Le 24 décembre 2021, la cour constitutionnelle a rendu une décision suite à la saisine du mouvement Copil citoyen qui demandait l’annulation de l’arrêté 559/PM. Comme dans le fonctionnement ordinaire de toute juridiction, il y a l’étude de la forme et du fond.
Rien qu’à l’étude de la forme, la haute juridiction a estimé que le gouvernement n’avait pas respecté la procédure régulière. Par conséquent, on comprend aisément que le fond ne soit plus un sujet. L’appréciation de la forme par la haute juridiction reprochait au gouvernement de n’avoir pas « consulté » le parlement avant de rendre public ses mesures jugées anticonstitutionnelles par la société civile qui la saisit.
Dans le même temps, il est opportun de rappeler que l’article 92 de la Constitution dispose que « les décisions de la cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales ».
Or, à peine la décision de la cour constitutionnelle rendue, l’opinion publique découvre la publication d’un nouvel arrêté 0685/PM pris par le gouvernement qui, ressemble quasiment à l’identique à l’arrêté annulé par la haute juridiction.
Aussi, la première question à se poser est de savoir si pour ce nouvel arrêté, le Parlement a été saisi ou consulté? Si oui, quand? Quelles sont les commissions qui auraient planché sur cette consultation sollicitée? Le parlement peut-il être saisi pour étudier un nouvel arrêté dès l’instant où le précédent serait encore à l’étude à la cour constitutionnelle? Si non, pourquoi ce nouvel arrêté? Quelle est sa valeur quand on sait que c’est le vice de la procédure qui a justifié son annulation?
A quoi jouerait le gouvernement par cette attitude qui ressemble à de la défiance? Veut-il créer une jurisprudence qui entraînera de facto l’anarchie dans le pays? Pour avoir refusé de se plier à la décision des instances républicaines chargées de gérer les élections, André Mba Obame et son parti l’Union nationale avaient dû subir de fortes sanctions après sa prestation de serment en qualité de président de la République.
L’article 28 de la Constitution est clair » le gouvernement conduit la politique de la Nation sous l’autorité du Président de la République; il dispose, à cet effet, de l’administration et des forces de défense et de sécurité. Le gouvernement est responsable devant le président de la République. Il est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues par la présente Constitution ».
Par cette attitude incompréhensible du gouvernement, est-ce réellement l’action d’Ali Bongo Ondimba? Cela fait quand même plus d’une décennie que le successeur d’Omar Bongo est au sommet de l’État, on ne lui reconnaît nullement ce type de réaction malgré toutes les défaillances de gestion qui lui sont reprochées.
Il est clair qu’avec cette attitude surprenante, la question du député français Bruno Fuchs pourrait à nouveau se poser avec acuité: Qui dirige le Gabon?
La Constitution sur laquelle le président de la République prête serment dispose en son article 8 que » le Président de la République est le chef de l’État; il veille au respect de la Constitution; il assure par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État… ».
Comment alors comprendre cette sortie du gouvernement qui exprime un dysfonctionnement marqué entre les institutions de la République? Cette cacophonie serait-elle la volonté du gouvernement conduit par Édith Cresson du Gabon? Ou le énième caprice vicieux des collégiens du bord de mer? Ou bien l’action d’Ali Bongo Ondimba? Tout compte fait, il faut reconnaître qu’il y a un problème dans ce pays à résoudre le plus vite possible avant que la chienlit ne s’installe profondément au Gabon.
Dans la forme de la publication de ce nouvel arrêté, depuis quand le conseiller en communication du ministre de l’intérieur serait désormais le porte-parole du gouvernement? C’est à ce niveau qu’on peut également percevoir la tourmente dans lequel le gouvernement serait plongé. Il serait peut-être temps de mettre fin à tout ce désordre qui n’honore pas la République.
Ali Bongo Ondimba qu’on a vu et connu avant son accident vasculaire cérébral n’avait pas ce type de réaction épidermique et irresponsable. Pour ceux qui le connaissent, les méthodes constatées aujourd’hui lui sont totalement étrangères. Il convient alors de mettre fin à toute forme d’imposture qui nuit à l’esprit même de la République gabonaise. La pièce de théâtre, jadis toléré, tend à virer au drame tant le maillet est mal tenu et il est désormais frappé, sans état d’âme, sur la tête de tous. La fin de la récréation mérite d’être sifflée.
Par Télesphore Obame Ngomo