Le débat de Missélé eba’a : Après le pouvoir des Hommes, la justice spirituelle.

Appelons ces mots comme on veut « testament », « dernières volontés », « oraison », etc, aucun individu ne souhaiterait qu’après son passage sur la terre des vivants, son nom soit source de conflits, de haine et de déchirements.

L’homme politique ou public qui entend être reconnu comme tel, qui souhaite imprimer son nom positivement dans les annales de l’histoire, pose des actes qui marqueront ou qui impacteront à jamais la conscience collective. C’est d’ailleurs le but recherché lorsqu’un investissement ou une réforme porte le nom de celui qui l’a initié.

En France, pour immortaliser un travail réalisé ou une avancée majeure sur le plan de la loi, les Parlementaires ont choisi de donner leur nom aux réformes engagées. C’est ainsi qu’on connaît plus l’appellation « loi Veil » du nom de son initiatrice, la ministre de la santé, Simone Veil, que son numéro administratif loi n°75-17 » du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse.

Au Gabon, si on posait ces questions à des enfants de moins de 25 ans : qui était Omar Bongo Ondimba et quel est son héritage pour le Gabon ? A part dire qu’il a été président du Gabon, il n’en sortira pas une seule graine de chapelet parlant des réalisations à l’actif du président disparu. C’est la preuve que l’histoire et la réalité lui renvoient aujourd’hui le fruit de son travail terrestre. Omar Bongo n’a pas formé de dignes disciples capables de ventiler ses œuvres auprès des générations à venir.

Comme tout dans la vie est symbole, on peut objectivement apprécier l’état des différents édifices et autres localités qui portent son nom. Qui ne dira pas que c’est la désolation totale?
L’université Omar Bongo produit désormais les plus grands miséreux du pays, en esprit et en âme, en même temps qu’elle collectionne les vipères tutoyant le niveau universitaire. Le lycée technique Omar Bongo est devenu un dépotoir pour enfants perdus. Que dire de Bongoville sinon qu’elle n’est même pas mieux bâtie que Bolossoville, ce petit village abandonné dans le Woleu-Ntem.

En plus, pour couronner le tout, la seule actualité qui rappelle son passage sur terre est peu élogieuse pour ne pas dire, pas du tout glorieuse, la question des biens mal acquis. Cette problématique fait partie des plus grandes plaies de sa relation avec la France. Elle est pire qu’une abeille dans un cercueil. Quel héritage regrettable!

C’est la preuve qu’Omar Bongo n’a pas laissé de dignes héritiers, ni dans sa maisonnée, ni dans son moule politique. Ces derniers sont incapables de défendre dignement sa mémoire. Pour s’en convaincre, il suffit de savoir : qui s’est indigné devant ce profil peu vendeur qu’on lui colle depuis lors ? Qui a encore écrit pour raconter Omar Bongo ? Qui a réalisé un documentaire parlant d’Omar Bongo aux jeunes générations? Qui ose s’offusquer lorsque son nom est bafoué dans la presse à l’étranger ? Plus grand monde.

En France, qui oserait faire le procès de Charles De Gaulle ou du gaullisme ? Presque personne. Pour avoir manqué de respect et critiqué Georges Pompidou après sa mort, Jacques Chaban Delmas n’a pu accéder au fauteuil présidentiel quand Valéry Giscard d’Estaing l’a tout simplement perdu face à François Mitterrand.

Ceux qui se réclamaient gaullistes leurs ont fait payer cette indélicatesse au nom du souvenir, au nom de la sincérité de leurs relations. Quid des prétendus omariens ou bongoistes ?
Et dire que c’est son fils qui trône au sommet de l’État et que la grande majorité des fonctionnaires milliardaires le sont du fait de sa trop grande tolérance. Quelle ingratitude pour celui qui leurs aura presque tout donné.

De cette entrée progressive de son nom dans la chambre de l’oubli, Omar Bongo paie certainement la trop grande affection ou attention accordée aux courtisans au détriment de ceux qui sont souvent considérés, à tort, comme des poils à gratter, passionnés de la vérité.

Voici qu’après autant d’années passées au sommet de l’État, Omar Bongo Ondimba ne se trouve pas plus honoré que Simon Oyono Aba’a ou Marcel Eloi Rahandi Chambrier. Ce qui devrait attirer l’attention de plusieurs responsables au pouvoir encore en vie et en activité.
De son vivant, des documentaires à la gloire du fils de Jeanne Ebori ont été réalisés. Malheureusement, confrontés à la réalité des situations, tous les discours pompeux tombent de facto dans le non sens. Tenter de dire le contraire de ce que tout le monde voit, c’est accepter de perdre toute crédibilité. Omar Bongo méritait mieux que le silence de ceux qui lui ciraient les pompes à longueur de sorties publiques.

