Gabon/Le vol des défenses des pachydermes : Une pratique presque légale.

Le vol des ivoires dans les Tribunaux et les Directions Provinciales des Eaux et Forêts du Gabon est-il devenu pour les trafiquants de la précieuse matière un moyen d’approvisionnement certain et moins dangereux que le braconnage des éléphants et le trafic d’ivoire qui en découle ? Quoi qu’il en soit, les forfaits se sont multipliés ces dernières années et la suspicion a pris de l’ampleur.

Makokou. Encore. Le tribunal de Première Instance de cette ville a été cambriolé dans la nuit du 27 au 28 janvier dernier. Les malfaiteurs ont emporté avec eux au moins 95 pièces d’ivoire saisies au cours de nombreuses arrestations et procédures communes entre les partenaires de la lutte contre le braconnage et le trafic d’ivoire que sont l’Administration des Eaux et Forêts, les forces de l’ordre, l’ANPN et l’ONG Conservation Justice. Selon les premiers témoignages, les voleurs seraient entrés par effraction en forçant la grille de protection de la porte centrale du Tribunal avant d’ôter la serrure de la salle des scellés. Le constat fait par le greffier en chef du Correctionnel a bien évidemment permis d’ameuter les principaux patrons de la justice ogivine, à savoir le Président du Tribunal et le Procureur de la République.

Face à ce nouveau vol, il faut noter d’abord l’absence d’un service de sécurité dans une ville où sont installés une région militaire et une compagnie de gendarmerie qui jouissent d’importants effectifs. Mais il est aussi à souligner que ce n’est pas la première fois qu’une telle opération malfaisante a lieu au Tribunal de Makokou.

En octobre 2014, un vol similaire avait eu lieu. Les personnes qui avaient opéré étaient passées, semble-t-il, par le plafond pour atterrir directement dans la salle de scellés emportant avec elles plus de 100 kg d’ivoires et des fusils. Ce butin avait été saisi en décembre 2014 à Booué aux mains d’un certain Oumarou Faroukou qui avait désigné le Doyen des juges et le Greffier en chef comme étant les commanditaires du vol, ces derniers lui ayant, selon ses dires, remis la somme de 1.700.000 CFA. Le célèbre Faroukou a d’ailleurs récidivé et a été une nouvelle fois arrêté en 2017 et est actuellement en détention. Comme quoi, la dissuasion n’est pas suffisante.

Makokou n’est pas la seule ville affectée par ce genre de forfaits. Le tribunal de première instance de Mouila, le chef-lieu de la province de la Ngounié était visité par des vandales dans la nuit 4 au 5 janvier 2017, emportant 42 kg d’ivoires saisis par les agents du parc de la Waka à Sindara dans le département de Tsamba-Magotsi. Au mois de novembre précédant, le même tribunal de Mouila avait été victime d’un autre cambriolage et perdu à l’occasion environ 30 kg d’ivoire.

A Oyem, les faits y sont récurrents au point où une année qui passe sans vol dans ce Tribunal est une année miracle. En avril 2015, ce sont plus de 300 kilogrammes équivalant à 50 éléphants abattus d’ivoire qui avaient disparu. Le procureur de l’époque déclarait : « La salle des scellés du tribunal a été forcée afin de permettre le vol. Seules quelques pointes stockées dans le bureau du greffier en chef ont échappé au cambriolage. Par ailleurs, le gardien du tribunal est depuis lors porté disparu ». Il expliquait que cette quantité devait être transférée la semaine même dans un entrepôt centralisé de la capitale Libreville.

Force est de constater qu’aucun auteur de ces vols n’a jamais été interpellé. Comment peut-il en être ainsi ? Il est évident que l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces vols a le don de les rassurer et de faire prospérer les opérations, sans doute bien calculées, de détournement des ivoires dans les différentes salles de scellés de Tribunaux et Directions des Eaux et Forêts où ils sont sensés êtres en sécurité.

Thierry Mebale Ekouaghe

Directeur de publication, membre de l'UPF (Union de la Presse Francophone) section Gabon, Consultant en Stratégie de Communication, Analyste de la vie politique et sociale, Facilitateur des crises.

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