La mort de Pierre Nkurunziza ou tout le paradoxe de la gouvernance en Afrique.

Le décès soudain du président du Burundi Pierre Nkurunziza le 8 juin 2020 à l’âge de 55 ans à l’hôpital du Cinquantenaire de Karuzi suite d’un arrêt cardiaque selon la version officielle, soulève des incertitudes dans ce pays à l’histoire troublée. Sa mort a ouvert une période d’incertitude pour son pays, dont l’histoire est marquée par des crises politiques meurtrières et une longue guerre civile, et qui pourrait être soumis à des luttes d’influence déstabilisatrices.

Au pouvoir depuis 15 ans, Pierre Nkurunziza devait achever son mandat le 20 août 2020 et passer le témoin au général Evariste Ndayishimiye, son dauphin désigné par le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, et vainqueur proclamé de la présidentielle du 20 mai dernier, en dépit des accusations de fraudes massives lancées par son principal rival.

La mort de Pierre Nkurunziza, un chrétien évangélique « born again » qui considérait son pouvoir d’essence divine, a provoqué un immense choc au Burundi. Il laisse pourtant un héritage sombre et triste. Sa candidature très controversée à un troisième mandat en avril 2015 a débouché sur une crise politique qui a fait plus de 1.200 morts et conduit 400.000 Burundais, dont de nombreux opposants, militants des droits de l’Homme et journalistes indépendants, à l’exil.

En effet, la corruption a vidé les appareils d’État de toutes ses fonctions, ne laissant qu’une apparence derrière laquelle s’engraisse une hydre dévorante qui se nourrit de toute la substance des pays africains. La corruption les ronge si profondément qu’elle interdit toute perspective de sortie de la misère pour la quasi-totalité de la population.

Ces régimes, tombés dans le discrédit, ébranlés par la sourde révolte des habitants, ne tiennent que par le recours constant à une répression sans limite et sans loi, que l’Occident affairiste et médiatique feint de ne pas voir car il en profite largement pour pérenniser ses profits.

Sous le règne de celui qui avait été élevé au rang de « Visionnaire » et de « Guide suprême du patriotisme », deux termes symbolisant son rôle central dans le système mis en place par le CNDD-FDD, la population du Burundi s’est également encore appauvrie. Pierre Nkurunziza avait régulièrement expliqué que Dieu protégeait le Burundi et sa population du Covid-19 et avait décidé de maintenir les élections malgré l’épidémie.

A travers l’exemple du Burundi, on peut donc dire que changer de président ne garantit en rien un changement de régime ni du mode de gouvernance. Désormais, lorsque l’on parle de changement politique, il faut préciser ce dont on parle : un changement de personne, de régime ou de gouvernance ? En Afrique, on voit des alternances politiques, des changements de personnes. Mais des changements de gouvernance, on en attend encore.

Paul Essonne

Journaliste

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *