En vertu de la logique propre à un créateur qui est aussi citoyen de ce Village global, l’artiste d’abord soucieux, en ce monde raté, de faire de la politique, d’adopter, par le biais de ses propres travaux, une position de principe faisant de sa création, au-delà d’une fourniture pour l’esthétique commune, un combat : combat pour plus de solidarité et moins d’iniquité, plus de transparence et moins de manipulation.
Si toute création artistique est d’essence politique quand bien même voudrait-elle échapper à cette fatalité ontologique, il arrive aussi que l’artiste souhaite donner à son travail ce tour engagé qui va désigner l’œuvre d’art.
En effet, l’artiste, auteur, compositeur, chanteur ivoirien Meiway s’est exprimé à travers un poste vidéo sur ton solennelle à propos de la candidature du Président de la République de Cote d’Ivoire Alassane Ouattara à l’élection présidentielle ivoirienne d’octobre 2020 :
« Je viens de suivre l’intervention télévisée qui confirme votre candidature à un troisième mandat aux élections présidentielles contrairement aux engagements que vous avez solennellement pris devant le peuple ivoirien. Toute ma vie d’artiste au nom de la loyauté, j’ai milité pour le peuple, j’ai milité pour les plus faibles, j’ai sacrifié une grande partie de ma carrière pour défendre la paix, l’amour, l’unité et la prospérité dans mon pays. Par conséquent, mon intervention s’impose car l’heure est grave.
Monsieur le Président, on ne bâtit pas un pays sous un régime de peur, on ne bâtit pas un pays en exilant ses fils et en emprisonnant les porteurs d’idées opposées. En succombant à la tentation de l’éternité politique, vous risquez de faire sombrer la Côte-d’Ivoire dans un chaos que nous croyions éloigner à jamais. Allez-vous sacrifier ce que vous avez bâti pour vous classer du mauvais coté de l’histoire de notre pays ? Allez-vous tomber sans résister, dans le destin tragique des Chefs d’Etats africains obsédés par le pouvoir ?
Monsieur le Président, vous avez encore une chance d’échapper aux prédateurs qui s’agitent autour de vous pour leurs intérêts et non du notre. S’il n’y a aucune personne dans la jeune génération, compétente pour vous succéder, vous avez dès lors Monsieur le Président échoué. Il faut le reconnaitre, en renonçant à ce 3e mandat, qui sera le mandat de trop car le peuple ivoirien qui vous a porté, qui vous a accompagné à la magistrature suprême pourrait vous manquer de respect.
En vous remerciant d’avance pour votre attention, je vous prie Monsieur le Président de retenir, que je sais prévenir, que je ne sais pas guérir. Je vous remercie. »
Aussi, jeté dans le non-sens de l’histoire contemporaine de la Cote d’Ivoire c’est-à-dire confronté à l’aberration que constitue la notion même de sens dans un monde évolutif mais sans destin bien assuré, Meiway a toutes les chances de se retrouver orphelin. Orphelin d’un discours et d’une forme, en bloc, et privé du même coup d’une position esthético-éthique tenable en dignité. Prix à payer à l’impureté contemporaine, au mélange ou à la réversibilité, toujours accrus, des valeurs. L’artiste ivoirien ne peut épouser telle ou telle cause sans aussitôt faire l’épreuve de son assujettissement à une situation confuse voire contradictoire lui signifiant sa démission critique ou un point de vue complaisant ou trop court à l’égard de la réalité.
Meiway exprime-t-il dans ce cas un sentiment de révolte qu’on croira volontiers sincère, ce dernier ne l’absout cependant pas d’une collaboration douteuse avec le pouvoir, ce pouvoir fût-il en principe respectueux du droit humain et, en tant que tel, a priori respectable. Car l’artiste, pour le reste, fait aussi de la politique-spectacle, le voici insérant sa production dans l’économie symbolique de démocraties en panne d’inspiration politique, ne sachant plus comment combattre leurs ennemis et s’en remettant, faute de mieux, à une fantasmatique du signe salvateur-rédempteur.