Guillaume Soro : Enfant maudit ou fils prodigue ?

Découvrons cette personnalité incontournable de la scène politique ivoirienne, dont la vie est une allégorie de l’âme déchirée entre les pulsions et le surmoi. Comme un marathonien au fil d’arrivée, il s’effondre, son corps lui rappelant qu’il a souvent trop vécu dans sa tête. Malgré les précautions de son entourage, le retour à la normale est laborieux, surtout lorsque l’on passe son temps à dépendre de tous et à mélanger les mots.

En effet, l’ancien chef de la rébellion ivoirienne Guillaume Soro, a été condamné le 28 avril dernier à 20 ans de prison pour recel de détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux par le tribunal correctionnel d’Abidjan au terme d’une audience boycottée par ses avocats.

C’est donc confiné à Paris, que son procès s’est tenu en son absence. Cette audience s’est aussi tenue en l’absence de ses avocats qui ont choisi de boycotter les débats pour dénoncer une mascarade judiciaire. A leurs yeux, la Côte-d’Ivoire foule aux pieds ses engagements internationaux en ne suspendant pas les procédures judiciaires en cours. Ils s’appuient sur le jugement prononcé le 22 avril par la Cour africaine des droits de l’homme qui a ordonné dans un premier temps à la Côte-d’Ivoire de suspendre son mandat d’arrêt contre Guillaume Soro, avant de se prononcer sur le fond en juin.

Accusé d’avoir acheté en 2007 sa résidence d’Abidjan avec des fonds publics (plus précisément du Trésor public) alors qu’il était Premier ministre, il a été condamné à 20 ans d’emprisonnement, 4,5 milliards de francs CFA d’amendes, la confiscation de sa maison et la privation de droits civiques pendant cinq ans. Même qu’un nouveau mandat d’arrêt a été émis à l’encontre de l’ancien président de l’Assemblée nationale qui, sauf appel fructueux, se voit ainsi interdit de se présenter à la présidentielle d’octobre 2020.

Guillaume Soro devra en outre verser 2 milliards de francs CFA de dommages et intérêts à l’Etat de Côte d’Ivoire. Hormis l’affaire de recel et de blanchiment, il fait l’objet de poursuites depuis fin décembre 2019 pour une tentative présumée d’insurrection.

Nonobstant ces turpitudes, Guillaume Soro se montre déterminé et affirme que « C’est une sentence qui ne nous émeut absolument pas. La parodie de procès à laquelle nous avons assisté ce jour est la preuve ultime que l’Etat de droit est définitivement enterré par Alassane Ouattara.

Je lui dis que cette décision ne nous ébranle pas. Je considère ce verdict comme un non-événement, je maintiens ma candidature à la présidentielle et je demande à tous mes partisans de demeurer mobilisés et de continuer le travail de mobilisation et d’implantation. Notre victoire ne fait aucun doute. Nous gagnerons la prochaine élection présidentielle, c’est une certitude. »

On a du mal à imaginer que cette tragédie puisse frapper un homme de sa trempe qui passe ses journées à courir après son souffle. Mais cet ambitieux doublé d’un tribun exceptionnel n’a guère le temps de voir grandir ses enfants, et encore moins de pleurer sur son sort.

Aujourd’hui, la frontière qui le sépare entre « l’enfant maudit » et le « fils prodigue » devient de plus en plus fragile. Allégorie de l’âme humaine écartelée entre la morale et le désir, la vie de Guillaume Soro déclenche depuis quelques mois des passions.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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