impertinent de transformer cet épisode de la vie de notre pays en feuilleton sans fin.

Brice Paillat démissionne, Michel Menga et Lee White sont toujours au gouvernement. Où est la cohérence ? Ce n’est vraiment pas l’ADN politique d’Ali Bongo qui gouverne. Qu’on nous prouve le contraire.

Par Télesphore Obame Ngomo

Président de l’OPAM

Paul Essonne

Journaliste

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