La Cité de la Démocratie qui symbolisait sa grande œuvre sur pierre a été détruite. C’était la meilleure manière de faire disparaître son œuvre, son nom. S’il y avait bien une réalisation d’Omar Bongo qui aurait dû demeurer, n’est-ce pas ce chef d’œuvre à l’histoire comblée ? C’est dire que sur la pierre comme sur l’humain, Omar Bongo n’aura rien laissé de solide. Finalement, le casting de ses disciples aura été mal fait.

Dans le même état d’esprit, qui parle encore de Georges Rawiri, cet homme qui aura occupé les fonctions les plus prestigieuses de notre pays ? Personne. En dehors de quelques anecdotes racontées selon les humeurs des uns et des autres, le Gabon et les jeunes générations ne retiendront presque rien de cet homme abusivement considéré comme influent et puissant. Ses œuvres invisibles où inexistantes n’auront en rien marqué positivement l’opinion publique qui le lui rend bien en l’oubliant.

Or, à un certain niveau de pouvoir, l’homme politique ou l’acteur public devrait plutôt se soucier de l’image qu’il laissera au lieu de se préoccuper des milliards qu’il amasse sans cesse et qui, sans aucun doute, perturberont à jamais son repos éternel. Les jurisprudences en la matière ne manquent pas : les cas Mobutu ou Omar Bongo sont pourtant éloquents.
Et pour s’éviter un sommeil éternellement troublé, au lieu d’entretenir une cour de parents hypocrites ou des courtisans à l’opportunisme aiguë, c’est plutôt un concentré de disciples courageux et valeureux qu’ils devraient se façonner. Tout ceci, pour faire et pour dire ce qui a été fait en mémoire du maître.

Autrement dit, dans mon entourage, qui osera défendre mes états de service, mon œuvre ou ma progéniture quand je ne serais plus. Voici la vraie quête du pouvoir éternel que beaucoup d’acteurs politiques et publiques de notre pays refusent de rechercher. Et c’est à ce niveau qu’Omar Bongo a échoué. Il n’a pas su créer cette sorte de dette morale ou cette relation fusionnelle qui vous lie, en conscience, à son être.

Aussi, nombreux considèrent qu’autant il leurs en a donné autant ils ont contribué à nourrir son fétiche qui lui a permis de rester aussi longtemps sur le fauteuil présidentiel. Ce qui équilibre les services rendus. Pourquoi alors offrir sa poitrine lorsque son nom est prononcé de façon peu honorable?
Seule la vraie fraternité ou la saine générosité marque et façonne cet état d’esprit qui lie les âmes.

Plus récemment, on a le cas de Brice Laccruche Alihanga. En effet, tant qu’il pouvait distribuer postes divers, argent et privilèges, il était adulé. Mais une fois réduit à une détention dans des conditions inhumaines, plus personne n’ose prononcer son nom.

Comment ces exemples parlants n’attirent pas l’attention de ceux qui n’ont pas encore traversé le couloir de la déchéance ou la vallée de la mort ? Bien heureusement pour ce dernier, des liens forts et sincères, il en a tissé. D’où la résistance qui est faite face à l’injustice qu’il subit. Et dire que ces bourreaux se veulent les grands chantres du respect des droits humains. Heureusement que personne n’y croit.

Hélas pour ces gens peu clairvoyants, la justice spirituelle a ceci de rassurant, elle sait dire le Droit. On récolte toujours ce qu’on a semé. Peut-être que Brice Laccruche Alihanga aurait dû crier à la vacance du fauteuil présidentiel pour s’éviter ce châtiment quasi spirituel.
D’où la question de fond : qui investit pour que son nom ou sa richesse devienne une source de conflit, un réservoir de difficultés ou de malédiction? Comme il est dit « chacun fait son lit comme il veut se coucher ».

Pour marquer leur temps, les présidents de la Cinquième République ont compris que seuls les actes symboliques comptent. L’idée et la conception de la Cinquième République, la France la doit à De Gaulle. Georges Pompidou a préféré initier le projet « Beaubourg » ou le « Centre Pompidou » achevé par son disciple Jacques Chirac. Valéry Giscard d’Estaing a réalisé la Villette et le musée D’Orsay. François Mitterrand, le musée du Louvre, l’arche de la Défense, Jacques Chirac, le Quai Branly ou le musée des Arts Premiers. Nicolas Sarkozy avait songé à la Maison de l’histoire de France et François Hollande au réaménagement de l’île de la Cité à Paris.

Au Gabon, que nenni pour la grande majorité des acteurs politiques et publics de premiers rangs. Un enterrement définitif de leurs noms semble déjà programmé. En refusant d’investir pour l’avenir, ils auront fait le choix de patauger dans les poubelles de l’histoire. Ce qui est fort dommage.

Télesphore Obame Ngomo

Président de l’OPAM

Paul Essonne

Journaliste

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