Grande Brouille par Sandrine NGUÉMÉBÉ ENDAMANE

Président intérimaire,
Président provisoire,
Président de la Transition ou Président de la République ?

Le dernier Conseil des Ministres a ‹‹réhabilité dans son statut de 3ème Président de la République›› Rose Francine Rogombé, huit années après son décès. Une brave dame.
Que dit exactement notre Constitution ?

Précision de départ. Je ne suis pas contre le Comité de Transition pour la Restauration des Institutions (CTRI). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je partage la même pensée que le Premier Ministre Raymond Ndong Sima qui le définit comme ‹‹un moindre mal››. Je corrobore.
Toutefois, j’ai le devoir moral de dénoncer ce qui apparaît à mes yeux trouble.

Bref rappel dans le temps. On ne peut nier les évidences de deux années charnières. 2009 et 2023, deux périodes de l’histoire de notre pays marquant les débuts de deux ‹‹Transitions›› aux essences différentes. En effet, après le décès d’Omar Bongo Ondimba, Rose Francine Rogombé ‹‹a assuré l’intérim›› (Article 11, alinéa 4), a ‹‹exercé provisoirement la fonction de Président de la République›› (Article 13). À partir de là, des mots scintillent dans mon entendement, à savoir : ‹‹assurer l’intérim›› et ‹‹exercer provisoirement la fonction de››. Il convient de faire relever que notre Constitution n’emploie pas le mot ‹‹Transition›› même s’il est sous-entendu dans les deux premiers. Il y a tout de même un argument justifiant le choix des législateurs et juristes pour comprendre ce jeu d’écriture.

Un intérimaire exerce une fonction provisoire qui n’est pas la sienne,  »en attendant » d’être remplacé par celui qui remplit tous les critères, celui qui doit être là, qui répond à la fonction exercée par celui qu’il va remplacer. Il y a dans cette lecture, une distanciation entre le sujet et son objet, entre l’intérimaire et la fonction exercée. Plus simplement dit, l’intérimaire est en fonction afin d’assurer la continuité d’un service en attendant son remplacement, celui qui aura un profil validé par d’autres.

C’est dire que dans un État de droit, une transition dure peu de temps, elle passe vite; elle n’est pas un mandat électif. Période exceptionnelle n’est pas période normale. Intervalle provisoire n’est pas intervalle définitif. Moment transitoire n’est pas mandat électif. Il est vrai que durant ce moment exclusif ou période exceptionnelle, le Président de la Transition assure la continuité de l’Etat (les institutions continuent de fonctionner) mais n’est là que pour un moment borné dans le temps et dans l’espace. Le PRT conduit le CTRI pour la Restauration des valeurs, des institutions, de la dignité, d’une justice juste, d’un idéal démocratique commun, d’un état de droit véritable… (c’est sa mission abyssale).
Il appert que dans les deux approches présentées plus haut, la question de la durée (provisoire ou transitoire) se posera dans l’écoulement du temps jusqu’à l’organisation d’une élection présidentielle fiable et sans heurts.

Quel est l’intervalle le plus court dans ce moment particulier ou exceptionnel ? Celui de 2009 à 2009 sous Rose Francine Rogombé ? Un intervalle allant du décès d’Omar Bongo Ondimba en juin à l’élection présidentielle de novembre de la même année ? Ou l’intervalle allant de la destitution d’Ali Bongo Ondimba du 30 août 2023 à « sine die » ? Le deuxième intervalle reste suspendu jusqu’à ce jour. Nous sommes encore en attente.
Les priorités du CTRI obligent !

L’intervalle attendu pour comparaison reste à ce jour inconnu, non borné. Observons ensemble et attendons la suite.

Autre chose. Madame Rose Francine Rogombé ‹‹a été installé›› à la très haute fonction de PRT, a prêté serment comme l’indique notre Constitution. À aucun moment elle n’a été présentée comme Président de la République conformément à notre loi fondamentale. Alors, à quel moment apparaît la maltraitance qui justifie sa réhabilitation ? Une maltraitance morale au su et à la vue de toutes les institutions  »in illo tempore » ? Je veux juste comprendre les motivations du Conseil des Ministres.

Continuons. En 2023, cette année, le contexte est différent.
Le Président de la République Ali Bongo Ondimba est destitué par des militaires (il n’y a pas eu ‹‹décès ou empêchement définitif›› du président élu comme en 2009). Par la suite, comme l’indique ‹‹sa›› Charte rédigée par une infine minorité (différents de la Constitution qui est l’émanation des élus nationaux), le PRT, le Général de Brigade Brice Oligui Nguéma ‹‹s’est installé›› dans le fauteuil de Président ‹‹intérimaire››, ‹‹provisoire›› ou ‹‹transitoire››. Je dis bien ‹‹s’est installé›› puisqu’il a  »arraché » les rênes du pouvoir exécutif contrairement à madame Rogombé. C’est différent. Les verbes d’action ne sont nullement une extrapolation de ma part mais plutôt une restitution des faits que nous avons tous vécus et ovationnés (j’étais  »dedans »).

En outre, je constate, hors de toute attaque personnelle à son égard (toujours de ma part), qu’il est présenté aujourd’hui comme un Président de la République qui est, lui, un ‹‹élu au suffrage universel››, ‹‹à la majorité  absolue des suffrages exprimés›› (Article 9, Constitution). Alors qu’au lendemain de sa prise de fonction, il était présenté comme Président de la Transition (PRT), c’est tout !

Il y a alors, tout lieu de dire que là, nous marchons sur un sable apophantique jonché d’épines dans la mesure où l’on se perd entre ce qui se donne à lire dans les articles de journaux, à entendre dans reportages télévisés, communiqués CTRIQUES et les dispositions des textes de la Loi Fondamentale.

Permettez- moi de conclure en disant qu’il y a quelque chose qui  »cloche ».

*Sandrine NGUÉMÉBÉ ENDAMANE*

Paul Essonne

Journaliste

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